MARHIC Renaud 01

Auteur / Scénariste: 

Dites-nous quelque chose à votre propos ? Qui êtes-vous ?

A l’origine, je suis un journaliste qui a commencé, il y a bien des années, à écrire des romans, et qui, le jour où il a arrêté le journalisme, est entré de plein pied dans le monde de l’édition.

Comment en êtes-vous venu à l’écriture ?

Je crois que, souvent, le journalisme sert d’ersatz à des personnes comme moi qui se sentent écrivains. Mais devenir écrivain à 20 ans n’est pas donné à tout le monde. Et il est vrai que le journalisme permet de vivre de sa plume, d’évoluer dans le monde de l’écrit. Je sais que beaucoup de journalistes avaient fait, à l’origine, cette vocation d’écrivain…


A quel âge avez-vous commencé à écrire ?

Cette question entraîne des réponses sempiternelles et la mienne ne fera pas exception : j’ai toujours écrit. Ca commence avec les romans inachevés de l’enfance. Ca se poursuit avec des récits plus structurés à l’adolescence. Et puis un premier roman à l’âge de 20 ans. Un roman qui n’avait pas vocation à publication et n’a d’ailleurs jamais été proposé à un éditeur. Mais qui n’en était pas moins un véritable travail d’écriture.

Vous souvenez-vous encore de vos premiers textes ? Que sont-ils devenus ?

Les textes d’enfance ont disparu mais le premier roman est en lieu sûr.

Comment écrivez-vous ? Est-ce une profession pour vous ? Quelles sont vos autres passions ?

Oui, pour moi, il s’agit bien d’une profession puisque, comme je l’ai expliqué précédemment, j’ai arrêté mes activités journalistiques pour rentrer dans le domaine de l’édition. Ecrivain est une casquette, si l’on peut dire. A côté de cela, il y en a d’autres : celle de directeur de collection, de correcteur…

Quant à mes passions, elles tournent essentiellement autour de la chose écrite. La vie étant ce qu’elle est, le temps consacré à la lecture est toujours trop court. Je m’emploie désormais, à 40 ans passés, à lire ce que je n’ai pas pris le temps de lire entre mes 20 ans et maintenant.

Pourquoi l’écriture ? Quel est, selon vous, le rôle de l’auteur dans notre société ?

Le rôle de l’auteur dans la société est, hélas, de plus en plus problématique du fait de la marchandisation de la culture. Les livres deviennent des produits industriels comme les autres. Et, du coup, les auteurs deviennent bien souvent des variables d’ajustement de bénéfices. C’est un réel problème. L’auteur, à mon sens, a vocation à porter un regard sur les hommes en société, quelle que soit la place qu’occupe ce regard sur la palette des émotions. Hélas, il n’est pas un mystère que, désormais, l’auteur a surtout vocation à fournir des produits calibrés destinés à alimenter la société du spectacle. Laquelle n’est, selon moi, qu’une succursale de la société capitaliste.


La subversion, l’engagement politique ont-t-ils toujours leur place dans le choix d’écrire de la science-fiction plutôt qu’autre chose ?

Concernant la science-fiction, je serais assez mal placé pour répondre. Avec la collection « PolarsGrimoires – Enquête sur la légende », je me situe dans un domaine plus particulier : le mariage des littératures policières et des littératures de l’Imaginaire. Je ne sais pas si la subversion a quelque chose à voir là-dedans mais je l’espère. Par contre, je pense que la littérature a une vocation humaniste. C’est le rôle de l’auteur que j’évoquais tout à l’heure : éclairer ses contemporains sur la société. Je pense que la littérature est là pour dire quelque chose et non pour divertir. A nouveau, on peut établir la différence entre la notion de culture et la notion de divertissement, associée à celle de marché. Je constate d’ailleurs à l’occasion de ce Salon du Livre de Paris, comment les lecteurs, prenant pour point de départ la littérature, orientent très vite la discussion vers la situation politique et économique actuelle…

Comment travaillez-vous les idées de base ? Vous vous basez sur un vécu ou sur une recherche préalable de documents, voire vous partez tête baissée et improvisez selon l’évolution ?

Tête baissée, jamais. J’ai derrière moi une carrière de journaliste d’investigation, ce qui signifie beaucoup de choses approchées, vécues, beaucoup d’archives accumulées… Je m’inspire donc de mes propres expériences, tout en effectuant, toujours, un gros travail de recherche. Avec la collection « Polars Grimoires », on est proche de la démarche du folkloriste, au sens anglo-saxon du terme. Le légendaire est quelque chose qui se documente. La plupart des traditions orales ont été transcrites à la fin du 19e par des érudits tels Anatole Le Braz, en Bretagne, et bien d’autres encore à travers le pays. Le légendaire étant chose documentée, il ne s’agit pas de l’utiliser gratuitement, mais d’essayer de le replacer dans un contexte actuel tout en en respectant l’esprit.

Comment passe-t-on de livres qui ressemblent plus à du reportage journalistique en traitant de sectes, d’extrême droite etc. à la littérature de « création » ?

J’ai commencé en effet par publier des essais journalistiques. Cela consistait bien souvent à expliquer des choses complexes à des personnes n’ayant aucune idée de ces choses-là. Dire qu’il y a là un frein à la notion de littérature est une évidence : on ne peut évidemment faire œuvre littéraire dans ce domaine de l’essai journalistique ; si ce n’est à le maîtriser tout particulièrement.

Comment passe-t-on de l’un à l’autre ? Dans mon cas, l’appétence de lecture a beaucoup joué. Grand lecteur, bridé par le style journalistique, ce fut un immense bonheur que de pouvoir enfin se laisser aller à l’écrit… à ce en quoi consiste l’écriture d’un roman. Aujourd’hui, mon choix est là : j’essaie de livrer au public des livres écrits, ce qui, étonnamment, n’est pas toujours le cas.

« Terminus Brocéliande » était clairement un livre de l’Imaginaire. Entre psychose et rêve, l’enquête policière restait dans une brume. Par contre « L’Oreille de Denys » est tout à fait différent. Des commentaires ?

Au-delà de la forme, je ne crois pas que l’on puisse véritablement établir de différence. Je pense même que le fond est exactement similaire. On est toujours là dans la dénonciation des faux-semblants, dans la défense de l’esprit critique… Je crois que beaucoup des maux qui accablent aujourd’hui la société viennent du fait que l’on n’enseigne pas la pensée critique. Faute de cet enseignement, le public est prêt à avaler tout et n’importe quoi. Qu’il s’agisse d’un livre laissant une large place à l’Imaginaire, comme « Terminus Brocéliande », ou qu’il s’agisse d’une satyre sociale féroce, comme « L’Oreille de Denys », je crois que mes livres sont exactement les mêmes.


Il y a énormément de références à la vie et la culture dans « L’Oreille de Denys ». Le titre est-il aussi une allusion ?

« L’Oreille de Denys » est, dit-on, cette caverne qui permettait à Denys, tyran de Syracuse, d’écouter les conversations de ses prisonniers. Evidemment, on ne sera pas étonné de découvrir dans ce roman un personnage qui va se mettre à écouter ses semblables à leur insu et qui va découvrir ainsi la face cachée des choses.

Après le reportage, le fantastique, peut-être de la SF ? En plus vous êtes plutôt connaisseurs en ufologie ! Ou alors c’est justement cette connaissance qui vous bride la créativité ?

Le fait de bien connaître ce que j’appelle les « pseudo-sciences », d’avoir approché de manière critique l’irrationnel, me donne une conception bien particulière de l’Imaginaire. Je suis tout particulièrement attaché au fait que celui-là reste à sa place. L’Imaginaire est quelque chose de précieux, de formidable, mais à condition que l’on ne cherche pas à nous le faire prendre pour la réalité. De fait, je ne me sens pas en situation d’écrire ce qu’on appelle, au sens strict du terme, de la science-fiction.

Quel est votre auteur de fantastique préféré ?

Arthur Machen serait une réponse possible. Je trouve que « Le grand dieu Pan » est une nouvelle, une « novella », particulièrement intéressante. Je la préfère d’ailleurs dans sa première traduction que dans la seconde. Machenest un écrivain brillant ; encore plus quand il aborde le mythe du Petit Peuple et ce qui s’y rattache. J’ai l’impression que, en matière de fantastique, on court souvent après Lovecraft quand Machen nous donne, d’un point de vue littéraire, des récits infiniment supérieurs.

Quel est votre auteur de littérature générale préféré ?

Hors fantastique, j’ai un goût particulier pour une littérature américaine qui n’est pas la littérature noire au sens policier du terme, mais dont la noirceur n’est pas contestable. J’évoque ici des écrivains de « la beat generation », ou assimilés, comme Bukowski, ou encore Selby Jr., ces derniers étant très importants pour moi.

Quel est votre roman de fantastique préféré ?

Je crois que j’ai cité l’auteur et le roman. Je trouve que « Le grand dieu Pan » est un modèle du genre.

Quel est votre roman hors fantastique préféré ?

On risquerait, là encore, de tomber dans des réponses sempiternelles ; je pourrais citer « Le voyage au bout de la nuit », de Céline.

Quels sont vos films fantastique et hors fantastique préférés ?

J’ai fort peu de goût pour le cinéma. Et je préfère ne pas vous dire ce que je pense des productions liées à la télévision. J’ai déserté depuis des années les salles de cinéma. Je crois, malheureusement, que cet art est, aujourd’hui, totalement lié à la notion de divertissement telle que l’entendent les Américains. J’ai totalement décroché. Et j’ai beaucoup de mal à rester devant un écran en fonction de ce qui nous est proposé aujourd’hui.

Quel livre d’un autre auteur auriez-vous désiré avoir écrit, soit parce que vous êtes jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que vous auriez traité l’idée d’une autre manière ?

C’est très difficile de répondre à une telle question parce que je peine à m’imaginer dans la peau de quelqu’un d’autre. J’ai un grand intérêt pour les gens qui ont réussi à faire le lien entre un vécu tout à fait particulier et un talent littéraire évident. Quand je vois ces auteurs américains cités précédemment, qui ont vécu des choses aussi étonnantes, tragiques et fortes, et qui sont capables de les condenser à travers l’écrit avec un tel talent, je me dis que quand on arrive à cela, ça justifie amplement une vie.

Quel est votre principal trait de caractère ?

L’esprit critique.

Qu’est-ce qui vous énerve ?

La société marchande, la société de consommation, la société médiatique.

Outre l’écriture, quels sont vos hobbies ?

Je fais partie de ces gens qui n’ont pas le temps d’avoir des hobbies. Je me situe dans cette étrange catégorie dite des « travailleurs pauvres ». Des individus qui travaillent beaucoup, parce qu’ils n’ont pas le choix, et qui ne gagnent que très peu d’argent. Comme je le disais, l’auteur, aujourd’hui, n’est souvent qu’une variable d’ajustement. Socialement, c’est une sorte d’ectoplasme qui peut espérer quelques subsides mais sûrement pas de dividendes.

Quel est le don que vous regrettez de ne pas avoir ?

La musique, très certainement.

Quel est votre rêve de bonheur ?

La notion de bonheur m’est tout à fait étrangère. Pour moi, elle relève du roman.

Par quoi êtes-vous fasciné ?

Je m’emploie à éviter la fascination car elle me semble le commencement de beaucoup de ces choses que je suis amené à dénoncer dans mes livres. Comme je le faisais déjà dans mon travail journalistique.

Vos héros dans la vie réelle ?

A nouveau, c’est une notion que je méconnais. Je refuse la notion de « maître à penser » qui, pour moi, est un contresens total. Le respect d’autrui ne peut passer par l’adulation de tel ou tel, même si, évidemment, on peut reconnaître de grandes œuvres et de grands hommes.

Si vous rencontriez le génie de la lampe, quels vœux formuleriez-vous ? (3)

Mes trois vœux seront très pragmatiques.

- Je souhaite que l’ebook et le livre numérique ne voient jamais le jour ; sans aucune illusion sur la chose.

- Je souhaite la disparition de la société actuelle dans son domaine marchand et de divertissement.

- Je souhaiterais également que cesse la régression intellectuelle que l’on connaît aujourd’hui pour revenir à ce que devrait être la démarche de toute société : s’éloigner de la bête pour essayer d’approcher l’homme. Au maximum.

Votre vie est-elle à l’image de ce que vous espériez ?

Oui, j’ai globalement fait ce que je voulais. Je voulais être journaliste, je l’ai été. Je voulais être écrivain, je le suis. A ce niveau-là, le carton n’est peut-être pas plein mais on n’en est pas loin.

Citez-nous 5 choses qui vous plaisent.

J’ai beaucoup de mal à me positionner dans des choix restreints. Ce qui me plaît certainement, ce sont toutes les choses que je ressens comme vraies, authentiques ; toutes ces choses qui nous donnent l’impression de s’échapper de la futilité.

Cinq choses qui vous déplaisent ?

Je suis absolument abasourdi par l’appauvrissement lexical actuel. Compte tenu de ce que l’on m’a enseigné, de ce que l’école a exigé de moi, je suis subjugué par ce que j’entends aujourd’hui sur des antennes nationales, par ce que je lis dans bon nombre de journaux, de livres… Je pense que l’on ne peut pas exprimer d’idées complexes avec le langage tel qu’il est en train de se développer. Il faudrait bien plus de 5 points pour énumérer ce qui, dans ce cadre, me paraît dangereux.

Last but not least une question classique : vos projets ?

Mes projets sont de développer la collection « Polars/Grimoires », laquelle me permet de donner libre cours à ma principale motivation : dénoncer les faux-semblants, fut-ce à travers l’Imaginaire.

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