Une machine comme moi

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Le mieux est, hélas, l’ennemi du bien et à vouloir traiter trop de sujets à la fois on n’en traite vraiment aucun.

 

Bien que publié dans des collections de littérature « blanche », ce livre est incontestablement un livre de SF, voire de « hard SF », puisqu’il traite, en creusant même le problème, du problème de Turing, la possibilité de créer une machine indiscernable de l’homme. Turing qui, dans cette uchronie, est vivant, riche et respecté, en 1982, qui a résolu le problème P=NP (problème majeur de logique encore non résolu à ce jour) et ainsi permis l’apparition de voitures autonomes  (l’auteur signale le « dilemme du tramway », mais évite de dire quelle solution a été retenue) et, tel est le sujet du livre, de 25 Adam ou Eve (pourquoi seulement 25? avec de plus 13 Adam, 12 Eve, ce qui est pour le moins curieux, voire aberrant) vendus très cher à quelques amateurs. Il y a déjà un certain nombre d’incohérences, à commencer par l’idée que la première génération soit immédiatement mise sur le marché, avec un suivi limité (visite de contrôle au bout de quelques mois). La deuxième incohérence est que le héros, petit trader – alors que, dans l’hypothèse d’IA suffisamment puissantes pour permettre de tels androïdes, il y aurait longtemps que la profession de trader aurait été entièrement occupée par des robots, avec les risques de bulle et crise liés à une programmation en vue de la spéculation –, fasse partie des heureux acquéreurs de ces machines hors de prix.

 

Mais l’uchronie – ou plutôt l’univers parallèle car les autres divergences rendent les ressemblances avec l’Angleterre réelle de 1982 totalement invraisemblables – comporte donc d’autres faces, à commencer par la défaite britannique face à l’Argentine après l’invasion des Falkland, qui jouera son rôle dans l’intrigue secondaire des réactions du narrateur face à une évolution politique chaotique du pays.

 

L’intrigue principale, c’est l’intervention d’un Adam dans l’histoire d’amour entre le héros-narrateur, petit trader qui vivote, et sa voisine du dessus, étudiante et fille d’un romancier connu dont le passé comporte une histoire sordide. Et ce narrateur, sans réel intérêt, n’en est pas moins un commentateur péremptoire, narcissique (y compris obsédé de ses propres défauts), ce qui allonge et rend pénible la lecture du roman.

Lequel s’avère, sur le thème principal, une expérience de pensée intéressante, mais en fin de compte totalement gratuite car elle ne prouve ni n’infirme aucune des hypothèses psychologiques et techniques sur lesquelles repose son développement. Et les à-côtés historiques, politiques ou esthétiques liés aux autres divergences ne sont, en fin de compte, que des opinions personnelles (celles de l’auteur ?).

 

Reste, pour le lecteur de « hard SF », la présentation (par la voix de Turing) de théories importantes et de questions encore non élucidées... Par contre la romance, la partie « mainstream » du roman, me paraît sans intérêt... mais n’est-ce pas elle qui fait vendre avec sa psychologie à 2 pence ? Dommage puisqu’elle gâche la question essentielle...

 

Une machine comme moi, de Ian McEwan, traduit par France Camus-Pichon, Folio n°6965, 2021, 417 p., couverture de Tom Hunter, F8, ISBN 978-2-07-293609-8.

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