BAILLY Samantha 02

Auteur / Scénariste: 

Bonjour, notre petit entretien va porter sur « Métamorphoses ». Mais on va planter d’abord le cadre et peut-être un résumé du livre par tes yeux ?

Métamorphoses se déroule à Lynneroy, une ville commerçante aux accents baroques, où les banques sont légion. Sonax, le personnage principal, est destiné à suivre une voie marchande, mais suite à un drame, il intègre une troupe d'acteurs. Il choisit les pièces de théâtre plutôt que les pièces de monnaie. Métamorphoses est un roman-personnage relié à des arches narratives en rapport avec le roman Oraisons. Chaque partie correspond à une période de la vie du trafiquant et à des enjeux politiques pour l'Astracan. Le lecteur est invité à suivre l'évolution de Sonax depuis le théâtre, où il passe d'enfant introverti à androgyne excentrique, jusqu'au trafiquant d'objets illicites et magiques que l'on connait dans Oraisons. Sa vie de sa pré-adolescence jusqu'à ses cinquante ans. Et surtout, ce roman est là pour ébranler tout ce que le lecteur pensait savoir de l’histoire précédente et de l’univers…

 

Comme le dit le titre, le héros va énormément évoluer mais par paliers presque par revirement de situation. Chaque « Acte » du livre est en fait centré sur une nouvelle facette de Sonax. En fait c’est quasi 3 histoires en un livre. Et l’idée tant des 3 étapes de modification que de découper le livre en actes à la fois liés mais aussi tellement différents, elle s’est imposée avant le début d’écriture ou après, comme une logique qui a coulé d’elle-même au vu de l’histoire ?

Pour répondre à cette question, il faut remonter en arrière. L'intrigue de Métamorphoses me trotte dans la tête depuis 2008. J'ai écrit la première partie, Le théâtre solaire, entre 2010 et 2011. À l'époque, j'envisageais cette histoire sous forme de trilogie, qui aurait dû sortir chez Mille Saisons, mais je suis passée chez Bragelonne entre temps. Du coup, nous avons décidé d'en faire un seul et unique roman. Sonax, le trafiquant d'Objets Tabous que du roman Oraisons, est une rencontre mentale assez étrange. Le genre de personnage que vous placez à un endroit, que vous travaillez, mais qui prend le dessus. Qui vit malgré les rouages bien huilés du scénario. J'ai semé dans Oraisons tout un tas d'indices sur la vie du trafiquant que j'avais déjà mûrement réfléchie. Son goût pour les parfums, son nom de famille, sa tache de naissance, son rapport au Jeu des quatre vents, etc. Tout ça a pris vie dans une ambiance colorée, pleine d'émotions, et j'ai écrit avec la musique du Château Ambulant de Miyazaki dans les oreilles.

 

D’où vient cette idée très nouvelle de la résuadine ? Elle a ce côté abominable et merveilleux à la fois, dégoutante et fascinante. Et aussi, la linguiste en moi ne peut éviter cette question, comment as-tu trouvé ce nom ?

Je crois que ce qui est le socle de réflexion de cet univers est le rapport aux astres, la fascination pour le ciel, les étoiles. Ce n’est pas une idée originale, on retrouve ces éléments dans bien des coutumes de notre propre monde ! Cet ailleurs ensorcelle et exacerbe l’imagination. Ce qui est en haut, c’est l’inaccessible. J’ai voulu créer une religion en rapport avec les étoiles en tant que symboles, mais une religion entourée de rituels bien spécifiques touchant à la mort. La résuadine s’est imposée naturellement lorsque j’ai créé les oraisonniers, ces représentants de l’Astrascisme dont le rôle est de permettre le passage entre le monde terrestre et les étoiles. Je voulais que la cérémonie soit en effet à la fois belle, fascinante, mais aussi profondément mortifère et répulsive. C’est ainsi qu’est venue l’idée que l’oraison consisterait dans le fait de prélever les âmes des défunts. Mais à quoi ressemble une âme ? C’est là que l’imaginaire entre en jeu. Grâce à leur médaillon, les oraisonniers prélèvent une substance noire, mystérieuse, nommée la résuadine. « Résuadine » vient de « résidus », tout simplement. Il y a comme déjà une impression de trasngression, de morcellement, dans ce néologisme.

 

Pour toi, c’est un univers dystopique ou non ? Sonax est un ado dans l’Acte I et son monde dominé par un dictateur, éléments essentiels au genre. Et pourquoi ?

Pour moi, ce n’est pas une dystopie, mais de la fantasy, c’est-à-dire un ailleurs dans lequel la nature obéit à des lois différentes de notre monde. En revanche, dans mes romans de fantasy, les motifs d’univers contaminés par les jeux de pouvoir reviennent souvent. J’aime instiller un paradigme religieux ou politique à travers un monde imaginaire, car je crois que le pouvoir est ce qu’il déchaîne.

 

La couverture est particulièrement soignée car, outre sa beauté, elle est totalement conforme au contenu. As-tu eu ton mot à dire ?

Mélanie Delon est une artiste que j’admire beaucoup et que je connais personnellement. C’est pourquoi il m’a paru évident de proposer son nom lorsque nous réfléchissions à la couverture. Je lui ai fourni le descriptif de l’univers, des personnages, et après quelques échanges entre l’équipe graphique de Bragelonne et elle, ça a donné cette illustration !

 

Quelque chose que tu souhaites dire sur ce livre et que tu n’as jamais eu l’occasion d’exprimer ?

Hum… Je pense que Métamorphoses m’a permis d’explorer de nombreuses thématiques en rapport avec la différence, le corps, les cases et les changements. J’ai été très touchée de recevoir certains témoignages de lecteurs étant en souffrance dans notre société qui cherche bien souvent à lisser l’image et l’identité. À travers la fantasy, on peut toucher des questions très intimes et actuelles.

 

Histoire de faire dans le classique, quels sont tes projets à venir ?

Côté romans, la parution prochaine de Nos âmes rebelles, la suite de Nos âmes jumelles, aux éditions Rageot, qui sortira le 16 février 2016. Cette série de romans contemporains explore la période de l’adolesence à travers la thématique de la créativité. Lou et Sonia, deux lycéennes que tout oppose, veulent devenir respectivement écrivain et dessinatrice, et construisent leur amitié autour de leurs passions.

Ensuite, j’ai terminé À durée déterminée, roman de littérature générale qui est la suite des Stagiaires. Mon projet global est un triptyque de romans indépendants qui mettent en scène la succession des jeunes employés chez Pyxis, entreprise qui incarne le rêve de nombreux passionnés par la culture des médias. L’idée est la suivante : un roman, une forme de contrat. Stage, CDD, CDI. Après Les stagiaires, À durée déterminée est le second volet qui tente d’apporter un éclairage actuel sur les secteurs du divertissement et les fantasmes qu’ils incarnent. Le projet s’inscrit dans deux volontés : dessiner un contexte économique et ses rouages, mais aussi montrer les imbrications émotionnelles et psychologiques liées à la communauté. On y retrouvera nos stagiaires désormais employés.

Côté scénario, deux projets. Le premier est en lien direct avec les romans, puisque les droits audiovisuels des Stagiaires ont été cédés pour une adaptation cinéma. J’ai la chance de m’être vu proposer d’être la scénariste du script du film, j’y travaille donc actuellement. Il faut maintenant espérer que cela ira jusqu’au bout, mais c’est très enthousiasmant et passionnant !

Ensuite, je suis scénariste d’une série de mangas nommée Alchimia, avec Miya au dessin, dont le premier tome paraîtra fin 2016 aux éditions Pika. De nouveaux horizons avec cet univers de fantasy à mi-chemin entre le shôjo et l’aventure.

 

Critique de Métamorphoses ici

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