Vie volée de Martin Sourire (La)

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Désespérée ne pas avoir déjà enfanté, la reine Marie-Antoinette se console en adoptant des orphelins. Comme ce gosse recueilli au bord d'une route et qu'elle prénomme Martin. Mutique et solitaire, il gagne très vite une réputation de sauvage et grandit comme vacher près du Petit Trianon, dans une ferme modèle où la monarque se rêve en bergère. Mais est-ce vraiment la place de Martin ? Quand arrive l'année 1789, sa rencontre avec le peuple brutal, miséreux et grondant va bouleverser son destin...

 

J'ai dévoré ce roman, pourtant dense et parfois ardu. Il exige du lecteur la capacité à accepter de longues pages de descriptifs et une langue très soutenue (que pour ma part j'ai trouvée flamboyante).

À partir du personnage de Martin, fictif, l'auteur recrée avec un réalisme saisissant la fin du 18e siècle. Tout d'abord avec les dernières années du règne de Louis XVI, puis avec les prémisses de la Révolution, enfin avec les heures les plus sombres qui suivirent.

Martin est un peu le mélange de Grenouille, le personnage de Suskind (NDLR : cf. Le parfum), et de Forrest Gump. Il traverse les lieux et les évènements avec une candeur désarmante, rencontre des personnages clés sans avoir conscience de leur importance. Perdu dans un monde dont il ne comprend pas les enjeux, solitaire, en manque de repères affectifs, l'enfant - puis l'homme - fait du mieux qu'il peut pour survivre. En quête de son identité, Martin se laisse porter par les vents de l'Histoire.

Divisé en trois parties distinctes : Versailles, Paris puis la Terreur, La vie volée de Martin Sourire nous entraîne dans cette période charnière. On s'y croirait, tant Christian Chavassieux a soigné son récit. Qu'il s'agisse des faits relatés, du vocabulaire employé par les personnages, de l'ambiance, tout est incroyablement retranscrit. L'immersion dans l'époque est immédiate et totale.

Malgré la langue très travaillée qui aurait pu être rebutante, la lecture glisse toute seule, passionnante et envoutante. Même les longues descriptions sont captivantes (celle de Paris ou celle du restaurant par exemple), car elles participent de l'atmosphère générale et ancrent le récit dans la réalité des gens de l'époque.

Martin touche un peu à tout, comme nombre de ses concitoyens, change de métier au gré des opportunités et finit par se laisser gagner par le miroir aux alouettes d'une révolution que le peuple appelle de ses voeux. Mais bien vite, la réalité atroce le rattrape. L'auteur livre alors un très long chapitre uppercut sur la guerre de Vendée, qu'on lit avec les tripes et qui pourrait être transposé à n'importe quel conflit présent ou passé.

Finalement, au bout de son chemin initiatique, Martin devient le symbole d'une République toute neuve, débarrassée des horreurs et des douleurs de sa conception. Ce personnage porte tout le poids des errements humains.

Magnifique roman historique, La vie volée de Martin Sourire se termine sur des annexes intéressantes : lexique d'époque et explications de l'auteur.

 

La vie volée de Martin Sourire de Christian Chavassieux, J'ai Lu, ISBN 978-2-29025151-5, 8,60 €

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