Nouvelle vague

Récurrences thématiques et stylistiques, nouvelle esthétique, nouvelle génération de fous de cinéma, envie de se distinguer d’un cinéma plan-plan… on assiste bien à une nouvelle vague dans le cinéma français, à l’instar de celle qui a déferlé dans l’hexagone au milieu du vingtième siècle. Une bande de cinéastes énervés qui ne font pas dans l’existentiel cette fois, mais dans l’hémoglobine. Ils se nomment Alexandre Aja, Xavier Gens, Franck Vestiel, Xavier Palud, David Moreau, Franck Khalfoun… Vous me direz que cela fait beaucoup de Franck et de Xavier, mais ce n’est pas le plus important.


Comme leurs aînés, ils ont dévoré des films, beaucoup de films. Non pas à la cinémathèque, avec les Cahiers du Cinéma sous le bras, mais dans les vidéoclubs avec Mad Movies en main et une préférence pour le rayon « horreur ». Sam Raimi, Wes Craven, Tsui Hark, Tobe Hooper leur ont donné la flamme.

Par nature, les nouvelles vagues vont à contre-courant. Celle des années cinquante se démarquait du cinéma d’après-guerre qui se bornait souvent à n’être qu’une simple illustration des romans dont il était adapté. Mais à force de vouloir se différencier, les Truffaut, Godard, Rohmer, Chabrol, Rivette et Cie ont filmé n’importe quoi au profit d’une nouveau réalisme qui nous montrait le cinéma en train de se filmer. Quant aux cinéastes de la vague des années 2000, ils éclaboussent de sang les films de mœurs à la française et les comédies franchouillardes. Ils se sont tellement énervés qu’ils ont ouvert à fond les vannes de l’hémoglobine.

Autre point commun entre les deux vagues, c’est celui de la politique de l’auteur inventée par la première. Une invention qui a vicié le cinéma français devenu une industrie dans laquelle le metteur en scène y est aussi le scénariste, obtenant ainsi le noble statut de « réalisateur ». Cette politique a tué les scénaristes, privé les films français de bonnes histoires et réduit les scripts à deux phrases. Peut-être qu’il y a eu des Robert Towne, des Shane Black, des David Koepp ou des David Peoples en France, mais à défaut de prendre la caméra eux-mêmes, ils ont eu peu de chance de vendre leurs histoires. Si les scénaristes français faisaient grève comme aux USA, on ne s’en apercevrait même pas.


Là est bien le drame : les nouvelles vagues n’apportent pas de nouvelles histoires. Aussi bien réalisés, aussi haletants et impressionnants soient-ils, « Deuxième sous-sol » de Khalfoun, « Ils » et « The Eye » de Palud et Moreau, « Haute tension » et « La colline a des yeux » d’Aja, « Frontière(s) » et « Hitman » de Gens ont des scénarios à deux balles.

Ces jeunes cinéastes sont talentueux, mais ils ne savent pas quoi filmer. A cause de la première vague qui a imposé le statut de réalisateur, ils se prennent en plus pour des auteurs. Ils trouvent des prétextes thématiques hyper rabâchés, tels que le nucléaire ou le nazisme, et en tirent un développement dramatique digne de celui d’un gosse de dix ans.

Si ces surdoués de la mise en scène qui, faute d’inspiration, vont de plus en plus filmer des remakes aux USA, acceptaient avec humilité de mettre en scène des histoires qu’ils n’ont pas écrites, on verrait naître des chefs-d’œuvre. C’est en filmant des histoires écrites par d’autres que David Fincher, Danny Boyle ou Alessandro Amenabar sont devenus des grands. Et Spielberg, Eastwood ou Hitchcock avant eux.


Il y a certes des exceptions. Dans chaque vague, il y a des perles.

Ainsi dans les années soixante, Georges Lautner s’est adjoint la collaboration de Michel Audiard pour concocter les pépites trépidantes que l’on connaît. Jadis méprisées par la nouvelle vague, « Les tontons flingueurs », « Les barbouzes » ou « Le pacha » sont devenus des classiques .

Ainsi en 2006, Franck Mancuso est allé chercher chez Lawrence Block l’histoire de « Contre-Enquête » pour faire le meilleur film français qu’on ai pu voir ces dernières années.