Chemins de Damas (Les)

Jemma Hourtin est une privilégiée dans l’Europe d’après-guerre. Elle dispose d’un travail correctement payé, d’une maison sécurisée et suffisamment chauffée malgré l’hiver sibérien qui sévit sur Paris depuis la fin du conflit. Sa vie bascule lorsque sa fille de dix ans disparaît sans laisser de traces ni de piste. Elle rencontre bizarrement un ancien journaliste, Luc Flamand, et accepte de partir sur les routes à la recherche de sa fille Manon. Leur destination : l’enfer de Damas.

En effet, c’est dans cette ville du Moyen-Orient qu’est née la légende de l’Armée des Enfants, dont le nom-même terrorise tout ceux qui l’entendent. Et pourtant l’Europe est devenu un univers inhumain, avec ses centaines de millions de chômeurs, de sans-abris, de rescapés d’une guerre fanatique contre les Ousamas. Meurtres, corruption, pillages, sidas mutants, esclavage, les vieilles nations européennes sont en ruine alors que l’Orient est ravagé par les bombes nucléaires. La quête de Jemma et de Luc ne leur offre que peu d’espoir.

Magnifique. Terrifiant. Pierre Bordage installe son avenir dans un univers si proche de notre présent qu’il en devient une porte ouverte sur le réel, renvoyant chacun à ses peurs face à une uchronie qui pourrait devenir réalité. Impitoyable, l’auteur n’accorde aucun moment de répit dans la description de son monde sauvage, violent et sordide. Le malaise qu’il instaure se développe avec des portraits esquissés sur un seul chapitre, parallèlement à la trame principale. Ratés, minables, paumés, toutes ces vies et ces visages crient leurs malheurs au lecteur.

Il existe cependant une voie d’évasion, celle qu’a suivi Manon et que Jemma parcourt peu à peu. Mais cette issue est loin de réconforter car l’auteur nous laisse dans l’ignorance de cet autre monde. Les Chemins de Damas sont sombres et dangereux, mais la lecture du roman de P. Bordage retient le lecteur dans un suspense et une tension permanente qui offre un grand moment de littérature.

Interview ici !

Critique de Frère Ewen, ici !

Critique des Porteurs d’Âmes, ici !

Les Chemins de Damas de Pierre Bordage, 512 p., Le Livre de Poche