Star Wars : Le réveil de la Force

Réalisateur: 

A la sortie de la projection du « Réveil de la Force », j’avoue tout de go que j’étais dans un tel état de plaisir enfantin qu’aborder le métrage sous un angle « critique » eut été pour le moins compliqué. Trop d’images fortes, trop d’angles d’attaque, trop de soulagement de voir J.J. Abrams et l’équipe de production réussir cet hommage/relance d’un univers que l’on pensait, sottement, endormi pour quelques décennies après « La revanche des Sith ». Une seconde vision, de saines lectures et maintes discussions plus tard, me voilà prêt à livrer quelques réflexions sur ce qui s’avère non seulement un très bon film, mais un excellent Star Wars.

John Williams a toujours été une part importante du succès de la saga Star Wars. Revoir l’attaque de l’Etoile Noire, dans l’épisode IV, sans l’accompagnement musical, c’est  découvrir la puissance apportée aux images par les envolées symphoniques du génial compositeur. Il était donc logique pour moi, de découper cette chronique, au rythme de certains titres de l’album consacré au « Réveil de la Force ».

Attention, quelques « spoilers » se sont forcément glissés dans cet article, même si j’ai tenté d’épargner le lecteur qui n’aurait pas encore découvert ce nouvel épisode…

 

Main Title and the Attack on the Jakku Village/Le générique et l’attaque du village sur Jakku

Dans la plus pure tradition du récit « lucasien », « Le réveil de la Force » débute sur une série de scènes qui pourraient, sans aucun mal, être le final d’une histoire se déroulant avant même les premières secondes du film. Après un « déroulant » place le décor de façon convaincante et résume, sans détour, les événements survenus depuis la fin du « Retour du Jedi » : de la disparition de Luke Skywlaker à la naissance d’un « Premier Ordre » sur les cendres de l’Empire Galactique, la mission d’un pilote, envoyé sur Jakku pour retrouver un indice essentiel pour la générale Organa.

Dès l’attaque du village, menée tambour battant, une évidence s’impose : J.J. Abram est un réalisateur de talent, un artiste qui a encore grandi depuis « Star Trek Into Darkness » et il n’hésite pas à « secouer » le petit monde de Star Wars, où les surprises stylistiques ne sont généralement pas de mise. Shaky cam, travelling latéraux, mouvements de caméras virtuels mais réalistes, jeux sur la profondeur de champs, dialogues réduits à leur plus simple expression… Un nouveau style de narration s’installe dans l’univers de George Lucas. Et c’est tant mieux. Cette première scène permet aussi de découvrir, en peu de temps, les enjeux qui régiront quasi tout le métrage : un objet de toutes les convoitises, Kylo Renn, une Némésis que rien n’arrête… mais donc les émotions sont bien moins contrôlées que celles d’un certain Darth Vador, FN-2187 un stormtrooper troublé par la violence de ses engagements, Poe Dameron, un pilote au caractère trempé ou encore un droïde digne successeur d’un certain R2-D2.

 

The Scavenger / Les Ferrailleurs

Lors des premières bandes-annonces, les fans s’étaient émus de voir apparaître des paysages désertiques, fort proche de Tatooine… Rapidement, J.J. Abrams confirmait que « Le réveil de la Force » ne se déroulerait dans aucun environnement « connu ». De Tatooine, il ne s’agit donc pas – et encore merci ! La Force est puissante dans cette saga, mais le thermomètre des coïncidences a déjà tendance à surchauffer – mais bien de Jakku dont l’écosystème semble proche de la planète d’origine d’Anakin Skywalker. Sa population, par contre, est encore moins nombreuse. Et l’on découvre rapidement que Rey, personnage principal de l’aventure, vit d’expédients dans un univers fait de récup’, de marchandage et de décision arbitraire. La jeune femme vit en toute « liberté », mais dépend grandement du bon vouloir du potentat local, pour survivre. Contrairement à Luke Skywalker, Rey a appris à se débrouiller seule, dans l’attente du retour de sa famille. Sorte de version « inversée » du jeune fermier de Tatooine, la jeune fille ne rêve pas – trop – de partir, mais bien de rester.

 

I Can Fly Anything / Je peux tout piloter

Dans les entrailles d’un super-destroyer du Premier Ordre, Poe Dameron subit une séance de torture aux petits oignons, doublée d’une solide attaque mentale aux fragrances de Côté Obscur. Dans cette scène, on comprend rapidement que si Kylo Renn est une figure importante du Premier Ordre, il n’en est pas moins porté par un seul et unique objectif : retrouver Luke Skywalker. Si cet objectif entre en résonnance avec celui du Premier Ordre, tant mieux. Sinon, certains éléments du décor risquent d’en faire les frais. Plus largement « Je peux tout piloter », c’est la réponse de Poe Dameron au questionnement de FN-2187, le stormtrooper renégat, décidé à quitter le Premier Ordre par tous les moyens… mais dont la formation ne comprend pas le pilotage comme seconde langue ! La scène d’évasion des deux « rebelles » est alors le moment idéal pour aborder la mise en scène des combats spatiaux par J.J. Abrams. Là encore, le metteur en scène touche le cœur de la cible en mélangeant avec brio la technique digitale et un sens de l’espace et du montage qui rappellent le dynamisme des prises de vue en temps réel. C’est moderne, tout en évitant l’aspect parfois tape-à-l’œil de certains blockbusters actuels. 

 

Rey’s Theme / Le thème de Rey

Je défie toute personne normalement constituée et dotée de sentiments, de ne pas tomber immédiatement sous le charme de Daisy Ridley. Visage inconnu, ou presque, du monde cinématographique, la jeune femme parvient à rendre crédible, en quelques plans, ce personnage fort et fragile à la fois, hantée par l’abandon, mais bien décidée à montrer à celles et ceux qui l’entourent qu’elle ne lâchera jamais prise. Elle est tout aussi crédible aux manettes d’un vaisseau spatial que face à Kylo Renn, étonnante de naturel dans ses interactions avec John Boyega – dont la performance flirte à de rares moments avec la caricature, mais j’y reviendrai…–, totalement à l’aise avec les vieux briscards et dotée d’un talent et d’une profondeur de jeu qui lui permet de véhiculer de nombreuses nuances sans la moindre ligne de dialogue. Bref, s’il fallait extraire du « Réveil de la Force » un acteur, cela serait une actrice ! 

 

The Falcon / Le Faucon

L’entrée en scène du Faucon Millénium, comme celle de Han Solo plus tard dans le métrage, est l’exemple-type de la façon dans J.J. Abrams et son équipe gèrent, dans « Le réveil de la Force », l’équilibre entre le neuf et le vieux, entre les attentes du public des fans et celui des amateurs de bons films, entre les enragés de Star Wars et les simples dilettantes. Le Faucon entre dans le champ, en pleine scène d’action, alors que Rey et FN-2187, rebaptisé Finn par un Poe Dameron inspiré, tentent d’échapper aux sbires du Premier Ordre. Pour les dilettantes, c’est un vaisseau presque comme un autre, un « tas de ferrailles », dont la forme rappelle vaguement quelque chose… Pour les amateurs éclairés, les premières notes reconnaissables de la fanfare de John Williams s’invitent à la fête, pour replacer cet élément essentiel au cœur de la mythologie. Sans avoir le temps de récupérer de cette cavalcade terrestre, les spectateurs retrouvent alors Han Solo et Chewbacca, redevenus des contrebandiers, en conflit perpétuel avec tout ce que la galaxie possède comme mercenaires et autres organisations interlopes.

Han Solo, c’est pour Rey un contrebandier de légende. Et pour Finn, un général qui aurait combattu, dans la Rébellion, auprès d’un certain Luke Skywalker. Ici, le scénario prend la peine de faire une pause pour introduire, en quelques dialogues choisis, l’idée maîtresse qui sous-tend la narration du « Réveil de la Force ». Les Jedis, la Force, Luke Skywalker… Tous ces éléments font partie d’une « légende » pour les habitants de la plupart des systèmes. En effet, du point de vue de celles et ceux qui ont participé au premier plan, aux événements de la trilogie originale, la lutte contre l’Empire, la chute de l’Empereur ou encore la victoire de la bataille d’Endor sont des événements importants, décisifs… Mais qu’en est-il de villageois perdus à des années-lumière des combats ? Comment cette information a-t-elle fini par leur parvenir ? Dans un jeu intéressant, Finn et Rey deviennent le miroir des spectateurs les plus jeunes, conscients que « quelque chose » s’est déroulé trente ans plus tôt, mais noyés dans un mélange de souvenirs, d’interprétations et de mythes.

Han Solo joue lui le rôle important du « vieux sage » dont les connaissances, le passé, les relations avec les autres protagonistes originaux, servent à rappeler aux « petits nouveaux » l’importance des enjeux. Solo devient même, à son corps défendant, l’acteur d’un détour scénaristique quelque peu maladroit, puisqu’il emmène, sans raison apparente, Rey et Finn vers un poste de ravitaillement, à la rencontre d’un personnage « mystique », vieux de mille ans, au fait des mystères de la Force sans être un Jedi.

 

The Abduction/ L’enlèvement

La destruction du poste de ravitaillement est l’occasion d’un nouveau morceau de bravoure cinématographique. Entre enjeux personnels, première rencontre en face-à-face pour Kylo Renn et Rey, affrontement spectaculaire entre X-Wing de nouvelle génération et Tie-Fighter et retrouvailles émouvantes de Han Solo et la générale Organa, chef de la Résistance au Premier Ordre. La fin de cette bataille homérique, lors de laquelle Finn comprend qu’il ne suffit pas de brandir une arme pour en acquérir la maîtrise, voit aussi Kylo Renn redéfinir une fois encore sa stratégie. Décidé à atteindre son objectif, autant que de servir le Premier Ordre, il fait le choix d’enlever Rey plutôt que de poursuivre la Résistance. Une décision que le Général Hux, responsable militaire du Premier Ordre, ne manquera pas de relever lors d’un entretien avec l’ombre sith qui plane sur le « Réveil de la Force », le Suprême Leader Snoke. Interprété avec une pointe de Gollum et un plaisir machiavélique évident par Andy Serkis, ce marionnettiste qui endosse le rôle de l’Empereur reste un personnage quelque peu décevant, bâti en quelques scènes jouées sur un ton sentencieux et quelque peu… caricatural.

J’évoquais déjà l’aspect parfois exagéré des réactions de Finn, aux limites du stéréotype de jeune Afro-américain des banlieues – fort heureusement atténué par un montage qui ne s’attarde jamais et un John Boyega dont la palette s’avère plus large que ce genre d’interprétation en roue libre ; l’attitude de Snoke est à ranger dans la même colonne, celle d’un personnage tout droit sorti d’un manuel de scénariste paresseux, personnage omniscient par principe… mais qui finira sans doute sacrifié, vaincu par son orgueil et son aveuglante soumission aux pouvoirs du Côté Obscur.    

 

Torn Apart / Déchirés

Le dernier acte du « Réveil de la Force » s’articule, comme celui des autres films de la saga – à l’exception de « L’Empire Contre-attaque » et la « Revanche des Sith » –, sur un montage parallèle entre une lutte humaine et un affrontement technologique. La machine de destruction massive mise au point par le Premier Ordre subit l’attaque en règle des X-Wing, pendant que les héros s’affrontent dans un premier temps dans les entrailles technologiques de la base, puis sur la surface neigeuse de la planète. Kylo Renn en profite pour tomber le masque et avouer, dans un premier temps, à quel point il est déchiré entre le côté obscur et la lumière. Un déchirement qui caractérise, on le réalise alors, tous les personnages principaux du « Réveil de la Force ». Rey, tiraillée entre ses envies d’aventures et son besoin de rester sur une planète où elle espère revoir ses parents, Fynn perdu dans les méandres de son conditionnement de stormtrooper, Han Solo incapable d’apaiser ses démons pour rester aux côté de Leia, Leïa elle-même, tentée par un rôle de femme au foyer, mais rattrapée par cette Résistance en recherche d’un chef charismatique… Seul Poe Dameron semble, pour l’instant, échapper à cette dualité, concentré qu’il est sur sa mission et son rôle de pilote d’élite.

Ce déchirement, J.J. Abram va jusqu’à l’exprimer physiquement, lorsque la planète qui abrite l’arme de destruction massive du Premier Ordre se déchire littéralement, séparant pour un temps, deux personnages principaux de cette nouvelle saga.

 

The Jedi Steps and Finale / Les premiers pas d’un Jedi et finale

Une trilogie. Sans aucun doute quant à l’amplitude scénaristique du canevas sur lequel il travaille, J.J. Abrams se permet de conclure son film sous la forme d’un plan majestueux, muet et grandiose à la fois. Un plan et une scène qui résument à eux seuls, le chemin parcouru par un des personnages. Qui évoque à la fois l’isolement de Dagobah et la certitude d’un renouveau. Un plan qui laisse le spectateur en demande, dans un état de frustration certain… Après une aventure narrative, des rebondissements, des rencontres, des scènes d’action, des moments d’émotion, qui rappellent à quel point la saga Star Wars est une magnifique toile sur laquelle notre imaginaire peut, entre chaque film, peindre des tas d’histoires, inventer des tas de futurs possibles, spéculer sans fin… Et si J.J. Abrams a réussi un pari, c’est sans doute celui-là. Rendre aux fans, dont je suis, cette envie de replonger dans cet univers, d’y découvrir de nouvelles histoires et de passer des heures, joyeuses, à en discuter.

Je me souviens avoir quitté la projection de « La menace fantôme », le plaisir en tête… Avec quelques images fortes à l’esprit et l’envie de revoir le film… en DVD. En son temps.

Je suis sorti du « Réveil de la Force » avec juste UNE envie. Celle de revoir le film au plus vite, sur grand écran. Et de partager avec d’autres, la joie bouillonnante de voir s’ouvrir à nouveau toutes grandes les portes d’un univers empli de possibles.

 

May the force be with us. Always !

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