Joyeuses apocalypses

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Lire Jacques Spitz, c’est un peu comme lire du H.G. Wells, du Olaf Stapledon ou du Richard Matheson. On se retrouve transposé à une époque où la science pouvait faire basculer le sort de l’humanité en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire. La collection Trésors de la science-fiction dirigée par Laurent Genefort, nous propose ici un Omnibus qui comprend trois romans courts, dont un inédit, et six nouvelles de science-fiction.

- La guerre des mouches peut ressembler à un de ces films dans lesquels on suit une invasion d’insectes (de sauterelles, de guêpes, de vers, de fourmis, etc.) contre laquelle les humains doivent se battre. Dans le livre, cette invasion commence en Asie, continue vers le Proche-Orient, passe par l’Afrique avant de s’attaquer à l’Europe et au reste du monde. Invasion provoquée par des mouches qui déposent des ordures sur lesquels pullulent des virus mortels pour l’homme. La science n’arrive pas à éradiquer ce fléau et les militaires utilisent des armes qui ne sont pas adaptées à la chasse aux mouches. Pendant toute la lecture du roman, on espère que l’humanité va vaincre ce danger. Pas du tout. Jacques Spitz nous dévoile une fin qui signe la mort de l’humanité. Un livre intéressant, qui reste agréable à lire. A comparer à la « Guerre des mondes » de H.G. Wells.

- L’homme élastique est à mon sens le meilleur livre de cet omnibus. Un savant misanthrope trouve le moyen de réduire ou d’agrandir les objets. Un jour il décide d’utiliser son invention sur des animaux. On suit ses péripéties alors qu’il arrive à tuer des lapins ou à créer un coq de deux mètres de haut. Mais ces animaux meurent parce que la différence de taille nécessite de respirer un air adapté et de manger une nourriture également adaptée à la taille. Le savant est en passe de résoudre le problème lorsqu’un nain se propose comme cobaye avec l’espoir d’avoir un jour une taille normale. Le roman s’accélère lorsqu’il aborde la Seconde Guerre mondiale (une seconde guerre qui n’est pas celle que nous avons connue). L’invention du savant est utilisée à grande échelle. Des régiments entiers de soldats de cinq centimètres de haut voient le jour et s’infiltrent derrière les lignes ennemies pour faire un carnage. Des hommes ballon de cent mètres de long suivent les mouvements de troupes depuis le ciel, etc. Jacques Spitz a une imagination débridée qui fait que ce roman est vraiment plaisant à lire. La première partie se termine par la fin de la guerre. La deuxième partie se passe une vingtaine d’années plus tard et est racontée par la fille du savant. Elle nous montre les implications de cette invention sur le reste de l’humanité. Certaines situations peuvent paraître cocasses tandis que d’autres sont dramatiques. Mais la conclusion de cette histoire c’est que l’homme qui ne veut pas modifier sa taille deviendra tôt ou tard une race à part qu’il faudra mettre dans un zoo.

- La guerre mondiale numéro 3 nous présente l’URSS et les USA en temps qu’envahisseurs. On assiste à une course-poursuite qui mène à un face à face à l’échelle de la planète. Roman raconté comme un livre d’Olaf Stapledon, sans véritable personnage. Idée intéressante, surtout pour les hommes congelés. Un roman qui se détache des deux autres.

Les six nouvelles restent sur le même thème, celui de l’apocalypse.

- Après l’ère atomique – Et si la vitesse de la lumière se mettait à ralentir, que se passerait-il ? Sujet original.

- Le Nez de Cléopâtre – Nous parle d’une invention qui transforme l’eau en boue. Oui, très bien. Mais que se passerait-il si ce phénomène s’appliquait à la Terre entière ?

- L’interview d’une soucoupe volante – Nouvelle assez loufoque qui nous montre que les extraterrestres exportent un autre type de caviar vers leur planète.

- L’énigme du V51 – La fusée V51 s’est posée sur la Lune, et les astronautes ont découvert des humains qui y vivent depuis des milliers d’années. Ce qui ne leur donne plus envie de revenir sur Terre.

- Les vacances du martien – La nouvelle la plus faible de cette Omnibus, dans laquelle des Martiens viennent faire du tourisme sur une Terre vieille et décrépie.

- Le secret des microbes – Nous raconte comment une personne a des conversations avec un de ses microbes. Ce n’est pas la meilleure nouvelle de l’Omnibus.

Il y a une cerise sur le gâteau avec De la guerre des mondes à la guerre des mouches l’excellente postface de Joseph Alterac qui nous fait un parallèle entre Jack Spitz et H. G. Wells. J’ai personnellement commencé par lire cette postface avant de lire les romans et nouvelles. Je suggère aux lecteurs de commencer par lire cette postface vraiment intéressante.

Dans l’ensemble un Omnibus plaisant, facile à lire, nous montrant une science-fiction d’une autre époque, mais une science-fiction où l’imagination est reine. Jacques Spitz est un auteur à découvrir ou à redécouvrir. Cette édition reprend les textes d’origine (qui datent de 1938 pour certains). Il faut les lire en se remémorant le contexte de l’époque. Un livre à conseiller aux lecteurs qui veulent passer un bon moment de science-fiction divertissante.

Joyeuses apocalypses, Jacques Spitz, Bragelonne, 430 pages, 2009

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