Super 8

Réalisateur: 

Souviens-toi… l’été dernier


Peur sur la ville

En 1979 à Lillian, paisible petite ville industrielle de l’Ohio, un groupe de six adolescents (Charles, Joe, Cary, Preston, Martin et Alice) profite de leurs vacances d’été pour tourner leur 1er film en super 8 avec les moyens du bord. Un soir alors qu’ils tournent, en cachette de leurs parents, l’une des scènes de leur film de zombies sur le quai d’une gare désaffectée, ils sont les témoins involontaires d’un spectaculaire accident au cours duquel un pick-up, conduit par leur professeur de biologie, fonce sciemment à toute vitesse sur la voie ferrée vers un train arrivant en sens inverse provoquant ainsi son déraillement. Dans la panique, la bande de copains, qui a échappé de peu à la mort, s’enfuit à toutes jambes en abandonnant leur caméra qui tombe au sol mais continue pourtant à tourner, filmant ainsi à leur insu un « secret d’état » jusqu’alors bien gardé : une forme inhumaine surgit d’un container éventré en flammes avant de disparaître dans la forêt avoisinante, échappant désormais à tout contrôle.

Disparitions

Quelques instants plus tard, des dizaines de militaires investissent le lieu du déraillement. Dans les jours qui suivent, la petite bourgade, jusqu’ici pourtant si paisible, devient le théâtre d’étranges phénomènes et de mystérieuses disparitions, parmi lesquelles figure celle du shérif, semant ainsi le trouble au sein des habitants, ce d’autant plus que d’inexplicables pannes de courant ne cessent aussi de se produire.


Le shérif adjoint Jackson Lamb, qui n’est autre que le père du jeune Joe, doit alors mener l’enquête. Déjà bouleversé par le décès récent de sa femme dont il a toutes les difficultés à se remettre, il a bien du mal à assumer son rôle de père qu’il n’avait jusqu’alors pas vraiment tenu et à gérer, en même temps, la panique irraisonnée qui s’empare peu à peu de ses concitoyens depuis l’arrivée en ville de l’armée qui y décrète l’état d’urgence sans pour autant fournir aux habitants la moindre explication.

L’idée de base de J.J. Abrams (digne d’un épisode d’X-Files) était celle de militaires décidant de transférer des choses, depuis la fameuse « Zone 51 » vers un lieu encore mieux sécurisé, à bord d’un train, tout spécialement affrété pour l’occasion, mais celui-ci déraille et l’un de ses wagons, éventré lors de l’accident, laisse malencontreusement échapper son mystérieux contenu.

Lorsque les ados récupèrent leur matériel de tournage et font développer leur pellicule, ils vont y découvrir ce que l’armée tenait tant à garder secret. Alors qu’ils sont confrontés à quelque chose qu’ils n’auraient jamais dû découvrir, ils se retrouvent aussi en conflit avec leurs parents, leurs professeurs ainsi que les autorités. Ce tragique évènement va alors entraîner diverses répercutions sur l’amitié existant entre les différents membres du petit groupe de cinéastes amateurs ainsi que sur leurs familles respectives et changer à jamais leur façon d’appréhender la vie.

Forever young

Super 8 est incontestablement pour J.J. Abrams un film bien plus personnel que ses précédents dans la mesure où ce dernier présente bon nombre de similitudes avec sa propre jeunesse où, tout comme ses personnages principaux, il commença dès son plus jeune âge à tourner des petits films, en compagnie de son meilleur ami, à l’aide d’une caméra super 8 (format lancé par Eastman Kodak en 1965).


Il surfe ici avec habileté sur la nostalgie d’une enfance perdue à la toute fin des seventies tout en rendant un hommage appuyé et entièrement assumé au cinéma de Steven Spielberg (qui est aussi le producteur de Super 8) des seventies et eighties par l’intermédiaire d’une pléthore de références à la grande époque des films produits par Amblin (Rencontres du Troisième Type, E.T., Les Goonies…), allusions et autres clins d’œil à d’autres films (Les Dents de la Mer, Jurassic Park, La Guerre des Mondes) disséminés un peu partout tout au long de l’intrigue même si parfois, au niveau de l’ambiance, on est plus proches de Stand by Me.

Tout comme son mentor, J.J. Abrams a visiblement su garder son âme d’enfant.

Sous influence

Super 8 est une sorte d’incroyable melting-pot de différents genres cinématographiques plongés dans une atmosphère vintage : le mélodrame familial, la romance, le monster movie, la SF, le film de zombies (celui tourné en super 8 par la bande d’ados), le récit initiatique mais aussi la comédie (l’humour résidant ici principalement dans les dialogues écrits par Charlie pour les personnages de son film qu’il tourne avec l’aide de sa bande de copains).

Malgré cela, J.J. Abrams a su trouver le juste équilibre entre sensationnalisme (avec le spectaculaire déraillement du train et l’impressionnante créature extraterrestre dont le look, créé par Neville Page et conçu par ILM, est ici bien plus proche d’Alien que d’E.T.) et sentimentalisme (au travers de l’amour naissant entre Joe et Alice que la disparition respective d’un de leurs parents a fini par rapprocher, de la jalousie de Charlie - qui n’avait imaginé certaines séquences et dialogues de son film que pour mieux tenter de séduire la belle Alice - à l’égard de Joe, de l’amour sincère mais surprotecteur de deux pères célibataires - trop occupés par leur travail - vis-à-vis de leurs enfants avec qui ils ont bien du mal à communiquer et ce, d’autant plus, que ces derniers tentent de s’émanciper de leur emprise au moment de l’adolescence) tout en entretenant savamment le suspense.

Contact


En effet, J.J. Abrams a trouvé le moyen de garder le mystère le plus longtemps possible en thésaurisant sur la « théorie du complot », si chère au cinéma US : les coups sourds frappés avec violence dans les parois d’un des wagons du train avant que celui-ci ne soit éventré mais sans qu’on puisse voir ce à quoi ressemble la créature qui s’en échappe en raison des flammes qui ravagent les lieux du déraillement, le tas de ferraille qu’est devenue la voiture du shérif juste après qu’il ait mystérieusement disparu après avoir fait le plein à la station d’essence locale, les horribles cris de fureur poussés par la créature lorsqu’elle se déplace à l’abri des regards dans les bois avec les mouvements de végétation qui en découlent, le mystérieux cube ramassé au sol par Joe juste après le déraillement du train qui s’anime tout seul quelque temps plus tard dans sa chambre… jusqu’à ce que l’aspect de la créature extraterrestre nous soit finalement dévoilé dans la dernière partie du film.

Tout comme Eliott communiquait par transmission de pensée avec E.T., Joe le fait ici avec la créature extraterrestre échappée du train qui, également tout comme E.T., n’a qu’un seul objectif : retourner sur sa planète d’origine mais, pour cela, il lui faudra tout d’abord se construire un nouveau vaisseau spatial en amalgamant toutes sortes de pièces métalliques en évitant soigneusement que les militaires ne le capturent à nouveau dans le but de leur servir de vulgaire sujet d’expérimentations.

Chronique d’un succès annoncé

On retrouve ici tous les ingrédients de la recette qui a déjà fait le succès d’Abrams aussi bien au cinéma, en tant que scénariste, réalisateur et/ou producteur, que sur le petit écran aves ses différentes séries TV (Felicity, Alias, Lost – Les Disparus et Fringe) sous la forme d’un incroyable mélange parfaitement dosé de suspense, de mystère, d’une multitude de drames personnels vécus par ses principaux personnages, d’histoires où la vie quotidienne apparemment ordinaire de ses différents protagonistes se met à croiser l’inexplicable et/ou le fantastique, d’action riche en rebondissements et d’énigmes à tiroirs sans compter un soupçon d’humour.


Le moteur de Super 8 fonctionne justement en majeure partie grâce aux diverses émotions ressenties par ses principaux personnages à l’égard de leurs proches (qu’ils soient toujours en vie ou qu’ils aient tragiquement disparu) qui sont d’ailleurs, la plupart du temps, conflictuelles (l’incompréhension entre les parents et leurs enfants, l’antagonisme entre les pères des deux principaux personnages).

Il dépeint ici ses personnages d’ados avec le tact nécessaire et une sincérité évidente, les traitant comme des « adultes en devenir » en train de perdre, peu à peu, leur innocence d’enfants mais sans jamais tomber dans la parodie, la caricature ou le cynisme comme que les teen movies hollywoodiens ont désormais pris la fâcheuse habitude de nous les montrer habituellement.

Par ailleurs, si le film fonctionne si bien, c’est aussi en majeure partie grâce à l’alchimie qui s’effectue tout naturellement entre les six jeunes, mais non moins talentueux, acteurs qui incarnent la bande de cinéastes en herbe (plus particulièrement entre Elle Fanning et Joel Courtney dans les rôles respectifs d’Alice et de Joe).

Super 8

Réalisation : J.J. Abrams

Avec : Kyle Chandler, Elle Fanning, Joel Courtney, Gabriel Basso, Noah Emmerich, Ryan Lee, Ron Eldard, Riley Griffiths, Zach Mills.

Sortie le 3 août 2011

Durée : 1 h 52

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