Pourquoi « Argo » est le meilleur film de 2012 ?

1. Parce que « Argo » n’est pas une franchise. Son originalité (paramètre essentiel dans une œuvre artistique), l’emporte donc sur celle des autres meilleurs films de 2012, à savoir « The Dark Knight Rises », « Skyfall », « Jason Bourne : the legacy » et le « Millennium » de Fincher.

2. Parce que c’est le troisième film de Ben Affleck qui effectue un parcours sans faute : « Gone baby gone » était une adaptation inspirée d’un roman de Dennis Lehane avec un final qui nous laissait sur le cul et « The Town » était un chef-d’œuvre qui renouvelait le film de braquage de banques comme le fit en son temps « Heat » de Michael Mann. Bienvenue dans la cour de grands. Avec « Argo » Affleck met la barre encore plus haut. Il touche donc forcément à la perfection.


3. Parce que « Argo » a un scénario. Depuis qu’il a écrit « Will hunting » avec son copain de chambrée Matt Damon, on sait que Ben Affleck est un grand scénariste. Il a co-écrit ses deux premiers films mais pour celui-ci, il a humblement laissé la main à Chris Terrio. Hollywood, qui ne perd jamais de temps, a aussitôt bombardé Chris Terrio dans la liste des 10 meilleurs scénaristes du moment. Paul « Jason Bourne » Greengrass vient déjà de faire appel à lui pour qu’il écrive son prochain film. Les réalisateurs français devraient prendre exemple sur Ben Affleck et accepter parfois modestement de mettre en scène des scénarii écrits par des scénaristes.

4. Parce que « Argo » est un thriller qui a du sens, un pied dans le réel, un pied dans l’imaginaire. Ce film redonne ses lettres de noblesses à un genre abâtardi par les cascades, les pétarades, les castagnes, les explosions et les effets spéciaux. « Argo » possède même un look un peu vintage qui évoque le style des années 70 et les thrillers d’espionnage à la Sydney Pollack. Ce qui est cohérent puisque le film se déroule en 1979.


5. Parce que Ben Affleck est le fils spirituel de Clint Eastwood. Acteur charismatique et peu démonstratif, il passe derrière la caméra tout en restant devant. Et réalise des chefs-d’œuvre à la chaîne. Avec un économie de moyens, une bonne dose de psychologie et de subtilité de la part d’un metteur en scène suffisamment génial pour ne pas en rajouter dans les effets.

6. Parce que « Argo » est un film sur le pouvoir du cinéma et sa faculté de changer l’histoire. Dans « Inglourious Basterds », meilleur film de 2009, Tarantino se servait du septième art pour faire la nique aux nazis. Dans « Argo », Affleck s’en sert contre les islamistes, tout en se moquant, au passage, de Hollywood.

7. Parce que « Argo » a un montage hallucinant qui démultiplie le suspense. J’ai nommé William Goldenberg, le monteur de Michael Mann (comme par hasard) et de quelques films énervés comme « The long kiss goodnight » de Renny Harlin, « Domino » de Tony Scott, « Transformers » de Michael Bay ou « Zero Dark Thirty » de Kathryn Bigelow.


8. Parce qu’en tant qu’acteur, Ben Affleck est un grand directeur d’acteurs. Brian Cranston, Alan Arkin et John Goodman sont inoubliables dans ce film.

9. Parce que « Argo » est un film plus drôle qu’une comédie, grâce à John Goodman et à Alan Arkin qui se réservent les répliques les plus poilantes. Ainsi cette tirade du producteur incarné par Arkin s’adressant à Goodman et Affleck qui viennent lui soumettre le projet du faux film pour exfiltrer les six Américains d’Iran (ce qui me permet en même temps de vous communiquer le pitch du film) :

« Six personnes se cachent dans une ville de 4 millions d’habitants chantant « Mort à l’Amérique » toute la sainte journée. Vous voulez monter un film en huit jours, mentir à Hollywood où mentir est le sport national, puis faire entrer en douce 007 ici présent dans un pays qui veut boire le sang de CIA au petit-déjeuner, et faire sortir la clique de la ville la plus surveillée du monde ».


10. Parce que « Argo » nous cloue à notre fauteuil. Soit deux heures d’un suspense aussi intense que le premier quart d’heure de « Midnight Express ». On assiste successivement à une scène d’ouverture oppressante caméra à l’épaule comme si on y était, puis à un huis clos angoissant sur six Américains terrés dans Téhéran, puis à une séquence tendue au QG de la CIA pour envisager les différents scénarii de l’exfiltration, puis au montage hilarant (histoire de souffler un peu) du faux film à Hollywood, puis à un suspense crescendo avec l’arrivée de Tony Mendez en Iran jusqu’au climax à l’aéroport. Et cerise sur le gâteau : un générique de fin bourré de surprises.



11. Parce que « Argo » s’adresse aux adultes.

Commentaires

devant un tel enthousiasme, on s’incline. j’irai voir le film !
même si le titre de "meilleur film de l’année" m’a toujours paru contradictoire avec le cinéma, la création elle-même, qui n’est pas censé entrer dans le délire sportif...

Si vraiment le film parvient à rendre compte réellement de la révolution iranienne de l’époque, alors c’est vraiment exceptionnel pour un film venant des USA.
mais je crains d’être bien déçu, comme d’habitude sur la véracité historique de tels films, quelque soit par ailleurs sa qualité !

il n’y a pas eu une révolution iranienne, mais une succession de révolutions, tout d’abord socialiste puis religieuse avec l’aide de l’occident ne voulant pas d’un régime dit "communiste". je vous rappelle par exemple que la France a abriter et payer le séjour de nombreux religieux fanatiques sur son sol et les a laisser repartir organiser un régime fascisant pour contrer la révolution socialiste...
historie de pétrole, de contrôle de la région face à ’URSS. on a vu le désastre après...
merci pour la chronique.