Comment j’ai retrouve la foi (dans le cinéma)

Qu’est-ce qu’on demande avant tout à un film ? La même chose qu’à toute œuvre relevant d’un domaine artistique : qu’il en respecte la définition, c’est-à-dire qu’il soit… une œuvre d’art. Un film n’est pas un jeu vidéo, ni une attraction foraine, ni une succession de sketchs, ni un film de vacances ou une catharsis tournée avec un téléphone.

Une œuvre d’art doit être belle, belle comme la Piéta ou la Naissance de Vénus. D’ailleurs, plus de 500 ans après, on se presse toujours autant pour admirer la sculpture de Michel-Ange et la peinture de Botticelli. Les scènes d’ouvertures de Nocturnal animals et La La Land nous rappellent d’emblée cet impératif du beau. Respectivement sous l’œil de Tom Ford et de Damien Chazelle, des majorettes éléphantesques dénudées et un embouteillage sur l’autoroute de Los Angeles deviennent magnifiques. Deux scènes anthologiques conçues pour le grand écran, l’une filmée au ralenti, l’autre en plan séquence et en Cinémascope. Dès les premières secondes, nous avons quitté la réalité cynique et laide pour le monde merveilleux du septième art !

 

 

La beauté de l’œuvre doit aussi nous toucher. Elle ne doit pas être distante et froide à l’image de la maison de Susan dans Nocturnal animal ou de l’appartement hollywoodien de Mia dans La La Land. Ces deux films nous touchent parce qu’ils sont pleins d’amour. L’amour qui élève, qui nous fait réaliser des choses incroyables, mais qui contrarie aussi nos plans. L’amour qui ne dure pas mais reste toujours en nous comme une métastase cancéreuse prête à déclencher à nouveau la maladie. Ces films nous interpellent à travers des personnages auxquels on s’attache vite parce qu’ils sont bien écrits et superbement interprétés. On peut même dire que Jake Gyllenhaal, Amy Adams, Ryan Gosling et Emma Stone constituent le carré d’as des acteurs du moment.

 

 

La beauté doit enfin avoir du sens. Et ces deux films-là en ont. Car au fond, de quoi nous parlent Nocturnal animals et La La Land si différents par leur genre (un thriller psychologique et une comédie musicale), leur thème (une vengeance et une success story) et leur narration (trois arcs narratifs parallèles et un axe linéaire coupé par une ellipse de cinq ans) ? Ils nous parlent de la flamme qui brûle en chacun de nous et que l’éducation parentale ou la société s’efforce d’étouffer afin que nous rentrions dans le rang. La mère ne veut pas que Susan épouse Edward qui n’est pas de son milieu et qui aspire à ne devenir qu’écrivain. Mia est frustrée, humiliée et découragée par les castings ratés qui la poussent à retourner chez ses parents dans le Nevada. Le vrai sujet ici c’est l’art, la solitude des artistes et leur rapport difficile à la réalité. Nocturnal animals et La La Land démontrent qu’au final l’art l’emportera sur la vie et même sur l’amour qui ne sont qu’éphémères. Et cela fait du bien de le rappeler. Longtemps après être sorti de l’univers de Tom Ford et Damien Chazelle, nous restons marqués par leur foi qui nous arrache à la réalité pitoyable, sordide et ennuyeuse. Au sortir de cette messe cinématographique, nous sommes convertis à une vision alternative de la vie.

 

 

Un chef-d’œuvre cinématographique ne saurait en être un sans un dénouement non conventionnel. Et il est vrai que les fins ouvertes de Nocturnal amimals et La La Land sont à la fois implacables et inattendues au point qu’elles en dérouteront certains. Je n’en dirai pas plus pour ne rien vous spoiler et conclurai qu’en ce début 2017, ces deux objets magnifiques que sont Nocturnal amimals et La La Land me redonnent la foi dans le cinéma, foi qui s’était un peu émoussée ces derniers temps. 

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