République des enragés (La)

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Un amusant roman qui ravive chez ceux qui ont des souvenirs de la « révolution manquée de 68 », et qui l'évoquera aux autres, mais pour plusieurs raisons ce n'est pas une uchronie. Avant tout parce que l'histoire, qui se passe aux prémices des « événements de Mai » et s'achève le 10 mai, donc avant les grandes manifestations, ne prétend pas suivre et développer une histoire divergente. Il y a des références dans le décor, un certain nombre de citations qui d'ailleurs correspondent à des déclarations postérieures à la période du roman, plusieurs récits entrecroisés sur les héros, leur non-participation aux événements et des épilogues sur leurs destins ultérieurs, mais il n'y a pas vraiment de recherche sur l'histoire alternative qu'auraient créée les différentes divergences proposées à partir de quelques personnages nouveaux : les enfants mutants autour desquels tournent les différentes histoires, le groupe FAR inspiré des différents groupes activistes apparus au cours des années 70 (Fraction Armée Rouge de Baader, Action directe, …), le bordel qui rappelle les « filles de Madame Claude », là encore une histoire ultérieure dans notre fil, les fascistes d'Occident et d'Ordre Nouveau...

Cela donne un roman assez curieux qui mêle ces différents thèmes, le fil principal étant donc la réapparition simultanée d'un certain nombre d'enfants mutants, autrefois échappés d'un « Institut Heintelle » et qui, de différentes façons, entendent rejeter une société dans laquelle ils n'ont pas de place. Il y a Antoine qui va lancer le premier pavé sur les CRS, puis participer à une tentative d'enlèvement de député initiée par un groupe révolutionnaire auquel appartient Adèle, autre membre du groupe des mutants évadés, puis la faire déraper. Il y a Arthur, qui désire monter un numéro de music-hall pour utiliser ses dons de façon discrète (comment mieux les cacher qu'en faire un spectacle que tout le monde croira truqué ?) et qui va chercher à retrouver les autres membres du groupe. Brigitte, étudiante en révolte, qui devra fuir et rejoindre Arthur. Élise, violée puis épousée par un notaire, dont le fils joue à tuer des animaux, ce qui inquiète le dit notaire. Et les deux sœurs devenue instruments de torture de la police. Toutes leurs aventures vont se mélanger dans l’ambiance des premières manifestations d'avant mai 68, du 3 au 10. Avec aussi les combines d'un secrétaire d'État ambitieux, qui semble mélanger des traits de plusieurs personnages dont un réel sous-ministre issu d'Occident, celles d'un futur président protégé de Pompidou et celles d'un autre futur président particulièrement violent, mais qui n'était pas encore en place dans les gouvernements de l'époque.

Avec toutes ces références et encore une ou deux autres que je ne déflore pas, issues d'épisodes réels du Mai 68 de notre histoire, Xavier Bruce a réalisé un roman bien monté, une série d'épisodes curieux et amusants et qui se combinent d'une façon cohérente et intéressante. Un volume distrayant et agréable. Peut-être certains regretteront-ils de ne pas y trouver la véritable uchronie sur un Mai 68 qui aurait réussi sa révolution que semblait promettre le titre ; d'autres, comme moi, se contenteront d'apprécier les évocations et le caractère picaresque de l'histoire.

 

La république des enragés par Xavier Bruce, Actu SF, Les Trois Souhaits, 2015, 305 p., couverture Éric Hoffmann, 18€, ISBN 978-2-91788

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