KHARA David S. 01

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Alors que l’été s’achève en pente douce, je referme le troisième volume des aventures d’Eytan Morg, personnage atypique né dans l’imagination de David S. Khara. Pour les amateurs d’action, de complots, de lecture populaire, Le Projet Bleiberg-Shiro-Morgenstern (dispo, pour les deux premiers chez 10/18 et aux Editions Critic pour le troisième…) est un véritable régal. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si David a rejoint, il y a peu, la Ligue de l’Imaginaire, groupe d’auteurs francophones qui défend bec et ongles la littérature de divertissement dans toute sa diversité.
Cette trilogie est un vrai roller-coaster, qui plonge ses racines dans le passé de la Seconde Guerre mondiale, pour rebondir jusqu’à nos jours… Avec un parfum totalement assumé d’action-movie des années 80-90, une touche de X-Files… Et surtout un humour noir qui nous rappelle que toute cette histoire est là pour nous offrir une bonne dose d’évasion… Sans oublier de poser les bases de quelques réflexions morales et philosophiques.

David S. Khara est donc un auteur « complet », qui s’avère de plus disponible, amateur d’autodérision… Et « fan » du Steven Seagal de la première époque. Tout cela méritait bien une petite interview estivale, non ?


Hello David, pour les lecteurs de Phénix qui ne vous connaissent pas encore, (j’ai les noms, ils seront punis en temps utile…) pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Je peux même me présenter en une phrase : j’ai vu de la lumière alors je suis rentré.
Trop court ? Bon, d’accord… J’ai 44 ans, de moins en moins de cheveux, je suis un ancien grand sportif aux genoux détruits, un ancien chef d’entreprise lassé par vingt ans de travail avec des gens souvent dénués d’humour et de recul sur les aspects les plus importants de la vie. J’aime l’autodérision, les jeux vidéo, les comics des années soixante et les sweat-shirts à motifs idiots.

Et pour ceux qui vous connaissent déjà, un élément particulièrement honteux de votre biographie que vous ne leur avez pas encore dévoilé ?

Oh, la question piège… Les épisodes honteux ne manquent pas tant je suis quelqu’un de distrait et maladroit. Je vais en citer un parmi des tas : un jour, au cours d’un entraînement de rugby, j’ai découvert en me changeant que j’avais pris un bermuda à la place de mon short. J’ai décidé de m’entraîner quand même et les gars ont multiplié les plaquages jusqu’à ne me laisser que des lambeaux de bermuda…

La trilogie Bleiberg-Shiro-Morgenstern est-elle née en l’état dans votre esprit, ou le premier opus a-t-il entrainé l’envie de revenir vers le personnage principal et de lui offrir d’autres aventures ?

L’idée d’aller vers une trilogie est née durant l’écriture du premier tome. Eytan a pris de plus en plus d’importance à mesure que le roman avançait et le plus troublant était qu’en pleine rédaction d’un chapitre de Bleiberg, j’envisageais ce qui allait advenir de lui dans le dernier opus de la trilogie. En fait, dans une première version, Eytan ne survivait pas à la fin de Bleiberg et en relisant le manuscrit, je ne l’ai pas supporté. Il restait à dire sur cet homme, sur ce qu’il incarne, sur ses contradictions aussi, que je devais le ramener. Et avant même le succès de Bleiberg, j’étais très heureux de pouvoir le retrouver. Apparemment, les lecteurs aussi (rires) !

Allez, avouez David, votre personnage principal, géant, musclé, avec un solide sens de la répartie, Eytan Morg, vous l’avez écrit pour Vin Diesel… ?

Alors soyons clair : je suis un fan absolu de Diesel et plus particulièrement de son rôle hallucinant dans la saga Riddick. Maintenant, le vrai problème est qu’Eytan est Polonais de naissance, blond, proche des deux mètres et là, ça coince un tantinet…

Ce genre de thriller, avec un background historique, cela demande pas mal de recherches… Il y a des moments où vous vous êtes dit « c’est bon là, j’ai accumulé assez de truc, faut que j’écrive maintenant » ?

Oui et non. En fait, j’avais à chaque fois un thème de départ sur lequel j’avais déjà des bases, mais je continuais mes recherches en cours d’écriture et il n’était pas rare que pendant la création d’un tome je découvre des éléments utiles pour un tome suivant. Au final, je n’ai jamais cessé de lire ou regarder des documentaires sur l’histoire et la science durant les trois années qui se sont écoulées entre Bleiberg et Morgenstern.

Le Projet B. est non seulement un thriller haletant, qui a séduit un large lectorat... mais il est en train de faire des vagues, de plus en plus grosses, sur les côtes américaines ! Comment cette aventure, que l’on sait extrêmement difficile pour les auteurs francophones, a-t-elle eu lieu ? Et quel avenir pour les autres volumes de la trilogie ?

Shiro et Morgenstern devraient paraître l’année prochaine en anglais. Pour Bleiberg, c’est une petite maison d’édition dynamique et très sérieuse qui a décidé de lancer une collection de thrillers francophones outre-Atlantique. L’aventure valait d’être tentée et s’avère un succès, à la fois par le travail du Frenchbook et l’accueil des lecteurs, presque plus enthousiastes qu’en France. Aujourd’hui, Bleiberg a été mis en avant par la dernière chaîne de librairies encore existante aux US et a figuré à plusieurs reprises dans les classements de meilleures ventes numériques. En gros : super fier !

Lorsque vous étiez jeune (enfin, là vous n’êtes pas encore cacochyme, mais puisque vous partagez quasi votre âge avec l’auteur de cette interview, je confirme que certains matins, y a de la rouille dans les rouages…) vous avez carburé aux blockbusters, cela ne fait aucun doute… C’était lequel votre petit plaisir coupable, que tous les autres spectateurs détestaient ? Et pourquoi ?

Coupable… Ah oui, j’ai ! Et j’assume parfaitement : les premiers films de Steven Seagal ! Nico, Piège en haute mer, Piège à grande vitesse (auquel je fais un petit clin d’œil dans Bleiberg, quelques lecteurs ont bien ri !). Mais, et oui il s’agit d’une lamentable tentative de diversion, au moins un de mes camarades de la Ligue regarde bien pire !

Votre écriture est ultra-efficace. Millimétrée presque. Vous partez d’un plan précis ou vous élaguez beaucoup un manuscrit plus épais afin de le rendre plus efficace ?

Je travaille sans plan, quasiment sans notes, mais tout est construit dans mon esprit, au plus petit détail près. Du coup, écrire est une sorte de soulagement tant j’emmagasine d’informations au cours de création. Aujourd’hui je fais évoluer ma méthodologie avec des synopsis ou des plans qui me permettent de libérer quelques neurones (pas beaucoup vous diraient mes détracteurs, mais tout de même !).

Maintenant que le succès est là, vous pouvez l’avouer… Vous avez offert à Gérard Collard (critique littéraire sur France 5) son poids en pralines pour qu’il lance le buzz du Projet Bleiberg ?

Déjà, je pense que Gérard Collard appartient à la catégorie des incorruptibles. Ensuite, je préférerais lui offrir son poids en pralines que le mien ! Plus sérieusement, Gérard a tellement fait pour l’éclosion d’auteurs français que cela interroge sur le rôle des médias, plutôt frileux dès qu’il s’agit de prendre des risques. L’honnêteté m’oblige à avouer que je ne le connaissais absolument pas avant qu’il ne parle de Bleiberg. Je sais ce que je lui dois et à chaque nouveau roman que j’écris, je garde en tête l’idée de ne pas le décevoir. La même logique prévaut pour mes proches comme pour mes fans.

Moralement, le personnage d’Eytan, laisse tout de même songeur… Même s’il ne s’attaque, selon ses propres dires, qu’à des personnes qui ne sont pas innocentes et qui en ont fait souffrir d’autres, on est tout de même sur une frontière assez floue… Celle sur laquelle voyagent des personnages comme Batman, ou encore l’Inspecteur Harry. Cette zone grise, du point de vue de la morale, c’est l’idée ‘maîtresse’ derrière la trilogie ?

Absolument. Au-delà des éléments historiques ou scientifiques bien réels dont je traite et qui posent des questions sur le monde dans lequel nous vivons, la figure d’Eytan est porteuse de nombreuses contradictions. En même temps, je ne suis pas certain qu’il serait aussi intéressant s’il était un héros monolithique type « gendre idéal ». La comparaison avec l’inspecteur Harry ou Batman est très juste et je la revendique. On pourrait également citer Wolverine version Franck Miller.

Vous avez été intronisé, il y a peu, dans La Ligue de l’Imaginaire… Comment en êtes vous arrivé à fréquenter cette bande de malades ? Avez-vous dû, vous aussi, porter le déguisement de marmotte exhibitionniste sur les Champs Elysées, en souvenir du premier nom de cette confrérie aux limites de l’occulte et du littéraire ?

La date du bizutage a été fixée à 2032, ce qui me laisse largement le temps de disparaître dans la nature avant que l’irréparable ne soit commis ! Arriver dans la Ligue est un véritable honneur et ce d’autant plus que les membres m’ont accueilli avec beaucoup de gentillesse. Le plus agréable a été de constater que ces grands noms ne se prennent pas la tête, ne se la jouent pas et sont d’une totale simplicité. Tout s’est fait au fil des rencontres, des échanges. Nous partageons un désir commun de défendre une littérature faite d’histoires, d’aventures, de mystères. Pour nous, loin des modes ou de tout snobisme intellectuel, il n’existe pas de mauvais genre.

Soyons plus classique pour la dernière question… Quel est votre avenir David ? Si vous n’en savez encore rien, nous avons deux excellents cartomanciens dans l’équipe de Phénix.

Si vous pouviez me garantir de me livrer mon avenir, je vous empêcherais de me le révéler ! La découverte, l’inconnu font partie du plaisir. Si en 2010 l’on m’avait dit de quoi serait faite ma vie aujourd’hui, je ne l’aurais jamais cru. Pour l’instant, je vois assez clair ce qui va se produire en 2014, mais je vous livrerai le planning exact fin septembre. Comptez sur pas moins de 7 sorties différentes au cours de cette année incroyablement chargée, entre les « Poche », adaptations BD et romans originaux.

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Commentaires

Alors là... L’auteur d’une des séries d’Aventure/Action/Espionnage/Thriller (rayez les mentions inutiles, mais je crois qu’aucune ne l’est) les plus palpitantes et les mieux écrites depuis les les grandes heures d’Henri Vernes interviewé par l’un des continuateurs officiels de Bob Morane ! L’affaire ne manque pas de piquant, et votre rencontre DEVAIT avoir lieu, c’était inévitable ! Entre votre goût affirmé pour le cinéma d’action américain, votre statut revendiqué d’écrivain populaire, et les valeurs humanistes que vous injectez dans vos romans respectifs, vos points communs sont légion, et donnent à cet entretien un vrai supplément d’âme. Alors messieurs, à quand un échange de bons procédés ? A quand un Bob écrit par David et un spin-off des projets par Christophe ? Merci à tous les deux pour cet échange, c’était un régal.