All the boys love Mandy Lane

« Pour faire un adulte, il faut tuer un enfant ». Telle était l’épigraphe de mon premier roman Pour adultes seulement narrant la cavale sauvage à travers l’Ouest américain d’une baby-sitter française sortant de l’adolescence pour entrer de plein fouet dans un monde d’adultes hyper-violent. Elle pourrait être celle de All the boys love Mandy Lane. Car le premier film de Jonathan Levine, tourné en 2006, traite lui aussi de la sortie de l’adolescence comme une sortie de route. De façon radicale.


Un « teen-movie » sur le mode slasher.

Une perle noire.

Avec l’éclat d’une actrice lumineuse.

Belle à en crever.


All the boys love Mandy Lane commence par une affiche magnifique, un générique stylé qui aurait pu être celui d’un film de Tarantino et un ralenti dans le décor d’un lycée, façon De Palma au bal du Diable. Sauf qu’ici il s’agit de Mandy au bal des Anges, débarquant sur l’air de In anticipation of your suicide. Tous les garçons la regardent comme le Messie. La beauté d’un ange. Car Mandy se distingue des autres teenagers non seulement par sa plastique, mais aussi par sa pureté.

Après cette entrée en matière, on assiste à un drame d’idiot ou d’ado, c’est pareil, prouvant que l’on peut se tuer pour Mandy Lane. Le film enchaîne vite sur les questions existentielles du lycéen qui se demande s’il assure ou de la lycéenne qui est fière d’exhiber son piercing au nombril. Les vannes fusent dans les vestiaires. Ce qui donne par exemple ce dialogue délicieux :

-Marlin (montrant aux autres filles son piercing au nombril) : Regardez ce que j’ai !

- Mandy : C’est contagieux ?

- Chloé : Ça explique ce truc sur ton visage ?

- Marlin : C’est ça, petite conne… Sérieusement, regardez. Sympa, hein ?

- Chloé : Marlin, t’as plein de bourrelets. Ce truc va se perdre dedans.

- Marlin : Je ne suis pas grosse

- Chloé : C’est ça.

- Mandy : Je trouve ça joli, Marlin.


Car non seulement Mandy est belle et pure, mais elle a aussi le sens de l’humour tout en restant gentille. La créature parfaite, je vous dis.

On comprend que certains se tuent pour la vestale. Certains vont tuer aussi, comme le dit l’accroche. Le film va donc basculer dans l’horreur.

Six jeunes dont Mandy décident de partir en week-end dans le ranch de l’un d’eux. Les parents ne sont pas là. Pour chacun des trois garçons de la bande, l’objectif est de se faire Mandy. Le séjour se passe dans la campagne du Texas, c’est à dire au milieu de nulle part. Décor de Massacre à tronçonneuse. Au milieu des autres, Mandy détonne. Non, elle irradie par sa douceur et sa vénusté. Les cinq fêtards boivent, fument, débitent des conneries, déblatèrent sous son regard séraphique. Week-end canapé-fumette-alcool-baisouillette. C’est le niveau zéro du jeune, millésimé Secret Stories. A côté d’eux le valet de ferme a l’étoffe d’un héros. Mandy tolère ses camarades car elle a leur âge, qu’elle est sociable et bienveillante.

Arrive le moment où l’un des ados s’écarte du groupe. Le slasher peut commencer. L’ambiance documentaliste à la Gus Van Sant vire à la sauvagerie d’un Tobe Hooper. Le film lent et mélancolique devient violent et angoissant, jusqu’au twist final qui donnera tout son sens au film. Un dénouement aussi jouissif que nihiliste, mais ce n’est qu’un avis personnel. Car certains ne manqueront pas d’être choqués…. Je n’en dirai pas plus.


All the boys love Mandy Lane est un film déroutant, qui a fait peur non seulement aux spectateurs mais aux distributeurs. Ce qui explique qu’il ne soit jamais sorti en salles. Devenu culte dans les festivals du monde entier, il sort enfin en vidéo.

Avec Breakfast Club, il s’agit du film le plus intelligent jamais tourné sur l’adolescence. Mais alors que le film de John Hughes jouait sur la comédie évoluant vers le débat existentialiste en salle de colle, celui de Jonathan Levine mise sans compromis sur le registre du slasher.

Qui dit ados, dit musique. Et la B.O. de Mandy Lane assure. Autant Breakfast Club était marqué par le tonique Don’t you forget about me des Simple Mind, autant All the boys love Mandy Lane est marqué par la version mélancolique de Sealed with a kiss de Bobby Vinton que l’on fredonne longtemps après la vision du film.


Je finirai ma chronique sur ce film météorite en louant l’interprétation charismatique de Amber Heard, qui justifie à elle seule le titre All the boys love Mandy Lane. Au-delà des garçons de son lycée, ce sont tous les spectateurs qui vont l’aimer. Une actrice à tomber… et à suivre de près, car sa carrière s’annonce prometteuse. On la retrouve aux côtés de Demi Moore dans The Joneses (La famille Jones) que je vous conseille vivement si vous voyez passer le film, et prochainement dans le très attendu The Ward de John Carpenter.