BORDAGE Pierre 02
Pierre Bordage, bonjour.
Bonjour.
Pour commencer, dis-nous qui est Pierre Bordage ?
Oh la la ! La question qui tue. Je dirais même que c’est la question qui occupe une bonne partie de ma vie et à laquelle je n’ai pas trop de réponse (rires). Je peux toujours décliner mon état civil. J’ai 53 ans, je suis marié, j’ai deux enfants, je publie des livres de science-fiction depuis 1993. Le livre est mon unique activité maintenant. J’ai publié 36 romans déjà. Ca commence à compter. J’ai mené ma vie du mieux possible (rires) avec, toujours, l’envie de raconter des histoires.
Avant d’être écrivain, tu as fait quoi ?
J’ai fait des tas de boulots avant d’écrire. J’ai fait des études de lettres qui m’ont servi strictement à rien. Normal (rires). Ensuite, j’ai tenu une librairie pendant 2 ans à Paris. Et puis j’ai fait beaucoup de vente de produits financiers, de matériel de massage, de brioches vendéennes dans le Sud Ouest, des brioches que je fabriquais et que je vendais moi-même sur le marché. Finalement je suis devenu commercial pour un grossiste en jouets et jeux. Mes enfants ont adoré ce boulot. Et oui, je leur ramenais pas mal de jouets (rires). J’ai été journaliste sportif aussi. Ensuite, j’ai écrit mon premier livre Les Guerriers du Silence entre 1985 et 1986, dans le Gers et j’ai vendu mon histoire à Atalante fin 1992.
A cette époque, il y a eu une conjonction d’événements. C’est-à-dire que, d’une part j’ai trouvé un éditeur pour publier mon livre Les Guerriers du Silence. Je voulais le réécrire entièrement, car l’écriture ne me plaisait plus, et l’éditeur m’a signé tout de suite un contrat pour une trilogie. D’autre part, j’ai trouvé un second éditeur pour sortir une série qui s’appelle Rohel. Je me suis donc retrouvé un peu pris de court. Moi qui rêvais de faire de la SF depuis des années, je me suis retrouvé avec plein de choses à écrire. A la même époque, la boîte pour laquelle je bossais en tant que journaliste a fermé, j’ai été mis en chômage économique et pendant un an, ça m’a permis de me lancer complètement dans ma carrière d’écrivain. Et depuis, ben, ça roule.
Qu’est-ce qui t’a poussé au départ à vouloir écrire ?
Je fais remonter ça à la petite enfance. C’est vrai, en plus. J’étais à l’école primaire et j’avais une rédaction par semaine, à cette époque là. J’adorais raconter des histoires dans mes rédactions. J’étais à l’école des Sœurs et la sœur lisait souvent ma rédaction de la semaine. J’étais d’ailleurs très fier. Et puis après, j’ai un petit peu perdu tout ça, car le système scolaire n’est pas très créatif. C’est plus du travail de structure analytique. C’est en première année de Fac que j’ai redécouvert le plaisir de l’écriture par le biais d’un atelier de création littéraire où le prof voulait simplement qu’on écrive et ce principe là fait qu’on raconte un peu n’importe quoi, comme ça vient. Ca faisait sauter le bouchon posé par la scolarité et renaître un plaisir à laisser aller son écriture. Donc là, de nouveau, j’ai pris goût à l’écriture. Mais après il a fallu que je bosse, que je m’installe et c’est à 30 ans que l’écriture m’est retombée dessus.
Une envie soudaine d’écrire un bouquin. Pour te dire, j’ai écrit pendant 6 mois, dans le Gers, où je n’ai fait que ça. Un peu de tennis aux alentours et c’est tout (rires). Puis après, je n’avais plus d’argent. J’avais une famille à nourrir. Il a fallu que je retravaille. Le temps a passé. Mon premier livre a été accepté fin 1992 par L’Atalante et a été publié en 1993. A partir de là, j’ai toujours été payé pour mon écriture.
Il a fallu quand même pas mal d’années entre le moment où tu as fini ton livre et la publication ?
Oui, pas mal de temps. C’est pour ça que lorsque j’ai eu l’accord, j’ai eu à le retravailler, je l’ai relu et après voilà, à force de réécriture, il est sorti. Ca délivre un peu.
Et pendant toutes ces années, tu n’as pas démoralisé ? Tu n’as pas laissé tomber ? Parce que ce n’est pas évident quand même ?
Oui, c’est vrai qu’en plus je ne connaissais pas vraiment le monde des éditeurs, comment ça fonctionnait, je connaissais personne, ni le marché. Moi ce que je voulais, c’est raconter une histoire. Puis à force de recevoir des refus, je me suis dit que ça n’intéressait personne, j’ai mis mon bouquin dans un tiroir. D’un autre côté, il y a un éditeur qui m’avait dit « Ton univers nous intéresse ». Il pensait à une série, mais il ne pouvait pas me publier parce qu’il faisait du livre de poche. Donc fallait que je sois publié avant. Après, tout ça a traîné en longueur. Rien ne se passait. Alors j’ai un peu renoncé. Puis j’ai bossé pour le journal de sport et ce fut un peu bizarre.
En fait, quand ça veut se débloquer, ça se débloque ! Tu ne contrôles rien. J’étais donc sur Paris. Je vois un bouquin chez l’Atalante. L’Atalante ? C’est nouveau ? Je regarde et je vois qu’il y a l’un de mes auteurs favoris Orson Scott Card. La couverture est jolie, j’ouvre le bouquin et je remarque le nom du traducteur Patrick Couton. Il s’avère que je le connaissais. C’était mon professeur de musique quand j’étais étudiant. J’avais fait de la guitare et du banjo avec lui. Je l’appelle, je lui parle. Ca faisait 13 ans que je ne l’avais pas vu. On vient à parler de L’Atalante. Et puis hop, de fil en aiguille, je lui dis « Ben tiens, j’ai un manuscrit qui dort dans mon tiroir. Est-ce que tu crois que je peux l’envoyer à L’Atalante ? ». Il me répond que oui, qu’il n’a jamais publié de français, mais pourquoi pas ? J’envoie le manuscrit et on me dit qu’on va me publier. Comme quoi le hasard…
Mais attends, c’est une grande chance, car les Français à l’époque étaient cantonnés au Fleuve Noir et d’autres petites collections. Et lui, il m’a quand même publié en grand format tout de suite, à un prix de 20,49 francs pour l’époque, c’est quand même gonflé. Ca assurait une continuation en format poche, etc. Et en tenant ce pari, il a ouvert la voie à de nombreux auteurs de SF français qui, avant lui, n’étaient pas publiés dès que leur roman était jugé un peu trop ambitieux. Grâce à L’Atalante, finalement, ça a permis de réconcilier une famille d’écrivains et de voir que le public français était réceptif. C’est très étrange la manière dont tout est parti pour moi. Mais il y a vraiment une part difficile à déterminer. C’est de l’ordre du destin. Pourquoi des fois des choses se débloquent et pas d’autres fois ? Pourquoi tu te fais chier pendant plusieurs années et après, tout coule ? Ca ne s’explique pas.
Non, ça ne s’explique pas (rires). Les Guerriers du Silence est donc ton premier texte publié. Mais tes tout premiers textes ? T’en souviens-tu ? Que sont-ils devenus ?
Oh la la ! Vaut peut-être mieux ne pas le savoir. On pourrait me faire chanter (rires). En réalité, après cette expérience littéraire de première année de Fac, il y a eu un roman que j’ai écrit en deuxième année. Brouillon. Je l’ai relu récemment. C’était pas si mauvais que ça. Mais c’est pareil, je l’ai envoyé à plein d’éditeurs et avec les études, c’était pas très simple. J’avais reçu une réponse de Grasset qui m’avait fait une critique intéressante. Mais je m’en étais pas rendu compte. J’étais encore trop jeune et trop naïf à cette époque. Il me disait là c’est bien, là ce n’est pas bien. C’était un encouragement, mais moi je l’ai pris très mal et puis voilà. Donc, ça c’était mon premier texte.
Après, il y a eu quelques essais, des bouts de textes sans queue ni tête. Ce qui comptait, c’était les textes rageants. Ca me prenait comme ça, d’un coup.J’ouvrais mon cahier, car il n’y avait pas d’informatique, et j’écrivais. C’était limite de l’écriture automatique. Quand je les relis, il n’y a quasiment pas de ratures. C’est impressionnant. Mais voilà, ça restait de l’ordre du flot. C’était plus une nécessité. Je ne savais pas vraiment ni où, ni comment se passait l’histoire. J’ai quand même fini par écrire plus de 700 pages. J’ai ensuite découvert les ordinateurs AMSTRAD. Tu sais, le truc où à l’époque il te fallait 20 disquettes pour contenir tout ton bouquin (rires). J’envoyais chez les éditeurs. Je faisais les allers-retours. Il y a des gens qui me faisaient lanterner jusqu’à deux ans avant de me répondre. C’était vraiment une période très bizarre. Il y avait aucun contrôle : il y avait rien.
Dans chacun de tes livres, la société joue un rôle très important. Que penses-tu de notre société ?
On vit dans un environnement. Et que ce soit pour les romans d’anticipation ou de science-fiction, notre écriture est très imprégnée par notre environnement social. Et même si tu prends les Space Opera, on sent que les environnements décrits, qui sont hyper crédibles, sont influencés par l’époque, tout comme nous, nous sommes très imprégnés par ce qui nous entoure.
Je crois que, au vu de nos sociétés actuelles, mes influences viennent de l’ascension libérale du monde, de notre économie à l’échelle internationale qui nous entraîne malgré nous sur la mauvaise pente. Je regrette que nos avancées technologiques ne soient pas suivies d’avancées philosophiques très importantes. Elles en deviennent de plus en plus dangereuses. Malgré tout, je reste un auteur assez optimiste, en tout cas je pense l’être, puisque je ne ferme jamais la porte à un lecteur à la fin du livre en lui disant « Il y a plus d’espoir ». C’est quand même vachement dur. Tout simplement parce qu’on peut encore tout modifier si on commence par changer notre comportement, en autre sur le plan matériel.
Je pense que le matérialisme fait que les gens se projettent vers l’extérieur, vers l’apparence, vers l’avoir. Du coup, on oublie l’être et on finit obligatoirement dans des comportements aberrants. Quand je dis aberrant, je pense au comportement de prédation, puisque comme on peut avoir, on veut de l’avoir, puis on en veut toujours plus, on accumule toujours plus de biens, on désire toujours plus de territoire et finalement ça pourrit les rapports humains. Dans mes romans, j’essaie de pousser les gens à réfléchir sur ce que c’est que « être » et à modifier leurs rapports sociaux. A savoir, par exemple – on en parlait hier soir avec Werber – s’il arrivait un tremblement de terre, un événement fondamental, comment on se comporterait aujourd’hui ?
D’ailleurs, à contrario de beaucoup d’auteurs de SF, je me place à l’extérieur de la matière et je ne vois pas l’univers par rapport à sa biologie ou à sa physique, mais je le vois plutôt comme un langage, comme un échange qui dépasse la matière. On en discutait d’ailleurs lors d’un débat aux Utopiales. On était 14 auteurs de SF et j’étais le seul auteur non athée sur le plateau. Alors c’est vrai, j’ai cette démarche spirituelle. Mais pas dans le sens religieux, pas comme une religion à suivre. Car les religions sont pour moi autant de versions différentes du Pouvoir et du matérialisme.
Tes personnages ont évolué au fil du temps. Au départ ils devaient souvent affronter un destin tragique, maintenant ils sont plus positifs. Une évolution dans ce sens dans ta propre vie ?
Déjà, je suis plus positif qu’avant (rires). Comme je te le disais tout à l’heure, je suis à la base plutôt quelqu’un d’optimiste. Donc, dans ma vraie vie, je pense toujours que les choses peuvent s’arranger. Je peux faire en sorte que les gens se sentent mieux entre eux. C’est quand même bien. Et quand je vois que naissent des scissions à droite à gauche, ça me fait un peu peur.
Si on prend les Balkans, c’est très préoccupant. Quand on voit cette faculté qu’ont les gens à se séparer d’eux-mêmes, à s’enfermer dans des murs, avec leurs jugements illusoires qui ne donnent jamais rien. C’est une vieille tentation.
Ce que j’ai cherché à faire, au fur et à mesure de mon évolution d’auteur, c’est donc de juger de moins en moins mes personnages. C’est-à-dire de rester plus en observateur plutôt que de vouloir leur imposer une direction dans leur manière de penser ou d’agir, parce que je pense que la richesse d’un roman ou d’un univers vient du fait que les personnages vivent et qu’ils aient tous un côté noir et un côté blanc, sans qu’ils soient fondamentalement mauvais ou bons. Je me suis rendu compte que je prenais de plus en plus d’intérêt à travailler des personnages qui ont des portraits noirs, mais qui ne sont pas foncièrement méchants, en cherchant quel malheur se cache derrière tout ça, comment ils en sont arrivés là, cette dissociation manichéenne bien-mal qui les a fait évoluer et qui impose ce non-jugement vis-à-vis de ce qu’ils sont.
Et toi-même, tu t’es senti évoluer ?
J’ai évolué en m’abstenant du moindre jugement. On dit toujours que nos réactions sont perçues visuellement et on oublie qu’à chaque fois qu’on a un positionnement par rapport à une situation, il y a une part de notre conditionnement interne qui s’exprime et il est intéressant de trouver quel est ce conditionnement en nous pour pouvoir se déconditionner et se dire « Ce n’est qu’un jugement, finalement ». Et c’est pas facile (rires). Parce qu’on a beaucoup de conditionnements cachés qui sont en nous depuis très longtemps, depuis notre tendre enfance, et qui continuent de nous manipuler. Ce sont des choses qu’on ne voit pas, mais qui sont persistantes.
Faut essayer de voir que les choses n’ont pas un, mais plusieurs aspects. Et être auteur, c’est avoir ce réalisme, mais aussi avoir cet émerveillement qui naît de cette prise de conscience. Garder une âme d’enfant, finalement, et la cultiver. Quelque part, c’est là que j’ai évolué, car j’ai réussi à garder cette capacité d’émerveillement. C’est peut-être contradictoire ce que je dis, mais c’est ce qui me permet d’avancer malgré ce que je vois, la mauvaise pente, le libéralisme, etc. Je reste à penser que le monde est fantastique.
Après plusieurs dizaines de livres, tu as écris Kaena, un livre jeunesse. Pourquoi avoir voulu écrire pour la jeunesse ?
C’est arrivé de façon bizarre. Il m’arrive toujours que des choses bizarres (rires). Un jour, j’ai rencontré un producteur qui voulait faire un dessin animé et on s’est rencontré pour le scénario d’un jeu vidéo. Il m’a dit « on a un super univers, un décor et on a besoin de quelqu’un comme vous pour écrire l’histoired’un long métrage ». Moi, je l’ai cru. J’ai commencé à écrire l’histoire. Il y a eu des réunions. Puis j’ai commencé à me rendre compte que cela ne se passait pas trop bien. Il y avait quelques tiraillements, des conflits d’ego incessants dans la boîte de production. Et puis je n’étais pas vraiment favorable à l’orientation du scénario. Eux, ils voulaient des trucs très visuels avec des grosses machines, des vaisseaux et plein d’effets spéciaux. J’ai donc dit au producteur que je préférais arrêter. Il m’a dit d’accord, mais « si jamais quelqu’un doit en faire un bouquin, j’aimerais que ce soit toi ».
Deux ans après, c’est l’éditeur, Denis Guiot, qui m’appelle, il me dit « c’est moi qui ai les droits », il me donne ses conditions et je réponds que « non, non, il me faut le double. Vu les conditions, il me faut le double ». Moi je tente, tu vois. Il me dit « Ah non, ça ne va pas ! ». Il a quand même demandé à son patron tout en me précisant que je n’avais aucune chance et je reçois un coup de fil de ce dernier qui me dit« Ok ». Du coup, je l’ai fait. Mais j’ai écrit l’histoire à ma façon pas comme elle est racontée dans le film.Je ne voulais pas embrouiller l’esprit des gens avec cette histoire de projet lié à des rites initiatiques comme tu peux le voir dans le film. Et voilà, c’est comme ça que je me suis retrouvé dans une collection jeunesse. Le livre a été sélectionné pour le prix ados de la ville de Rennes. Je me suis retrouvé avec 6000 gamins autour de moi à lire mon bouquin, à le juger. C’était marrant de faire partie de ce monde que je ne connaissais absolument pas. Du coup, je travaille sur un projet de livre jeunesse pour une collection chez Flammarion. C’est un copain, Alain Grousset qui est directeur jeunesse, qui m’a proposé ça. La collection s’appelle « Uchronie » et le roman : Ceux qui Sauront.
Et ça sort quand ?
À la fin de l’année.
Est-ce plus facile d’écrire pour la jeunesse ?
Non, je me suis rendu compte que non. Car à mon âge, c’est dur de se changer (rires). Il y a peut-être un petit effort de simplification à faire dans la forme, mais je me laisse vite reprendre par mes habitudes et ma musique intérieure. Il y a vraiment chez la jeunesse et chez les ados, un traitement du personnage et du récit différent. Mon uchronie, par exemple, c’est « On a assassiné Gambetta et Jules Ferry qui voulaient rendre l’école obligatoire et laïque. On a remis un roi en France. C’est une deuxième Restauration. On a fermé l’accès à l’école au peuple. Du coup, il y a toute une masse prolétarienne très 19ème qui survit comme elle peut, alors qu’il existe une élite confortable et plutôt technologique, et au milieu de tous ces gens, des instituteurs donnent des cours aux enfants en clandestin. Là dessus, il n’y a plus de démocraties dans le monde, plus que des royaumes ou des empires ». C’est amusant.
Tes livres sont souvent une quête initiatique pour tes personnages.
Oui.
Et pour toi ?
Oui. Aussi ! En fait, si une quête initiatique ça veut dire que le héros a changé par rapport au début de l’histoire, qu’il subit une sorte de mutation suite à une série d’épreuves, en effet, tu peux te dire que chaque monde est une épreuve pour moi et ça devient une série d’épreuves dont je ressors transformé. C’est vrai que chaque livre m’emmène dans des zones de moi-même que je n’ai pas forcément envie de voir, ni d’explorer. Ca reste douloureux. Des fois, j’en deviens trop exigeant. D’autres fois, j’ai envie de fuir. Il y a tout un bouleversement en moi-même quand j’écris et d’une façon ou d’une autre, quand le livre est fini, il m’a changé. De la même manière, si les personnages ont changé, j’ai changé.
Pour revenir sur le non-jugement de tout à l’heure, chaque livre fait ressortir une part de moi-même, elle m’oblige à un nouveau jugement sur moi-même. A chaque début de livre, c’est un nouveau héros qui va subir une aventure, qui va souffrir, qui va aimer, qui va prendre des coups. Du coup, je ne dirais pas qu’il y a un attachement, mais ça t’oblige à regarder le personnage comme quelque chose qui vit en toi.
Tu vis beaucoup avec tes personnages ?
Quand je suis dans la rédaction d’un livre, j’oublie le réel, je suis dans une sorte de symbiose et l’écriture devient l’interface entre les personnages et moi. L’écriture agit comme un fil d’Ariane que je suis aveuglément. Je me laisse happer. A dire vrai, chez moi, il y a assez peu de maîtrise, finalement (rires).
Mais tu les prépares tes bouquins ? Tu te fais un plan ?
Ah non, je n’ai pas de plan. En général, soit j’ai envie de partir avec mes personnages, parce qu’ils m’intéressent, soit j’ai envie de partir dans un univers ou dans un thème. Par exemple, Wang, ça m’est venu de cette vision d’un monde global, d’un monde fermé et j’ai émis une réflexion par rapport à ça... Qui aurait l’intérêt d’un tel mondeen Occident ? Qui pourrait vouloir s’en dégager ? Puis de ce monde sont sortis des personnages. Parfois, c’est l’inverse. Donc, au début de ma carrière, je ne prenais pas de notes, rien. Je m’enfermais dans mon bureau et je balançais, même si je me disais « Attends, non, il y a l’éditeur qui attend derrière quand même ». Il pouvait y avoir des loupés dans l’histoire. Ça s’est passé d’ailleurs. Un lecteur belge, un jour, m’a dit « Monsieur, votre personnage s’appelle Ismail et là, là et là, il s’appelle Ibrahim » (rires). Il y a des ratés que ni l’éditeur ni le correcteur n’ont vus. Du coup, maintenant, j’ai une sorte de cahier dans lequel je rédige mes notes pour me souvenir et une fois que le livre que je suis en train d’écrire est fini, je vérifie les noms, les dates, etc. Mais c’est tout.
Après, pour le cycle de l’Enjomineur, j’ai quand même fait 4 mois de recherches. Là, j’étais retourné à l’école. J’avais tellement peur d’écrire des bêtises ! Car, si j’écris des choses qui se passent en 1792, aucun mot inconnu à cette époque ne doit apparaître dans le livre. Il faut vérifier chaque mot. Encore maintenant, j’ai toujours des doutes sur tous les mots. J’essaie aussi de mieux cerner les personnages. Mais, au bout d’un moment, ça m’énerve, faut que je parte sur mon fil d’Ariane. Je me mets dans la peau du personnage et je découvre avec lui les lieux, les gens, les événements. C’est peut-être ça qui me prend le plus de temps, c’est de tourner autour du livre avant de trouver le bon angle pour partir.
On voyait souvent ça d’ailleurs en Fac de Lettres, la fameuse première phrase. Mais une fois que tu l’as trouvée, ça coule et j’écris un certain nombre de pages par jour. Je reste assez régulier. Je travaille du matin au soir chez moi, quoiqu’il arrive. Même si j’écris que deux pages dans la journée. Je reste à mon bureau et je bosse.
Aujourd’hui, tu te rapproches de plus en plus du présent. Pourquoi ce changement ?
Ca vient déjà du fait que j’écris principalement pour deux éditeurs. L’Atalante où je fais plutôt dans l’imaginaire, le Space Op. J’ai même écrit de la Fantasy historique pour lui. Puis Le Diable Vauvert qui est dans un style d’écriture différent, plus contemporain. Je trouve aussi que plus je me rapproche du présent, moins j’ai besoin de consolider en permanence mon monde, contrairement à un monde purement imaginaire comme dans le Space Op. Dans le Space Opera ou la Fantasy, j’use de descriptions, j’ai besoin de donner à mon lecteur beaucoup de repères visuels. Et à chaque nouvel événement, je suis obligé de faire des rappels, j’ai peur de perdre mon lecteur, ce qui interdit aussi de jouer avec l’écriture. Car si je commence à jouer avec le monde, je prends en même temps de la distance avec ce monde et j’ai peur que le lecteur finisse par prendre de la distance à son tour et me dise « Non, je n’y crois plus ».
Mais c’est valable aussi pour un récit qui se passerait demain ?
Non, parce qu’avec l’écriture plus contemporaine, le monde, il est déjà posé et ce n’est pas parce qu’on va déconner avec l’écriture, même en prenant des tournures de phrases un peu plus audacieuses, qu’on va perdre son lecteur. Il ne sera pas déstabilisé par l’univers, en tout cas.
J’ai vraiment ce rapport très différent à l’écriture quand elle fait dans le futur lointain ou qu’elle se rapproche du présent. Et ce qui est marrant, c’est que j’ai besoin des deux. J’y trouve mon équilibre. Avec le Space Opera, je pars plus dans l’aventure, je m’évade. Avec une projection à court terme, je peux poser un regard sur la géopolitique mondiale, sur l’évolution de mon monde.
La religion est aussi très présente dans tes livres. Quelle est ta position par rapport à la religion ?
Comme je le disais tout à l’heure, les religions sont pour moi des machines d’exploitation d’une tendance naturelle à la spiritualité. Il y a une aspiration spirituelle chez l’homme et la religion vient axer cette spiritualité. Je pense que cette quête spirituelle de l’homme s’apparente à la liberté.
La religion, elle, est une grosse machine dogmatique qui vient se greffer là-dessus et qui bloque tout. Parce que les gens ont peur de cette liberté, qui ressort de la liberté individuelle. Et du coup, les gens préfèrent se laisser guider. Il y a donc une contradiction totale entre spiritualité et religion. Quand tu vois cette libération de l’être à laquelle font allusion Bouddha, Lao Tseu, Jésus, et comment on peut arriver à ces machines religieuses qui exploitent leurs propos, qui tuent en leur nom, qui volent leur liberté aux gens, c’est quelque chose qui m’interpelle.
J’ai d’ailleurs eu assez tôt un rejet des religions par rapport à tout ça. Dès l’adolescence, cette période plutôt chaotique. Et puis un voyage en Inde m’a reconnecté avec cette âme spirituelle à laquelle j’aspirais étant enfant. L’Inde, selon moi, est le pays de la spiritualité par excellence. Il y a cette sorte de sphère spirituelle dans l’air qui m’a fait reprendre contact avec tout ça et qui se place à l’écart de tous les dogmatismes. Ca se ressent dans mes bouquins d’ailleurs. Et ce paradoxe religion-spiritualité est une tragédie pour l’humanité, car on se bat encore au nom des religions aujourd’hui.
Les religions sont l’expression du matérialisme de l’époque où elles ont été constituées. Prends le christianisme, il résulte d’un ressenti face à un empire, face au joug des Romains. Puis le christianisme est devenu religion officielle de l’Empire romain au 4ème siècle après Jésus-Christ et il a été influencé par tous les défauts de ses dirigeants : la conquête, le maintien de l’ordre, etc. Oui, je m’interroge un peu, car il y a eu une réelle réécriture de l’Evangile et pourtant, malgré l’intervention des moines, des institutions, on voit bien qu’il y a un message différent derrière tout ça. Je me suis rendu compte qu’à la Révolution française, ça recommençait. D’un côté, il y avait une libération des esprits, on veut refaire les choses, on veut aller vers une humanité plus juste. De l’autre côté, il y a les idéologues qui arrivent et eux, ils transforment cette libération en un dogme. La liberté individuelle disparaît. Et c’est reparti. A chaque fois qu’on idéalise, on aboutit à une doctrine.
Tu retrouves ça dans le système soviétique. Il y a toujours cette sorte de modèle et la réalisation qui suit.
Aujourd’hui, prends le libéralisme et ses dérives. Alors qu’après la Révolution industrielle, il offrait cette libération, on se rend compte qu’aujourd’hui, dans des pays comme les Etats-Unis où le libéralisme est pratiqué à outrance, on voit de plus en plus de gens vivant en marge, des millions de travailleurs pauvres, de gens qui vivent dans la rue. On force la pauvreté pour que le système puisse fonctionner et que l’argent se trouve chez une poignée d’individus. Chez nous, on commence aussi à voir ça. Il y a une élite et toute une masse qui galère, avec très peu de revenus. On en revient à l’Ancien Régime avec la cour du Roi et le peuple. Et on finira peut-être par une sorte de bain de sang comme on a connu autrefois, parce que de plus en plus de gens ne savent plus comment s’en sortir. Et comme toujours, les romans de science-fiction s’inspirent de ces évolutions du monde, de ces vagues de fond et portent en eux cette vague révolutionnaire dont s’est toujours nourrie l’Histoire.
La mythologie est omniprésente dans ton œuvre. Qu’est-ce qui t’attire dans la mythologie et quelle est la mythologie qui t’attire le plus ?
Quand j’étais môme, j’avais tous les ans en cadeau pour mes étrennes un bouquin tiré d’une série de récits sur la mythologie. Il y avait la mythologie grecque, la mythologie romaine, la mythologie africaine… La force de la mythologie, c’était de me transporter vers un ailleurs, avec des personnages fantastiques, dans des mondes différents où les règles étaient différentes. Je vivais un énorme voyage à travers ces livres. Il y avait cet émerveillement dans la mythologie qui a bercé mon enfance.
J’ai retrouvé ça dans la science-fiction.
Quand j’ai lu « Chroniques martiennes », je me suis dit « mais c’est exactement pareilque dans mes récits de mythologie ». Je ressentais le même vertige. Je partais tout de suite ailleurs. Je me suis rendu compte, finalement,que la science-fiction et la Fantasy étaient la continuité de la mythologie. Alors, je ne sais pas si j’ai une préférée. J’aime beaucoup la mythologie grecque, la mythologie indienne avec Ramayana, le Mahâbhârata. Je les aime toutes en général.
En tant qu’auteur de SF, je pense qu’on n’invente jamais rien. Les différents schémas narratifs ont déjà été employés par nos prédécesseurs. Après, c’est vrai que les récits sont différents, du fait que nos connaissances sont différentes. On a plus de technologies,on a plus de moyens de locomotion, on a nos problèmes écologiques du moment. Ca change un peu les perspectives, mais sorti de ça, on continue de s’inspirer de la mythologie. J’ai vraiment l’impression qu’on invente pas grand-chose.
Si je reprends un récit de mythologie sumérienne que j’ai relu récemment, ça tournait autour de Gilgamesh, c’était déjà la quête de l’immortalité. Il y a déjà la catastrophe (le déluge), l’appel vers l’aventure (la quête de l’immortalité), la part biotechnologique (le pouvoir des plantes et leur utilisation). On a tous les thèmes modernes, finalement. Idem pour la Bible qui peut s’apparenter à de la mythologie où tu as les grandes batailles, les plaies d’Egypte, tous ces événements surnaturels comme les nuées d’insectes ou le fleuve qui s’ouvre en deux. Et puis derrière tout le discours mythologique, on retrouve les éternelles aspirations de l’Humanité. C’est pourquoi j’aime beaucoup et je m’intéresse beaucoup à la mythologie.
Ton livre « L’ange de l’abîme » donne froid dans le dos. Les premières croisades anti-terroristes ont déclenché le choc des civilisations. Penses-tu que cela va arriver ?
J’en ai peur quand je vois ce qui se passe en Iran et que j’entends les propos du candidat McCain. S’il est élu aux Etats-Unis, il a réellement l’intention d’en découdre avec Téhéran. Je pense que c’est une très grande tentation. J’ai toujours peur qu’on préfère cette solution de facilité et que dans la logique du libéralisme, on est également recours à cette idée du tout détruire pour tout reconstruire, comme on le voit en Irak. Ça donne du boulot aux entreprises, le capitalisme trouve de nouveaux terrains à conquérir et on connaît nos « Trente glorieuses » derrière. C’est un modèle qui fonctionne ainsi et vaut mieux un ennemi représentatif pour justifier ces croisades.
Avant il y avait l’URSS, mais la Russie d’aujourd’hui fonctionne aussi sur le modèle libéral. Donc, il y a un nouvel ennemi à trouver qui est l’islamisme. Une fois de plus, je pense qu’il y a un rapport religieux important, mais dans le mauvais sens du terme, dans celui où la religion intervient comme repli identitaire. Les Grecs et les Polonais parlent d’une Europe Chrétienne. On va vers un traité européen qui n’est autre qu’un refuge identitaire facile. On voit bien aussi qu’avec le Kosovo, tout ne se passe pas aisément. Donc j’ai peur que ces croisades anti-terroristes s’intensifient. D’autant que les Américains connaissent la crise des « surprimes ». Ils pourraient être tentés par l’attrait économique qui résulterait de tous ces conflits. J’espère qu’on n’y arrivera pas. Même si malheureusement…
De plus, le racisme n’est pas mort. Je trouve qu’il reprend même du poil de la bête. En France, on sent ce rejet de tous ces mouvements de style 68 avec cette ouverture d’esprit qu’ils pouvaient apporter. On est davantage dans le repli identitaire. Ca se sent même chez les plus jeunes avec ces tensions autour de territoires à protéger. Evidemment, dans tous ces pays islamistes, il y a aussi ces monarchies qui manipulent les esprits. Et puis il y a l’émergence de la Chine qui fausse la donne. Donc, je ne sais pas où on va. Vers ces dérives de repli communautaire ? Je ne le souhaite pas, bien sûr.
Par rapport à « L’ange de l’abîme », les gens m’ont dit « C’est n’importe quoi » « La religion, c’est fini ». En fait, non. Je lisais encore un dossier dans « Marianne » il y a quinze jours, trois semaines, sur le retour des religions en Europe avec des pays comme l’Espagne où on assiste à des marches pro-catholiques. Ces mécaniques sont toujours là et peuvent nous reprendre et nous reprécipiter encore et encore dans toutes ces conneries qu’on croyait disparues. Quand on voit qu’on nous parle de La Grande Europe, du Grand Rêve européen et qu’à côté, tout un tas de petits pays éclatent sous nos yeux, divisés par de vieux conflits. On assiste à des fonctionnements totalement archaïques, mais toujours là. L’Europe est une idée hyper moderne, mais dans sa démarche de dire « on va se pacifier », « on va mettre nos conflits de côté », ce qui est quelque chose de totalement nouveau, on en revient quand même à l’orgueil de chaque pays et puis la crainte de cette Europe ultra-libérale qui fait que les gens, au bout d’un moment, ne veulent plus suivre et retournent à leurs croyances. C’est un renfermement sur soi. Je reste persuadé que nos vieilles mécaniques de retranchement derrière une religion peuvent revenir - comme ça - sans qu’on les voit venir.
Est-ce qu’un évènement comme le 11 septembre, comme la déliquescence de l’ex-Yougoslavie, peut donner une tonalité différente à une œuvre ? Est-ce que l’actualité, la façon dont elle nous est assénée peut changer les couleurs du tissage ?
C’est vrai que L’ange de l’abîme est un de mes récits les plus noirs et les plus pessimistes, puisque je l’ai écrit juste après le 11 septembre. Et ce n’est pas forcément le plus visible. Par exemple, dans L’Evangile du serpent il y a aussi un attentat islamiste, qui se passe à Disney, et le livre est paru en août 2001. D’ailleurs, dans divers magazines, des pages culturelles concernant L’Evangile du serpent ne sont pas parues à cause du 11 septembre. En plus, j’étais au téléphone, le jour des attentats du World Tarde Centre, avec un copain new-yorkais qui était en France, on discutait et soudain il me dit « Regarde la télé, regarde la télé ». J’allume la télé et je vois le deuxième avion s’écraser dans la tour.
En revanche, ce n’est pas cette diffusion en boucle des attentats, ni toute l’exploitation très hollywoodienne qu’on en a fait qui m’ont inspiré L’Ange de l’abîme. Non, c’est plutôt les réactions qui ont suivi, avec le réflexe américain patriotique.Je me suis dit qu’on ne réagissait pas comme on devrait. Face à ce type d’événement, on devrait peut-être s’interroger sur la justice du monde. Et au lieu de réagir précipitamment, on devrait se poser la question « Comment on en est arrivé là ? ». Autrement dit, poser ses propres responsabilités dans cet acte. Dire « eux, c’est les méchants terroristes et nous, on est les gentils occidentaux au milieu de tous ces méchants qui nous entourent », ça n’a abouti qu’à déclencher une guerre en Irak et à dire que là-bas, il y a un axe du Mal à combattre. Ce qui est une réaction totalement belliqueuse, totalement imbécile.
Cette vision à nouveau manichéenne du monde, avec le Bien d’un côté, le Mal de l’autre, m’a fait réagir.
Là dessus, tu rajoutes les intérêts financiers. L’Irak est l’une des plus grandes réserves pétrolières. En Afghanistan, passe l’un des principaux oléoducs du monde. Tu te rends compte, finalement, qu’au nom de cette guerre contre le terrorisme et de ce combat divin, on allait pouvoir maîtriser les ressources énergétiques de plusieurs peuples. Le pire, c’est que ça va continuer. L’Irak est un champ de ruines, un monde post-apocalyptique. Il y a l’Iran dans le collimateur et qui, de son côté, nous chercherait des noises sur le plan nucléaire. Ca a le don de me mettre en colère. Je me dis « Merde. On ne va pas retomber là dedans ». Alors j’ai écrit là-dessus, j’ai imaginé l’évolution future et je réalise que personne ne sort grandi de tout ça. D’autant que c’est toujours reporter sa haine sur l’étranger, l’accuser de tout ce qui ne va pas chez soi et si on en arrive au nucléaire, à une nouvelle guerre mondiale, terrible.
Maintenant, quand j’y regarde de plus près, on va bien finir par arriver aux mêmes circonstances qu’à la Révolution, autrement dit, on ne fait que recommencer les mêmes erreurs et je dois avouer que parfois, l’Humanité finit par me désespérer. Tu as l’impression que tu arrives enfin à une ère de paix, que tu vas t’en sortir et en fait, non, tout ce qu’on fait, c’est survivre. En tout cas, cet événement du 11 septembre a vraiment marquémon écriture. Il y avait beaucoup de peurs, de larmes et j’ai vraiment cru qu’on y arriverait. On le peut encore. J’espère seulement me tromper.
En ce début d’année 2008, La Fraternité du Panca est paru. Il devrait y avoir 5 tomes. Est-ce que l’un des personnages peut prendre le pouvoir et t’influencer différemment de ce qui est prévu à l’origine ? Enfin, qui commande ? Est-ce que celui qui écrit garde toujours le contrôle sur la trame de son tissage d’espace temporel ?
Ah, c’est clair que le personnage prend le pouvoir. J’ai essayé plusieurs fois de maîtriser les personnages, de leur donner des limites, mais j’ai vite compris que c’était peine perdue. En plus, les domestiquer, ça appauvrit les personnages, le livre. Il vaut mieux que le personnage prenne le pouvoir. Bon, Panca, ça veut dire 5 en sanscrit, c’est une chaîne de 5 personnages, 5 tomes et je ne peux plus revenir là-dessus. Je suis coincé par mon idée (rires).
En fait, Panca, ce sont 5 frères liés dans l’espace-temps pour lutter contre un danger dont ils ne maîtrisent pas tous les aspects. Du coup, les 5 tomes ont des personnages différents. C’est une sorte de relais qu’ils se passent entre eux, mais sans qu’ils se connaissent. A chaque fois, chacun fait un condensé de sa mémoire qu’il livre à son successeur. Et le cinquième personnage est, en quelque sorte, un concentré de tous les autres. Il possède en lui toute la connaissance vitale des autres et ça lui permet d’être armé pour affronter le danger. J’ai prévu 3 hommes et 2 femmes, chaque fois très différents l’un de l’autre. Ils n’auront pas les mêmes épreuves à subir et chacun me guidera à sa façon. Tout ce que je sais, c’est que plus on avancera, plus on se rapprochera du cœur des choses et plus les choses se précipiteront. Ceci vient du fait des lois de la physique quantique et des moyens qui évolueront pour échanger entre les mondes. Le premier voyage met 80 ans, par exemple. A la fin, ce sera quasiment instantané. Mais après, je sais que les personnages vont m’en apprendre un peu plus sur eux-mêmes, que d’autres personnages vont débarquer et modifier les choses. Ce qui fait que j’ai une trame très large. Et puis j’aime bien être surpris par un personnage. Ca permet d’explorer des chemins inattendus. Pour reprendre ce que je te disais tout à l’heure, je garde l’écriture comme fil directeur à travers le labyrinthe et ensuite, je me laisse complètement aller.
A mes débuts, pourtant, j’ai voulu imposer ma vision à mes personnages. Je sais qu’à partir de mon 4ème bouquin, j’ai bien discuté avec les éditeurs, ils voulaient un synopsis et je leur ai dit « Ok, j’en écris un et je m’y tiens ». Et puis, j’écris et au bout de la 60ème page, ça n’allait plus. Je n’avais plus aucune surprise. Je savais déjà comment ça allait finir, alors à quoi bon. D’autant que je ne sentais plus la fin au vu de l’avancée du livre. J’ai donc réalisé qu’il fallait garder le plus de libertés possibles aux personnages, sachant que le livre se fermerait tôt ou tard. Et c’est normal, puisque la fin découle automatiquement de la logique des événements et du personnage qui s’y dirige.
Plus tard, j’ai eu une discussion avec différents écrivains, lors du festival « Etonnants Voyageurs » à Saint Malo. On s’est violemment opposé sur le rôle de l’ego dans l’écriture. Ils m’ont demandé si la littérature vient de l’ego de l’auteur et j’ai répondu « Non, l’ego, c’est un frein ». Alors eux, ils ont bondi sur leurs chaises. Ils ont clamé « L’écriture, c’est l’ego, c’est l’expression de la personnalité ». Mais… non merci. Je trouvais et je trouve encore que plus on a d’ego, plus on pourrit un livre.
Comme je te le disais, plus ça va et moins je porte un jugement sur ce que je fais. J’essaie vraiment de faire en sorte que le livre s’exprime à travers moi et mon boulot c’est de me retenir, finalement. En fait, je mets mon écriture au service du livre, plutôt que de vouloir tout préparer, tout planifier. Certains auteurs ont besoin de se baser sur 250 pages de synopsis, de tout détailler, font plein de fiches. Sinon, ils ne peuvent pas travailler. Alors je lui demande ce qu’ils font de leur synopsis une fois qu’ils ont commencé à écrire et ils me répondent souvent : « Eh bien, je l’oublie, je le mets de côté » (rires). Bon, ça a quand même l’avantage que s’ils se perdent, ils peuvent revenir à leur trame de départ.
Écrire en se laissant toujours porter, ça demande de la confiance en soi tout le temps. Et je la perds de temps en temps. Dans ces moments là, je prends souvent l’exemple de la mine. Quand tu rentres dans la mine, tu vois toujours l’éclairage du dehors derrière toi, puis t’avances et tout à coup, tu te retournes et plus de lumière. Tu te retrouves dans le noir complet, tout seul. A cet instant, tu te demandes ce que tu fous là, tu te dis que c’est complètement nul ce que t’as fait. Alors, je sors de chez moi et je me pose plein de questions. Pourquoi je raconte des histoires ? C’est nul finalement. Ca sert à quoi ? A quoi je sers dans ce monde ? C’est une grosse crise de doute, quoi. Puis ça passe et d’un seul coup, je vois une lumière au loin. Tu as tout qui t’arrive d’un coup. Je galope souvent dans ces moments là, car faut que je retourne écrire la suite.
Est-ce que tu penses que faire des romans à plusieurs tomes ne rebute pas les lecteurs aussi bien au niveau financier qu’au niveau suivi de la trame principale ?
Ca ne rebute pas les lecteurs dans le sens où un lecteur, lorsqu’il adore un univers, il adore s’y replonger. Ce qui le rebute, par contre, c’est de se dire combien de temps il va devoir attendre. D’ailleurs, bon nombre de lecteurs me disent qu’ils attendent la fin de la série pour l’acheter. Après, tu en as d’autres qui n’auront pas la patience d’attendre le dernier tome et qui achèteront la suite dès qu’elle sort.
J’essaie de me tenir à un livre par an, même si ce n’est pas évident, car les décalages déstabilisent facilement un lecteur habitué. Après, c’est aussi une tentation pour l’auteur de faire plusieurs tomes, notamment en Heroic Fantasy. Non pas pour un plan commercial quelconque ou je ne sais quoi. Mais plutôt que lorsqu’il y a des créations d’univers, c’est assez long à mettre en route et c’est assez long à se résoudre, et puis, on a envie de rester dans cet univers, on en découvre plein d’aspects. Le suivant, par exemple, il y a encore 500 pages à écrire. Même si au début, je voulais faire qu’un tome, rapidement, j’ai de nouveaux événements qui sont arrivés, j’en ai découvert plein d’aspects. Alors, je me suis dit « Non, non, va falloir faire plusieurs tomes, Pierre » (rires).
Le lecteur a le même réflexe. Il est bien dans un univers, il ne veut pas en partir. Alors est-ce que cela rebute les gens d’attendre plusieurs tomes ? Je ne pense pas.
Pierre Bordage, je pense que l’enfance est un élément déterminant dans la vie. Dans la vie d’un créateur, elle semble rester à vif. C’était quoi l’enfance pour toi, l’enfance réelle ou l’enfance fantasmée ? Comment nourrit-elle ton ouvrage ?
Tout à l’heure, je te parlais de cette capacité d’émerveillement qu’on devait garder étant adulte, de cette part d’enfance qui vit en nous. Je pense que c’est cette part-là qu’il m’intéresse de cultiver. En tant qu’enfant, j’étais un être émerveillé par plein de choses. Je dirais que l’enfance est comme un parchemin où tout reste à écrire. Un enfant est très réceptif à ses émotions, même durant la grossesse, je pense. Il possède une faculté d’apprentissage exceptionnelle. Il a cette fragilité et cette ouverture au monde qui se referme petit à petit, parce qu’il grandit et qu’il se rend compte que le parchemin se remplit, puis va finir un jour. Le tout est de ne pas trop fermer la porte.
Ca explique aussi le mythe du héros dans la Mythologie. Car le héros, comme le décrit Joseph Campbell, est celui qui est capable de changer les choses. Il est comme un enfant qui part à l’aventure et il n’a pas ce regard conditionné qu’on peut avoir étant adulte. Il fait ce que les autres ne feraient pas, parce qu’ils ont trop à y perdre, parce qu’il y a conflit d’intérêts, qu’il y a des raisons économiques, et tout ce qu’on veut. Le héros, lui, jouit de la même virginité que l’enfant. C’est un innocent en quelque sorte. Son regard est neuf sur le monde. C’est pourquoi le lecteur le suit, parce qu’il a ce pouvoir et cet engouement pour faire bouger les choses. Et en même temps, c’est un personnage fragile, parce qu’il ne connaît pas le monde. C’est ça aussi, en opposition à l’adulte immobile mal dans sa peau, l’enfant vit, agit, il est le mouvement. Donc effectivement, l’enfant en moi est important.
Comme tu peux le voir, je m’évade facilement dans un univers. Je m’émerveille devant une idée de départ et je me laisse facilement porté par mon imaginaire. Ca, c’est l’enfant. D’ailleurs quand j’étais au séminaire, on avait une messe tous les matins, à 6h, avant le petit-déjeuner. On endurait ça dans une ambiance assez froide. Là-dessus, je commençais à me construire mon histoire dans ma tête et tous les matins, je reprenais mon histoire. « Tiens, j’en étais où ? » « Et lui ? Ah oui, il fait ça, ça et ça » et ainsi de suite. Vu le nombre de messes, tu imagines combien ça a favorisé mon imaginaire (rires).
Faut aussi noter que j’ai eu une enfance campagnarde. Je suis né dans une ferme. J’habitais avec mes cousins, mes cousines. On était deux familles dans la même maison et on allait tous les matins à l’école à pied. On faisait 4 km. Sur le chemin, tu as le temps de rêver. Et ce cadre rural m’a modelé également. Je crois que je suis l’un des rares auteurs de la SF rurale en France (rires).
L’enfance est une période super importante. Il y a cette insouciance.
Après, on ne peut pas protéger indéfiniment les enfants derrière des contes, on ne peut pas leur cacher la cruauté, mais quand on est enfant, il y a cette formidable malléabilité du cerveau qui ne demande qu’à apprendre et dont on ne devrait pas abuser, mais plutôt dont on devrait tenir compte. C’est vrai que pas mal d’enfants et de jeunes me lisent. Parce que face au héros, les anciens ont plus de mal à y croire. On est déjà plus dans les idées reçues. Il y a plus l’insouciance. Dans le roman, d’ailleurs, tu as toujours cette image de l’Ancien qui lui possède la connaissance et qui du coup, n’agit pas, parce qu’il sait à quoi s’en tenir et celle du héros, complètement, innocent, qui lui n’a pas peur de se lancer dans l’aventure, parce qu’il est persuadé de pouvoir changer le monde. Sans l’innocence, on ne peut pas changer le monde.
Les Guerriers du silence ont été adaptés en bd. Comment est né le projet, et que penses-tu du résultat ?
Le projet est né d’un désir de l’éditeur. C’est Delcourt qui voulait racheter les droits à L’Atalante pour en faire une bande dessinée. C’est Algésiras qui s’est retrouvée au scénario et au dessin, c’est Phil Ogaki. Ca ne se passe pas très bien. Je pense qu’il y a une inadéquation entre le projet et le lectorat dans le sens où – peut-être que j’ai tort, hein – ce genre de projet space opera aurait plus d’impact avec un dessin classique, clair. Je suis assez pour la ligne claire. Parce que le monde en lui-même est déjà assez déroutant. C’est un monde qui n’existe pas. Ogaki est un très bon dessinateur qui est dans la tendance manga. Il est jeune et correspond à un public ado. Mais la tendance manga, c’est de là que vient l’erreur selon moi. Je ne pense pas que ce récit s’adresse à un public ado, ce que Delcourt visait certainement comme public. Les guerriers du Silence s’adresse plus à un public trentenaire et qui plus est, connaît le monde de la SF depuis longtemps et qui lui est plus formaté par le style Moebius, Caza et autres. Ce qui correspond bien au space opera. Après, le scénario d’Algésiras est vraiment bien. C’était pas facile. Le bouquin est dense. Elle a été obligée d’extraire des morceaux. Et je trouve qu’elle s’en est vachement bien sortie. Donc, bon scénar, Philippe dessine bien, mais finalement l’ambiance globale visuelle n’est pas adaptée au projet. La bd a attiré le public manga, mais il n’a pas eu l’écho escompté, car ce public accroche moins aux récits épiques du space opera.
Personnellement, je suis déçu, c’est sûr. Je trouvais les albums très réussis, très sympas, mais j’écoute aussi les retours de gens qui aiment le space opera et je réalise qu’il y a réellement une erreur de stratégie sur le projet. Je remarque aussi que la première équipe choisie était mieux adaptée au projet. Je parle pas de la qualité d’Algésiras, mais sur le plan visuel. C’est plus du côté de Delcourt qui voulait un dessin jeune. Jeune ne veut pas forcément dire manga. Ce qu’il faut, c’est qu’un dessin soit adapté à un projet ou pas.
D’autres projets bd du coup ?
Oui, oui, j’ai un projet bd. Il y a un dessinateur qui, lui, a une ligne claire. Il s’appelle Olivier Roman. Un jour, il m’a appelé pour me féliciter, puis il m’a dit qu’il adorait Les fables de L’Humpur et qu’il aimerait en faire l’adaptation en bande dessinée. Il m’a expliqué son projet. On a fait une quinzaine de planches. Super. Tout se déroule bien. On continue. 4 albums de prévus.
Pour ce qui est des éditeurs, on avait une accroche sur les Humanoïdes associés. Malheureusement, ils ont quelques soucis financiers et ils préféraient se concentrer sur les projets déjà en cours, sans partir sur de nouveaux. Finalement, j’ai proposé le projet à L’Atalante.
Pour la première fois, c’est moi qui m’attèle au scénario. Ca m’intéresse, car la narration bd est très différente du livre. Il faut prévoir en amont le travail du dessinateur qui lui doit tenir le lecteur par des raccordements graphiques. J’ai donc lu des bouquins là-dessus pour essayer de m’imprégner et je me suis lancé. Olivier a jeté un œil. Il m’a dit « Très bien », c’est très visuel. Et puis aussi Maximilien Chailleux, le directeur de collection des Humanos qui ajoute « Ca rend super, il n’y a pas de problème ». Ensuite, vient le problème financier des Humanos. On est donc de nouveau à la recherche d’un éditeur
Maintenant, le projet verra le jour, je n’ai aucun doute là-dessus.
En plus, c’est une première tentative pour moi dans la BD que j’espère prolonger par une bd originale. C’est-à-dire un récit uniquement prévu pour la bd, sans que je m’appuie sur des écrits passés. C’est aussi passionnant de voir comment la narration change. Dans le cas des Fables, ça m’oblige à faire des coupes. Je me rends compte que je suis très bavard et puis, j’arrive à un moment où je me dis « Mince. Pas le choix. Faut couper ». Ceci sans appauvrir le sujet, bien sûr, ni l’histoire, juste pour la rendre plus attractive en bd. C’est un vrai défi.
Mais tu penses à combien de projets à la fois ?
Je pense à plusieurs projets en même temps. Certains aboutiront, d’autre non. Certains sont bons, d’autres moins. Il y a à la fois les projets qui naissent spontanément. Il y a les projets qui naissent suite à de longues consultations comme chez Flammarion jeunesse où Alain Grousset a pensé à moi pour sa série. Il y a aussi des projets sur d’autres supports. Je suis sur un feuilleton audio téléchargeable, en format MP3, avec de la radiophonie, de l’interactivité sur ordi et des images sur écran faisant appel à des illustrateurs. Tout ça, c’est foisonnant et très sympa.
Tu es déjà un ancien dans le monde de la SF francophone.
Mon Dieu. Cela ne nous rajeunit pas (rires)
(Rires) Quel regard portes-tu sur ce milieu ?
Alors, faut que je vexe personne, c’est ça ? (rires).
Ca, c’est toi qui vois.
En fait, avec la plupart des auteurs, j’ai de très bonne relation. Avec certains, ça reste cordial. Mais dans l’ensemble, le milieu des auteurs de SF est plutôt sympa. Par contre, si j’ai un reproche à faire au milieu de la science-fiction en France - si j’avais un reproche à lui faire - c’est d’être un peu fermé alors qu’il devrait être ouvert. Suffit de regarder les forums de discussions où ça vit en vase clos. C’est typiquement français, je pense. Car je n’ai pas eu du tout la même relation avec le milieu SF en Belgique. Pour la France, il y a une part de mesquinerie avec quelques petites remarques, quelques petites querelles qui, faut l’avouer… font chier (rires).
Personnellement, je ne vais pas aux conventions. Je suis plutôt mal à l’aise là dedans. Je ne suis pas un spécialiste de la science-fiction. Pour moi, ça reste un support et je n’aime pas l’aspect intégriste de ce sujet. Néanmoins, les rapports sont bons. Je côtoie quand même le milieu, puisque je fais partie de l’organisation de grands festivals comme Les Utopiales. D’ailleurs, pour revenir sur les mesquineries, j’en vois parfois certains qui profitent de ce genre d’événements pour régler leurs comptes. Des histoires entre éditeurs, entre auteurs. C’est jamais sain ce genre de manifestation.
Moi, je n’interviens pas. Ce n’est pas mon rôle. Je trouve que c’est un mélange des genres qui finalement, est contre productif. C’est-à-dire qu’on voit très bien que ce qui marche le mieux ce sont des gens comme Bragelonne, on peut en penser ce qu’on veut, mais ce sont des gens qui vivent hors du milieu. Comme s’il fallait être hors de tout, hors du milieu, pour pouvoir circuler, pour pouvoir sortir de ces cadres là, car j’ai quelque part l’impression qu’on se terre dans le ghetto, qu’on se mette des murs avec des barbelés pour s’épanouir dans le milieu de la SF française. Il y a cette idéologie du Temple qui fait que quelqu’un d’extérieur, s’il veut rentrer, alors qu’il n’a aucun à priori sur le genre, lorsqu’il entend les discussions autour de la science-fiction, qu’ils voient les fans, il se dit « Oh la la, c’est compliqué tout ça ». Alors que non. En tant qu’auteur, je pense qu’on devrait créer le plus de passerelles possibles pour inciter les gens à venir dans le genre. Cet enfermement est donc un aspect qui ne me plaît pas trop. Je préfère qu’on reste une personne et pas le membre d’un groupe.
Je vais prendre mon cas. Quand, dans les listes de diffusion, je vois la démolition systématique et méchante d’un auteur, d’un livre, pour x raisons, ça ne sert personne, finalement. Ca sert juste à se faire mousser, à dire « moi, je » « moi, je connais la science-fiction » et ce type de comportement, c’est bien simple, ça ne m’intéresse pas. Je cherche plus à me faire plaisir, sans être spécialement calé. Et si je me cantonne au vivier de la science-fiction francophone, ben, je n’intéresse pas beaucoup de monde, c’est clair. Après je comprends qu’on adore des auteurs comme Greg Egan qui ont une écriture très conceptualisée, mais ça reste réservé à un public averti. Après, lorsqu’ils me critiquent, me lisent-ils vraiment ? C’est peu productif. Moi, on me reproche souvent d’être trop populaire. Et alors ? J’ai un public large et je m’en porte pas plus mal.
Penses-tu que la science-fiction est toujours aussi subversive qu’elle a pu l’être. A-t-elle toujours un "pouvoir" d’avertissement, d’invitation à la réflexion, de provocation ou comme le reste, a-t-elle perdu beaucoup de son âme et de ses ambitions avec la perte des repères idéologiques ou spirituels ?
Oui, oui. Reprends L’Ange de l’abîme, avertissement ? Oui ! Provocation ? Oui ! parce que ça vient heurter nos propres réactions face au 11 Septembre. Pouvoir subversif ? Oui, d’ailleurs ce côté subversif fait toujours peur. J’ai l’exemple de gens qui me disent « Oh la la, s’il se passe tout ça, ça va être terrible ». Il y a de la terreur dans leurs yeux. Pour finir, l’invitation à la réflexion ? Oui, aussi.
Je pense qu’on ne peut pas ôter tous ces aspects à la science-fiction, et ça vient surtout du récit qui se place dans un futur plus ou moins lointain. Après, je ne me fixe pas là-dessus. Ce qui m’importe, c’est ce désir de raconter une histoire. Je plonge le lecteur dans un univers, même si c’est sur Terre, ou dans l’uchronie, et je l’invite à un voyage. Automatiquement, une fois qu’il est pris dedans, je pense qu’il se détache de la réalité et, en voyant les agissements du héros et des personnages, intervient son propre questionnement sur l’Homme, sur ses actes et son devenir. C’est un point central des auteurs de SF, l’interrogation sur l’Homme. En se disant « dans un futur plus ou moins lointain, l’Homme prend cette direction là, il agit comme ça ». Mais alors où est-ce qu’on va ? On obtient ce mélange d’avertissement, de provocation et de subversif. D’autant que ce qui est écrit, ça peut arriver.
Ce pouvoir subversif de la science-fiction explique peut-être le succès de la Fantasy, aujourd’hui. Car, les peurs actuelles qui planent sur le monde font qu’on n’a pas trop envie de s’interroger sur le futur que la plupart des gens voient plutôt noir. Ils l’imaginent de manière plutôt pessimiste. Du coup, les gens préfèrent la Fantasy, avec ses repères, avec ses valeurs très directionnelles, le Bien, le Mal. On leur met un archétype qui va faire le boulot à leur place, le mage, le page, le guerrier et le lecteur oublie la réalité, il fuit et se rassure. C’est toujours très impressionnant ces histoires là. Je suis en train de lire de la fantasy et j’aime bien mais je constate qu’il y ait toujours les mêmes archétypes, où chaque chose est à sa place, où les rôles sont assez définis et où, alors que le monde est ébranlé par une sorte de chaos, les héros vont retrouver leurs places et se positionnent face à l’adversité. C’est très révélateur de notre époque et ça rassure.
Inversement, la science-fiction a moins de succès, car son côté non fantaisiste n’est pas très réjouissant et son aspect avertissement lors des heures glorieuses de la SF, les années 40-70, où on parlait des dangers écologiques, de la surpopulation, de la mondialisation, et bien, maintenant qu’on est en plein dedans, on préfère s’évader ailleurs plutôt qu’imaginer demain. Ca fait peur, quoi.
Paradoxalement, je discutais avec une collègue qui sort son premier roman chez Denoël. Ca parle d’un monde apocalyptique et c’est classé comme roman d’anticipation. Pas du tout présenté comme un roman de SF. Il y a une tendance, comme ça qui se généralise et qui marche. Comme si la SF avait réussi cette mue. Par certains aspects, elle rentre dans les mœurs et se retrouve dans la littérature générale. Et à la différence d’anciens auteurs qui se sont ghettoisés, cette nouvelle génération voit la porte s’ouvrir pour eux. Et c’est assez sympa de voir ça, car tu te dis : la SF est passée dans la littérature générale et si d’un côté, elle met en garde, peut faire peur, d’un autre côté elle s’ouvre au grand public. Peut-être que ce travail en souterrain qui a été fait depuis longtemps est en train d’aboutir. C’est plutôt positif, selon moi. Même si ce n’est pas nous qui allons en récolter les fruits (rires).
Tu as dit que tu écoutais la radio en écrivant ? Tu écoutes de la musique ? Quel genre de musique ?
Oui, ça m’arrive. J’écoute beaucoup de musiques traditionnelles du monde. Par exemple, des morceaux de guitare et de banjo des pionniers Américains, de la musique irlandaise. J’adore les chants d’extase d’Hildegarde von Binden, ce genre de choses. J’aime aussi la variété, quelque groupes de rock comme U2, Led Zeppelin. J’aime beaucoup les chanteurs folk, le monde folk en général, le blues, mais le très bon blues. Je peux aussi écouter de la musique classique, du Bach. Mais mon instrument préféré, ça reste le banjo. Je ne sais pas pourquoi. Le banjo a une forme particulière, de la grâce.
On est loin de la techno, hein ? (rires).
Mes enfants m’ont un peu initié au rap. Il y a des raps que j’aime. Le rap américain surtout, parce qu’ils m’ont expliqué ce que c’était, d’où ça venait. J’ai eu droit à des cours magistraux là-dessus. Donc je suis un peu initié au rap. Mais ce n’est pas pour autant que je me dirigerai vers ce genre de musiques. Ah oui, un chanteur que j’adore c’est Doc Watson, un chanteur aveugle, blanc, que j’ai vu sur scène d’ailleurs. Il vit toujours. C’est prodigieux. Il a tout gardé du blues, du traditionnel américain. Après, personnellement, je ne sais plus trop jouer de la guitare. J’avais appris. J’ai toujours ma guitare et mon banjo chez moi. Mais…
Abandonnés… ?
Oui, abandonnés (rires). Je n’ai plus le temps. J’aurais bien aimé continuer pourtant.
Tu en rejoueras en convention à Nantes ! (rires)
Mais bon, j’aurais peur d’avoir l’air ridicule (rires).
Sinon, je n’ai pas trop d’à priori sur la musique. Je n’aime pas la techno, ça non. J’aime bien la musique indienne, les chants indiens. Enfin, voilà.
Quel est l’élément déclencheur qui fait naître tel ou tel roman, telle ou telle thématique... Ainsi Jonathan Littell a eu l’idée des Bienveillantes en voyant la photo d’une jeune Russe martyrisée pendant la dernière guerre. As-tu des éléments déclencheurs, des faits, des objets... Une oeuvre d’art... ?
Le film, Dans la peau de John Malkovitch, a déclenché Porteur d’âmes avec cette notion de transfert des âmes. J’ai trouvé que cela pouvait donner de la SF assez marrante. Ca, c’est un lien direct. Sinon, Wang, ça m’est venu d’une discussion avec un copain. On était en train de jouer aux échecs. Moi, je me prenais ma pâtée comme d’habitude (rires) - je suis très mauvais joueur d’échecs. J’ai donc eu l’idée d’un monde où la vie, elle-même, serait un jeu, puis ça a donné Wang avec ses batailles, ses grandes stratégies. Là-dessus s’est greffée l’idée d’un monde fermé, où les gens sont des pions qui se font exploiter. Je me suis posé la question « Pourquoi les gens accepteraient une telle situation ? ». Et ainsi de suite.
Après, pour la plupart des romans, je ne sais pas trop retracer la genèse, parce que je ne sais pas trop comment ça m’est venu, ni ce qui m’a donné l’idée.Je sais que des idées me sont venues de lectures de livres sur les dangers de la biotechnologie. Ce fut le cas pour Graines d’immortels aussi qui parle du brevetage génétique. Et puis le clonage dans Abzalon. Mais dans l’ensemble, ça vient d’un mélange de choses que j’ai vues, entendues, lues. Une sort de magma qui déclenche l’écriture. C’est le cas de L’ange de l’abîme, par exemple.
Quel est ton auteur de fantastique préféré ?
Sans hésitation, c’est Orson Scott Card. Bien que je connaisse tous ses défauts. J’ai déjà rencontré l’auteur plusieurs fois, je l’ai vu lors de conférences et je n’aime pas du tout son discours politique. Il est très impérialiste américain. En revanche, ses livres sont pour moi des modèles. Je trouve que ses personnages sont d’une richesse étonnante, avec une économie de moyens déconcertante. Je me demande comment il fait. La stratégie « Ender » et Les Chroniques d’Alvin le faiseur sont vraiment des bouquins qui m’ont scotché. J’avais adoré Les maîtres chanteurs aussi. Je trouve vraiment que c’est un modèle de romancier. Et même si je connais sa rhétorique américaine, ses livres m’ont ému. Ils jouissent d’une richesse inouïe. Ce n’est pas du tout dogmatique, étonnamment. Ses personnages sont toujours structurés. Non, vraiment, c’est fabuleux. Dans Les Chroniques d’Alvin le faiseur, par exemple, on voit très bien où il veut en venir. Il y a cet univers dogmatique, de répression et son personnage qui est tout à l’opposé. On sent qu’il y a cette mécanique bien huilée. Mais de par son écriture et ses personnages, Orson Scott Card nous fait oublier tout ça. On est pris par la magie des personnages. Il a un verbe assez prodigieux.
Sinon, comme autres auteurs, ce sont surtout les Américains. Ca me vient de la Fac. Avant, je lisais les Bob Morane. J’ai débuté avec Bob Morane, je suis tendance Vernes, mais Henri, pas Jules (rires). J’ai découvert à la fac Asimov, Bradbury, Heinlein. L’âge d’or. Je lis en ce moment un bouquin de Serge Lehman qui s’appelle Chasseurs de chimères. Je me rends compte que, dans ce milieu où les vrais spécialistes sont légion, je suis un inculte en SF (rires), je ne connaissais pas tous ces auteurs français du début du siècle (le 20ème hein…). Je me renseigne quand même. J’ai découvrert des auteurs plus récents, comme Andrevon, et puis je lis certains de mes confrères de ma génération. Lors de rencontres, j’apprends des noms, des ouvrages, des notions, je rattrape mon retard. Et encore, je ne rattraperai jamais tout mon retard, parce que les lecteurs de SF sont monomaniaques. Ils ont tout lu. Je trouve ça parfois saoulant.
Et comme autre auteur de littérature générale ?
Il y a un auteur que j’aime beaucoup, c’est Tom Wolfe. Il écrit des gros pavés et il est très fort dans la chronique sociale. Y’en a très peu, cependant. Ah, un auteur que j’adore : Hermann Hesse. Somme toute classique, son écriture demeure très très belle. Même traduite. Après, tu as des auteurs japonais comme Yoshikawa. Ce sont ces grands auteurs épiques que j’aime beaucoup.
Quel est ton roman fantastique préféré ?
Mon roman ? Hum, je dirais que La Stratégie Ender ne doit pas être très loin. Sinon, va y avoir Dune, Fondations… Le Seigneur des Anneaux même si ce n’est pas de la SF. Ca reste un livre de référence. Ah ! Et un bouquin que j’adore, c’est Le Sabre et la Pierre. En fait, si j’avais un terme pour ce que je préfère, je dirais « Epopée ». J’aime bien la grande aventure qui te transporte. C’est la raison pour laquelle j’aime bien le space op.
Et en dehors de la SF, quel est ton roman préféré ?
Il y a bien un roman qui s’appelle Replay de Ken Grimwood qui a inspiré le film « Un jour sans fin ». Sauf que, dans Replay, ce n’est pas un jour, mais toute la vie du héros qui se répète à l’infini. Le bouquin commence par « J’ai 42 ans, je suis mort d’‘une crise cardiaque », très gai, n’est-ce pas, (rires), puis le héros se réveille, il a 18 ans. On lui donne sa chance de revivre sa vie et il la modifie. Puis il meurt et il se réveille à 20 ans. Et plus le livre avance, plus il se réveille à une date proche de sa mort. Il réalise alors qu’il avait une vie austère. Il regrette plein de choses, il cherche à les améliorer et au fur et à mesure, comme dans « Un jour sans fin », il rencontre les mêmes gens, les événements se répètent, changent, s’accélèrent. C’est très prenant.
Il y a un autre livre que j’ai lu récemment, c’est Le Parfum de Patrick Süskind. Alors ça, j’adore.
Sinon, le monde médiéval. Le Japon. Le côté fantasy. L’aspect épique avec des épées. J’aime assez bien l’univers des arts martiaux, faut dire.
Il y a sûrement plein d’autres bouquins que j’oublie et souvent quand je repense à ce genre de question, je me dis « merde, j’ai oublié de parler de ça et ça ». Mais bon, c’est trop tard (rires).
Tu as travaillé sur les films Eden Log et Dante 01. Quel a été l’ampleur de ta participation ?
Sur Dante 01, j’étais co-scénariste avec Marc Caro. Sur Eden Log, j’étais plus là en tant qu’intervenant pour émettre certaines réflexions sur l’histoire. J’ai surtout fait des réunions, des propositions, un peu de recoupures. Mon implication dans Eden Log reste particulière, finalement. Le réalisateur, Franck Vestiel, avait déjà des idées bien précises sur ce qu’il voulait faire, mais en même temps, il ne savait pas les exprimer. C’était un peu le bordel dans sa tête, aussi j’intervenais pour lui poser les bonnes questions « Où tu veux aller ? », « Qui est qui ? ». Il avait, par exemple, cette idée d’un gars qui se réveille dans un endroit, le type a perdu la mémoire et il la retrouve petit à petit, en grimpant de niveau de niveau. C’est le principe du jeu vidéo si tu regardes bien. Tu changes de niveau et tu acquiers de nouvelles connaissances. C’est donc son idée de base. Maintenant, les tenants et les aboutissants, il ne les maîtrisait pas. « Qui est son personnage ? », « Pourquoi il est là ? », « Qu’est-ce qu’il veut ? », « Pourquoi il part ? ». Mon travail était de cet ordre-là. J’écoutais Franck et je me mettais au service de son univers. Et au fur et à mesure que les idées avançaient, je rédigeais de manière ordonnée ce qu’il me confessait.
Après, sur l’ensemble des deux films, j’avais ce sentiment fort d’être le maillon d’une chaîne très longue, mais dont tu finiras par disparaître, car on ne retiendra que le réalisateur à la fin. Donc, le côté plaisant est ce travail de collaboration où on échange et on s’occupe du romanesque. Le côté déplaisant, c’est cette mécanique bien huilée qu’est le cinéma où tu te rends compte que tu ne fais pas ce que tu veux, que tu ne peux pas suivre certaines directions.
Qu’est-ce que tu en retires de ces deux expériences ?
Plein de choses. Le fait de faire partie d’une équipe. Le côté négatif d’être dépendant d’une machine financière. La frustration de ne pas pouvoir aller jusqu’au bout d’une idée. Dans la science-fiction francophone, ce n’est pas facile du tout, en plus. Ensuite, il y a l’envie de faire un autre film avec beaucoup plus de moyens. Ce qui te donne plus de liberté pour développer l’imaginaire.
Tu as donc d’autres projets pour le cinéma ? Peut-être un de tes bouquins qui serait adapté ?
Oui, il y a une offre d’adaptation en film d’animation. Mais bon, comme tu le sais, rien n’est jamais acquis. Pour l’instant, on en est au stade de l’idée.
Quel est ton film fantastique préféré ?
Ca va être super bateau, mais tant pis (rires). J’ai été super émerveillé quand j’ai vu pour la première fois La guerre des Etoiles en 1977. A l’époque, j’étais complètement scotché sur mon siége par tout ce dépaysement, toutes ces planètes, les batailles au sabre laser, même si cela reste très classique dans la trame, c’était un événement visuel pour les spectateurs. C’est vraiment le film qui m’a marqué le plus.
Tu as étais déçu ou pas par la deuxième trilogie ?
Ben, non. Pas vraiment. Mais il y avait beaucoup moins de magie. Il n’y avait plus la découverte. On a aussi assisté à une débauche impressionnante de moyens et j’ai préféré l’aspect bricolé du premier. Il y a un côté plus froid dans la seconde trilogie. Et puis, c’était nouveau à l’époque, tous ces effets spéciaux. Aujourd’hui, la technique a évolué, le public est habitué à tous ça. Il n’y a plus l’émerveillement. On est tellement gavé d’images exceptionnelles au niveau qualité qu’on est moins apte à s’émerveiller qu’avant. Je demande que ça pourtant d’être émerveillé.
Tiens, j’ai vu No country for Old man et Into the wild de Sean Penn. Ce dernier film m’a ébloui. Il y a cette force, cette beauté, où on redevient un gamin.
Quel est ton film, hors fantastique, préféré ?
Les 7 samouraïs de Kurosawa. Un de mes films références. J’adore. Pareil, il y a tout dans ce film, l’héroïsme, les mauvais types, la générosité, la bêtise, les sabres, etc. C’est un de mes films préférés avec Little Big man et Excalibur.
Quel livre d’un autre auteur aurais-tu aimé écrire, soit parce que tu es jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que tu aurais traité l’idée d’une autre manière ?
Sans hésitation, La Stratégie Ender. Tout simplement, parce que, lorsqu’on a ouvert ce livre, on ne peut pas s’empêcher de le lire. Chroniques martiennes aussi. Cette façon de raconter la colonisation de Mars, même s’il n’y a pas beaucoup de rebondissements scénaristiques, est vraiment bonne. Le Seigneur de l’instrumentalité, cette façon d’avancer dans l’histoire par une succession de petites nouvelles, tu te dis « Rah, c’est si simple » et pourtant tu te fais vite embarquer.T’es dégoûté.
Et tu as un bouquin récent qui t’a vraiment frappé ?
Peut-être « La Horde du Contrevent », c’est un bouquin avec une trame pas trop classique, parfois déroutante. C’est un tour de force, en fait. C’est bluffant d’avoir osé un livre comme ça. Après, je découvre des classiques comme Terremer qui sont vachement bons. Ah, et il y a un bouquin que j’ai adoré, c’est…hum… attends, il s’appelle comment déjà ?… Ah, je ne me rappelle plus. Tu vois ce que je te disais tout à l’heure (rires). Bon, laisse tomber, on va dire La Horde et Terremer, un moderne et un classique.
Maintenant, je ne m’emmerde plus. Si je n’aime pas un bouquin au bout de trente pages, j’arrête et je passe à un autre.
Tu as été joueur de basket. Tu suis toujours ce sport ? Euroleague ou NBA ?
Oui, la NBA surtout, parce qu’il y a ce côté flashy. Même si les Américains se font souvent battre par des Européens en international, il y a un spectacle que tu n’as pas en Euroleague. L’Euroleague reste un milieu très fermé. Les joueurs européens sont plus tactiques, ce qui désoriente les joueurs américains. Mais l’envie n’est pas la même. Les Européens visent la victoire, la stratégie. Les Américains, c’est le show. Pour eux, l’important, c’est la notoriété, la télé. Je regarde quand même l’Euroleague sans problème.
J’aime aussi le rugby. J’adore le football américain. Je connais toutes les équipes. Il y a des athlètes dont je suis fan. Pour revenir sur la NBA, ce qui est sympa, maintenant, c’est que tu as pas mal de joueurs français qui sont entrés dedans.
Passons à ta personnalité. Quel est ton principal trait de caractère ?
J’en donne deux, un négatif et un positif. Je suis très impatient. Je ne supporte pas les embouteillages, par exemple. Et je suis un mec tout en gentillesse. Je ne sais pas être méchant, ce qui peut se retourner contre moi, malheureusement.
Qu’est-ce qui t’énerve ?
Attendre (rires)… Ah, d’ailleurs, j’entends qu’il va me falloir changer de crémerie, car on m’attend.
Ok. Alors, on va finir en express. A part l’écriture, quels sont tes hobbies ?
Il y avait la musique que j’ai perdu. J’adore dessiner. Je fais un peu de peinture. Mais après, je n’ai pas le temps de faire grand chose. J’ai juste le temps d’aller dormir (rires). Sinon, j’adore le cinéma. Et voilà, on a fait le tour.
Quel est le don que tu regrettes de ne pas avoir ?
Ben, y’en n’a pas vraiment, en fait. Je me contente assez de ce que je suis. C’est terrible, n’est-ce pas ? (rires) Mais c’est peut-être ça le vrai don : savoir faire ses choix.
Quel est ton rêve de bonheur ?
Etre totalement libre, complet !
Qu’est-ce qui te fascine ?
L’univers dans sa globalité.
Tes héros dans la vie réelle ?
Je ne sais pas si ce que je vais te dire peut paraître démagogique ou pas, mais chaque être humain est un héros pour moi. Lui qui vit tant d’aventures dans une vie.
Si tu rencontrais le génie de la lampe ?
Je lui dirai de pouvoir réaliser tous mes vœux. Mais il refuserait.
Ta vie est-elle à l’image de ce que tu espérais ?
Alors, ça rejoint ce que je te disais tout à l’heure sur la différence entre un idéal et la réalité, je pense que c’est moi qui fais de ma vie un rêve ou non. J’aurais pu me dire que je voudrais plein d’argent, plein de possessions. Je préfère me dire que cette vie qui m’est donnée, je l’accepte telle qu’elle est et je fais tout pour la vivre à fond. Comment t’expliquer ? Cette réalité qu’est ma vie, puisqu’elle se passe comme ça, c’est le mieux qui puisse m’arriver et je me contente de la vivre. En plus, elle se passe plutôt bien ma vie (rires).
Cites-nous cinq choses qui te plaisent.
Aimer. Créer. Un regard aimant porté sur moi. J’ai besoin de cet amour, à vrai dire, de ce regard de l’autre. Vivre. Même si ça me déplaît parfois. Ca me ravit dans l’ensemble.
Je suis à combien là ?
Quatre.
Oh, pu….(rires) Euh… La science-fiction, tiens ! Ca, ça me plaît (rires).
Cinq choses qui te déplaisent.
La vache. C’est la série des questions pièges. Je dirais l’intolérance, le dogmatisme qui est un générateur de l’intolérance, l’esthétique des villes modernes, toutes ces constructions immobilières non contrôlées. Je suis allé à Bangkok récemment et je trouve que c’est déprimant de voir l’évolution de ces grandes villes comme Bangkok, Bruxelles, Paris qui s’agrandissent hâtivement et où tout est construit pareil. Cette espèce d’uniformisme à l’américaine. L’évolution libérale du monde me déplaît. Je déteste le jugement. Et puis quoi d’autre encore ?… Le chiffre cinq, finalement (rires). Mais j’y suis, au fait, à mes cinq. Non ?
Oui, oui, mais je te laissais continuer (rires). Bon, pour finir, quels sont tes projets ?
Ben, c’est bien simple. Tu as la suite de La Fraternité du Panca, tu as la nouvelle collection de livres jeunesse, le feuilleton radiophonique qui commence déjà à être en vente sur les sites de téléchargement, la bd qui est en attente d’un éditeur... Il y a pas mal de projets, quoi.
Et bien, merci Pierre Bordage.
Merci à toi. Salut !
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