Il est difficile d'être un dieu

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Les stars incontestables de la science-fiction soviétique que sont les frères Strougatski (de leurs prénoms Arkadi, mort en 1991, et Boris) sont avant tout connus dans nos contrées comme auteurs de « Pique-nique au bord du chemin » (1972), le roman sur lequel Andrei Tarkovsky s’est appuyé pour tourner le célèbre « Stalker » (1979) . Le présent ouvrage, dont il est question dans cette critique, a lui aussi été transposé au grand écran en 1991 : Peter Fleischmann, sur un scénario de Jean-Claude Carrière et des costumes de Jean-Claude Mézières (oui, le créateur de Valérian !), avec Werner Herzog dans un petit rôle, a filmé ce livre qui emprunte tout à la fois à la science-fiction et au récit médiéval, dans le cadre d’une production franco-germano-soviétique. Une nouvelle version cinématographique, intitulée « History of the Arkanar Massacre », devrait d’ailleurs bientôt voir le jour en Russie, avec cette fois-ci Aleksei German aux manettes. Signalons enfin, pour clore ce panorama introductif de l’univers du livre, qu’un jeu vidéo qui s’en inspire a également été conçu il y a quelques années de cela.

« Il est difficile d’être un dieu » se déroule dans la société communiste idéale future élaborée par le duo Strougatski au fil de leur oeuvre, un univers humaniste à la « Star Trek ». Suite au triomphe du communisme, les habitants de la Terre vivent désormais en paix et consacrent une bonne part de leur temps à guider à distance le développement d’autres civilisations dans la bonne direction. Pour ce faire, des agents sont envoyés incognito sur les divers mondes « en voie de développement » afin d’informer les membres de l’Institut d’histoire expérimentale demeurés sur la planète-mère de l’évolution des choses.

C’est le cas d’Anton qui, sous les traits de Don Roumata, membre de la noblesse locale, fait face aux multiples périples qui menacent les habitants du royaume d’Arkanar, sur une planète dont nous ne connaîtrons pas le nom. La société qu’il est chargé d’observer se situe encore à un stade de développement rappelant notre Moyen Age terrien. Les intellectuels en tous genres sont violemment persécutés en ce lieu, du fait d’un certain Don Reba, le ministre de la Sécurité particulièrement zélé dudit royaume. Face aux assauts obscurantistes de Don Reba et de ses sbires, Roumata/Anton fait ce qu’il peut pour « exfiltrer » le maximum de savants possibles, sans se faire démasquer. Mais il va bientôt découvrir que Don Reba n’est lui-même qu’une pièce sur un vaste échiquier, manipulé de main de maître par un ordre religieux désireux d’imposer son autorité sur le plus grand nombre d’individus…

« Il est difficile d’être un dieu » vaut moins pour la qualité de ses rebondissements que pour la peinture des états d’âme de Roumata/Anton, confronté à une brutalité extrême à laquelle il ne peut s’opposer, car toute ingérence de sa part dans les affaires d’Arkanar risquerait de modifier gravement les équilibres historiques de la planète. Il lui est dès lors difficile d’accepter son statut d’être quasi divin, d’avoir à sa disposition une technologie venue d’outre-espace, et de se retrouver placé au milieu d’êtres humains en proie à de terribles souffrances qu’il n’a pas le droit de soulager.

Arkadi et Boris Strougatski, Il est difficile d’être un dieu, traduit du russe par Bernadette du Crest, 219 p., Editions Denoël

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