Mémoires de porc-épic

il était une fois, un double nuisible, un porc-épic, qui, son maître mort, ne vit pas la mort venir le chercher, comme il est prévu

alors, il s’est installé au pied d’un baobab, et maîtraisant les mots par l’entremise des ses 42 ans de fidélité à un humain, il lui compte son histoire, d’un trait, d’un souffle

des meutres ordonnés par Kibandi, à sa vision de la vie, alors qu’il meurt de peur de voir la grand faucheuse arriver

Oui, ce livre est comme son résumé : d’une seule traite. Ni majuscule initiale, ni point, ni quoi que ce soit d’autre que les accents et la virgule.

C’est dingue comme cela donne une précipitation à la lecture. Le point est une respiration et là on arrive d’une traite au chapitre suivant.

Ce livre, atypique, a reçu le prix Renaudot en 2006.

Il reflète une vision de l’Afrique entre mythologie, animisme, croyances et autres approches des phénomènes naturels. Les humains ont parfois des doubles nuisibles ou des doubles pacifiques. Le double nuisible peut "manger" un humain, le priver de vie selon un moyen qui dépend de sa nature.

Un porc-épic, animal pourchassé et cuisiné, lance un de ses piquants dans la tête de sa victime, récupère ce piquant et lèche la plaie qui se referme, laissant une mort inexpliquée.

Ce porc-épic finit son chemin, la tête envahie par le souvenir de certaines victimes, innocentes, qui n’ont servi que de vengeance à Kibandi contre leurs parents...

Un animal qui parle, pense et ressent... un animal du bestiaire fantastique africain.

Question style, le point fort est certainement d’avoir pu maintenir un récit logique et cohérent avec juste l’emploi de la vigule pour séparer les idées comme les compléments de phrase.

Et ce sans abuser du changement de paragraphe !

Atypique mais facile à lire, très frais car en rien manichéiste, un peu un conte noir du grand continent.

Mémoires de porc-épic d’Alain Mabanckou, 258 p., Editions du Seuil, collection Points