Lune du loup , Luna T2

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C’est donc le deuxième volet de la trilogie « lunaire » de Ian McDonald. J’ai de plus en plus envie de la qualifier de « brésilienne » puisque, même si la société lunaire imaginée par Ian McDonald comporte plusieurs sources (Brésil, Australie, Chine, Afrique et Russie), les traits généraux de la société et une grande partie du vocabulaire sont d’origine brésilienne. Visiblement ce ne sont pas seulement les héros principaux, le héros central Lucas Costa et sa famille, dont la pensée est modelée, avant tout, sur les règles brésiliennes, mais la majorité de la société où, exceptionnellement, les MacKenzie ou les Sun, rarement d’autres, s’offusquent de la « grossièreté » des Brésiliens.

 

Ce volume raconte donc comment Lucas Costa va préparer et mettre en œuvre sa revanche après la défaite subie au premier volume, en allant sur Terre et en parvenant à la monter avec les Terriens et le clan Voronov. Apparaîtra aussi dans le conflit une nouvelle venue, Alexia Costa, une cousine restée sur Terre, mais qui vient se mêler à la revanche de Lucas...

 

Comme il se doit, ce deuxième volume s’achève en suspens, car rien n’est définitif dans le retour de Lucas et sa prise de pouvoir. Les McKenzie, déchirés par une lutte interne mais toujours opposés aux Costa, et surtout les Sun, préparent les nouveaux conflits à venir...

 

Contrairement à la SF spéculative qui confronte en permanence son univers possible à la réalité qui lui est contemporaine, la SF de Ian McDonald creuse, en profondeur, un univers possible. Elle vise exclusivement à la cohérence de cet univers, tout en le soumettant aux lois physiques connues, mais sans prétendre en faire un moyen d’étude de notre réalité en l’y confrontant en permanence. C’est une démarche de créateur de mondes, plus littéraire, presque plus proche de certaine fantasy, mais pas celle du roman philosophique plus fréquente en SF. Alors que la question posée dans une grande part de la SF est « est-ce possible dans notre monde, c.a.d. proche du vrai ? », Ian McDonald recherche, conformément au vœu de Boileau, le vraisemblable, un univers de roman.

Et de cette volonté de faire pénétrer le lecteur dans cet univers différent, de lui faire porter le regard plus sur la découverte de ce monde possible, à défaut d’être probable que sur une réflexion sur le nôtre, vient l’emploi d’un procédé adapté à cette volonté, la construction du roman en enquête du lecteur, à l’aide de la multiplicité des sous-histoires et des points de vue, d’autre part l’écriture de chapitres qui ne se suivent pas dans l’ordre chronologique, la multiplicité des flashbacks. Chaque tête de chapitre demande de se référer au calendrier zodiacal pour en replacer le déroulé dans la chronologie de l’histoire qui s’étend sur dix-huit mois, procédés dont, hélas, trop d’auteurs les utilisent sans réelle nécessité, par un effet de mode et d’entraînement, comme enseignés dans les ateliers d’écriture.

Dans ce roman, la volonté est de pousser le lecteur à essayer de reconstruire l’image globale plutôt que de creuser le récit en lui-même ; les procédés y contribuent. De manière efficace. Ils ne sont pas, seulement, la conformité à un modèle enseigné comme « moderne » dans les cours d’écriture ou la participation à une mode, une imitation de « ce qui marche ». Aussi pardonnerai-je à ce roman d’arriver, dans ma suite de lectures, après trois autres où les procédés m’ont dérangé.

 

Bien entendu, j’attends avec impatience la fin de la trilogie : déjà paru chez Lune d’Encre, le troisième roman, Lune montante, sort dans deux mois chez Folio...

 

Lune du loup, Luna T2, de Ian McDonald, traduit par Gilles Goullet, Folio SF, n°677, 2021, 535 p., couverture de Manchu, F9, ISBN 978-2-072-92850-5

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