Holly

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J’ai un peu hésité avant de commencer la lecture de ce dernier opus à date de Stephen King. Essentiellement parce que les derniers ne m’avaient guère convaincu : Après, L’institut, Si ça saigne (il me reste encore Billy Summers). Et puis, je me dois de faire une confidence, je n’ai jamais vraiment accroché au personnage de Holly Gibney. Et d’ailleurs de tout son entourage, Barbara et Jerome en particulier, que je trouve relativement sans relief. Le seul que j’aimais particulièrement était ce vieux Bill Hodges, à mon sens un des plus attachants que le King ait créés. Fortement déçu par la tournure de l’Outsider où elle débarque comme un cheveu sur la soupe et résout toute l’histoire en cinq minutes, et pas vraiment emballé par Si ça saigne, je pouvais raisonnablement me poser la question du pourquoi. La réponse pourrait tenir en un seule phrase : parce que c’est Stephen King. Sa facilité à passer d’un genre à l’autre est hallucinante, même si on le catalogue encore souvent comme le maître de l’horreur, ici on est bien en présence d’un thriller sans aucun élément fantastique. Et en toute modestie, le meilleur roman que je pourrais écrire restera toujours largement en-dessous de ceux que je pourrais considérer comme les moins bons de l’auteur.

Cela dit, qu’en est-il de ce Holly ? Tout d’abord, pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu, il me semble important de préciser que le personnage fait partie d’une série de romans, même si certains mettent la trilogie Hodges à part. En effet, Holly Gibney apparait pour la première fois dans Mr Mercedes, puis Carnets noirs, Fin de ronde, L’outsider, Si ça saigne et enfin Holly. En dehors de Roland dans la Tour sombre, rares sont les personnages du King à avoir bénéficié d’un tel suivi. Donc, rater un épisode, ce serait rater l’évolution du personnage qui, de femme effacée étouffée par le carcan familial et possiblement Asperger même si SK ne le dit pas clairement, bourrée de TOC, prend peu à peu de l’assurance et finit par ressembler à son mentor. En définitive, on pourrait presque remplacer Holly par Bill Hodges dans ce roman sans que cela soit choquant. L’auteur finit par faire de cette femme un peu bancale, pouvant être perçue comme la sœur d’un des membres du « club des ratés » de Ça, un personnage féminin fort relativement rare dans toute sa biographie.

En post-face, King précise que le roman a été écrit durant la crise de la Covid et qu’il a dû en tenir compte. C’est une excuse comme une autre mais qui ne m’a pas convaincu. Ceux qui suivent l’auteur sur Twitter désormais X savent que le King se livre à une bataille de mots avec ses détracteurs pro-Trump, complotistes ou anti vaccins. Holly est donc une façon de continuer à régler ses comptes avec une certaine Amérique qu’il condamne. Lorsqu’un personnage dit que la meilleure chose qu’il soit arrivée c’est la défaite de Trump, c’est SK qui parle. On peut penser qu’il s’agit de placer le roman dans une époque précise, avec Holly Gibney maniaque de la propreté et qui ne supporte pas les gens sans masque… Mais l’auteur charge la mule, ce qui donne des épisodes répétés de comparaisons de vaccins et de nombre de doses qui n’ont aucun intérêt précis. En tout cas, si l’on retire toute cette partie, on n’ôte rien au roman.

Holly est donc un thriller, un roman policier sans une once de fantastique. Toujours à la tête de l’agence de détective Finders Keepers, Holly Gibney accepte, à la demande de Penny Dahl, une mère éplorée, de rechercher sa fille Bonnie, mystérieusement disparue en abandonnant son vélo. En menant l’enquête, Holly va découvrir peu à peu qu’elle n’est pas la seule à avoir disparu et se poser la question d’un tueur en série. Ici, les personnages qui gravitent autour de la détective vont et viennent de façon très secondaire, menant leur propre existence d’histoire dans l’histoire, Jérome et son livre sur son ancêtre, Barbara et son recueil de poésie (et bon sang je voudrais bien trouver en France un éditeur prêt à donner une telle avance pour un livre !) et Pete, son partenaire couché au lit avec la covid. Du reste, Stephen King ne fait aucun mystère sur l’identité du meurtrier et nous la dévoile assez vite. C’est le mobile qui est plus long à se dévoiler et qui plonge le lecteur dans l’horreur, bien sûr, sinon ce ne serait pas tout à fait du King. L’auteur en a-t-il fini avec son héroïne ? Rien est moins sûr, la fin pourrait laisser supposer un éventuel nouvel épisode. King l’a dit lui même qu’il ne pouvait pas la laisser partir ainsi.

Carrie est sorti en 1974. Cela fait donc 50 ans que Stephen King écrit inlassablement. Une durée impressionnante que beaucoup pourraient lui envier, alternant le très bon au plus moyen. Si l’on excepte ces petits tics ; longueurs et parti pris, sans être exceptionnel, je dirais que Holly est à classer dans les bons romans du maître, très loin de l’Outsider avec le même personnage, qui commençait pourtant très fort, et mieux que Si ça saigne. Peut-être parce qui est écrit est possible, plausible. Comme toujours, la traduction de Jean Esch est parfaite. Seule une nouvelle fois la fin m’a un peu laissé perplexe. Faire évoluer un personnage, oui. En faire presque une super-femme… À vous de juger.

 

Stephen King - Holly - Editions Albin Michel, 2024

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