Stalker

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Des Visiteurs sont venus sur Terre. Sortis d’on ne sait où, ils sont repartis sans crier gare. Dans la Zone qu’ils ont occupée pendant des années sans jamais correspondre avec les hommes, ils ont abandonné des objets de toutes sortes. Objets-pièges. Objets-bombes. Objets-miracles. Objets que les stalkers viennent piller au risque de leur vie, comme une bande de fourmis coloniserait sans rien y comprendre les détritus abandonnées par des pique-niqueurs au bord d’un chemin.

Adapté au cinéma en 1979 par Andreï Tarkovski, Stalker ou Pique-nique au bord du chemin (ici publié pour la première fois en France en version intégrale) est le chef-d’œuvre des frères Strougatski. Un roman qui a eu un tel impact sur le XXe siècle que c’est sous le surnom de stalkers qu’on connaît désormais les hommes et les femmes qui ont étouffé le cœur du réacteur en fusion de Tchernobyl, entre le 26 avril et le 16 mai 1986.

Après les westerns et les récits de guerre, le réalisme social est le troisième et dernier genre à me poser de sérieux problèmes sans que je ne sache expliquer raisonnablement et concrètement pourquoi. Mettez-moi de force un Zola dans les main et vous avez réalisé la plus parfaite torture littéraire qu’il existe en ce qui me concerne (c’est mal, je sais)(mais c’est vrai). Pourquoi est-ce que je vous dis tout cela alors que je m’apprête à vous parler d’un roman de science-fiction ? Parce que Stalker est, pour moi, avant son côté SF évident et pourtant discret, d’un réalisme social du type de ceux qu’il m’est pénible de lire. Je m’en suis vite rendue compte en commençant ce livre, et ce « détail » m’a empêchée de rentrer dedans tout du long. C’est donc un avis complètement biaisé par cet élément que je vais vous livrer, autant le savoir. Je ne peux malheureusement en faire abstraction, c’est constitutif de mon « identité » de lectrice.

J’ai vu à gauche à droite des remarques sur l’écriture des frères Strougatski, difficile à apprécier à cause de son aridité. Je comprends le pourquoi de celles-ci, je dois dire que j’ai moi-même eu quelques difficultés avec cela, le prologue étant en plus écrit de la manière caricaturale dont je me représentais les dialogues « à la russe », ce qui n’aide pas non plus. Cependant, après un temps, on s’y fait, et on passe à autre chose. Mais l’autre chose, c’était cette ambiance lourde, difficile, qui a fait naître un malaise sourd mais bien présent chez moi, le même malaise vraiment désagréable que je ressens face à certains récits de réalisme social donc.

Le prétexte science-fictif du livre aurait peut-être pu m’aider à passer outre. Cependant, même si j’aime beaucoup le côté non-dit et mystérieux entourant les passages concernant la « Zone », je n’ai pas réussi à ressentir l’aspect SF comme tel, je n’ai juste perçu qu’une métaphore, intéressante mais évidente, sur ce que représentent ces endroits nocifs, étranges, hors du temps et du monde presque, qui causent la plupart du temps la mort, lente ou rapide, toujours affreuse.

« L’intelligence est la faculté d’utiliser les forces du monde qui nous entoure sans les détruire » (p. 145).

Et, cependant, tout n’a pas été entièrement négatif pour autant dans ma lecture. Il y a quelques passages que j’ai trouvés très intéressants dans ce livre, des embryons de réflexion me parlant réellement, et qui m’ont aidée à aller jusqu’à la fin du roman. Mais pas assez pour contrebalancer les aspects me plaisant moins dans celui-ci donc. J’aurais aimé que Stalker ressemble un peu plus à cet extrait (et à ce qui l’entoure, trop long à retranscrire cependant), qui est certainement celui que j’ai préféré et qui m’aurait fait adorer ce bouquin s’il avait été comme cela tout du long :

« Mais le malheur est que l’homme, en tout cas, l’homme des masses, arrive très facilement à vaincre son besoin de connaissances. A mon avis, ce besoin n’existe pas. Il y a le besoin de comprendre qui ne nécessite pas de connaissances. Par exemple, l’hypothèse de Dieu donne la possibilité inégalable de comprendre absolument tout sans rien apprendre. Donnez à l’être humain un schéma du monde extrêmement simpliste et interprétez chaque événement sur la base de ce modèle simplifié. Cette approche n’exige aucune connaissance. Quelques formules apprises par cœur, plus ce qu’on appelle l’intuition, l’entregent et le bon sens » (pp. 145-146).

Cerise sur le gâteau, et principal aléas des lectures « (pré)programmées », ce n’est pas du tout ce que j’avais besoin de lire en ce moment, étant particulièrement sensible aux questions de misère sociale ces temps-ci (dans le sens que je n’ai pas besoin qu’un livre me plonge encore plus dans celles-ci). En même temps, il n’y a pas vraiment de bons moments pour ce genre de romans en ce qui me concerne de toute façon, pour être tout à fait sincère. Pas de chance donc, j’ai peut-être ainsi loupé ma rencontre avec les frères Strougatski. Ça arrive.

Au final, Stalker est un livre intéressant, rempli de diverses choses à même d’interpeller les lecteurs appréciant les ambiances tenant du réalisme social plus que de la SF. Mais il n’est pas du tout pour moi. Tant pis.

Stalker ’Arkadi et Boris Strougatski, traduction de Svetlana Delmotte, illustration de Latsh, Denoël, coll. Lunes d’Encre, 240 pages

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