Flammes de Whidbey (Les)

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Le genre des Flammes de Whidbey relève du policier, mais pas n’importe lequel, du policier qui s’acoquine avec le paranormal. Tient-on là un suspense somme toute traditionnel ? D’entrée certes, le roman s’apparente plus à un thriller qu’à une œuvre de science-fiction proprement dite. Il a en effet pour trame une intrigue de type plus classique que fantastique : il s’agit d’élucider l’énigme d’incendies répétés sur une île.

Mais pas n’importe quelle île : l’action se déroule précisément là où l’héroïne, rescapée du vent de fureur qui a traversé l’épisode précédent ces aventures, s’est réfugiée pour couler des jours heureux autant que possible, dans le confort ouaté d’un troisième tome avant de retrouver sa mère. Une toute petite île, où tout le monde se connaît, voilà un décor idéal dont le caractère intimiste ajoute à l’étrangeté de l’atmosphère dans laquelle ont lieu les successifs incendies.

Une fois planté ce décor, la dimension fantastique du roman qui le distingue d’un policier classique se concentre sur deux points : elle se trouve d’abord dans le fait que le personnage principal, Becca Ring, entend des voix. Mais pas n’importe quelles voix : les voix intérieures de son entourage direct, lui livrant les pensées les plus secrètes. Et elle se manifeste ensuite dans la rencontre de Becca avec une sorte d’initiée qui l’affranchit quant à son don et l’aide à le maîtriser davantage.

Ce qui caractérise à souhait cette enquête à caractère paranormal sur des actes criminels, c’est surtout qu’elle s’adresse à de jeunes lecteurs. Mais pas  n’importe lesquels : ceux qui sauront se reconnaître dans ces portraits savoureux que dresse Elizabeth George d’ados épris de sensations fortes et d’idéaux, et d’abord en proie aux soucis standards de leur âge. Aussi se prendra-t-on de sympathie pour Derric, Hayley ou Jenn, autant de personnages attachants et réalistes qui illustrent le quotidien à peine fantasmé de nombre de lycéens, entre soirée arrosée et première fois, peur de l’exclusion et mensonges, impulsion irraisonnée et poids des responsabilités.

Bien sûr, Becca Ring se distingue de ses camarades, qui évoluent dans la peur d’être privés d’ordi par leurs parents et la contrainte des cours de littérature américaine, par sa destinée marginale et ses pouvoirs exceptionnels, ce qui pimente l’ordinaire des lycéens. Cela promet beaucoup d’émotion et d’action au programme pour ce petit groupe d’ados qu’intègrent deux nouveaux éléments suspects, Aidan et Isis, un frère et une sœur fraîchement débarqués sur l’île.

Mais pas n’importe quelle île... ça vous l’avez déjà compris. Rappelons que c’est celle qui se situe quand même à la lisière de nulle part (« the edge of nowhere ») ainsi que l’annonce le sous-titre du roman. Mais Whidbey, c’est aussi l’île américaine où vit réellement « la reine du crime » ainsi qu’on surnomme l’auteur, Elizabeth George, qui multiplie les succès littéraires tangibles et on ne peut plus véridiques. On vous laisse imaginer ce que cela donne quand des ados jouent avec le feu dans son fief. En ce point précis du travail romanesque, l’identification assez confortable à laquelle pouvait se prêter le lecteur laisse place au fantasme et son lot de sueurs froides quoique parfaitement inoffensives : l’indice, s’il en était encore besoin, qu’on tient là une bonne histoire pour adolescents, de celles qui touchent juste et fort leur lectorat, pile là où « ça fait peur ».

Les flammes de Whidbey par Elizabeth George, traduit par Alice Delarbre, 19 euros, Presses de la Cité.

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