Rivière blanche éditeur


Vous êtes deux à la tête de Rivière Blanche, pouvez-vous vous présenter et nous dire quelles sont vos fonctions au sein de cette sympathique maison d’édition ?

JM : Philippe choisit les livres à publier, gère le contact avec les auteurs, tient à jour la comptabilité des ventes et s’occupe des expéditions individuelles (les grosses commandes étant livrées directement par l’imprimeur d’Angleterre). Je m’occupe des couvertures, de la direction artistique, de la fabrication, du site internet et des relevés et paiements des droits d’auteur.

PW : Comme l’a écrit Jean-Marc, je m’occupe de tout ce que l’on peut appeler la politique éditoriale, je choisis les ouvrages que nous allons publier, je fais la relation avec les auteurs, je m’occupe aussi de l’aspect administratif, envoie des livres, tenue des droits d’auteurs, je suis aussi un peu attaché de presse en envoyant les SP et gardant le contact avec les divers médias. En tant que "directeur de collection", Jean-Marc me donne une entière liberté dans le choix des livres.

Comment avez-vous fait pour vous lancer dans l’aventure ? Qu’est-ce qui vous y a poussé ?

JM : J’avais un vieux roman (Les survivants de l’humanité) écrit en 1973-74, qui devait être publié chez Nesti-Jeunesse, mais la fermeture de cette dernière et l’absence de vrais débouchés m’ont donné l’idée de me servir des "outils" de notre micro-édition américaine pour publier ça en français. A l’époque (mi-2004) on allait publier une traduction anglaise de ARTAHE et Philippe avait lui aussi un roman inédit dans ses tiroirs. Et il savait que François Darnaudet en avait un aussi. On s’est dit qu’on allait s’amuser à imiter la collection ANTICIPATION du Fleuve Noir d’antan et c’est comme ça que tout a démarré.

PW : J’ai toujours eu envie de passer de l’autre côté du miroir et voir ce qu’il y avait du côté de l’éditeur. JM m’a proposé un business plan (j’adore ce mot) idéal d’un point de vue financier avec l’impression à la demande et une liberté totale dans le choix des livres. Ce qui nous anime ce sont le plaisir et la passion, vu que nous ne gagnons pas un cent dans cette aventure, c’est du vrai bénévolat pour le plaisir. Et pour l’instant c’est 5 années de plaisir, même si parfois c’est dur de gérer une collection qui va arriver à une centaine de volumes.

Quel état d’esprit face à la prise de risque ?

JM : Il n’y a pratiquement aucun risque vu que c’est des tirages à la demande, en fonction des ventes. On commence avec 25 ou 30, et on voit venir. Il faut un minimum de cash flow, quelques milliers d’euros, pour faire tourner la boutique, mais c’est tout. On réinvestit au fur et à mesure dans les nouvelles parutions.

PW : C’est cela le fameux business plan idéal qui me permet de dormir la nuit sans rêver du banquier... La liberté de publier ce que l’on aime sans réfléchir trop aux chiffres de vente et aux divers ratios. Bien entendu nous souhaitons toujours vendre le plus possible, mais dans l’état actuel du marché du livre, je me contente de notre mode de fonctionnement. Nous ne sommes pas dans toutes les librairies, nous sommes minuscules, nous ne faisons pas partie des grosses pointures de l’édition. Mais nous sommes encore là après 5 ans. Et nous pensons continuer.

Avez-vous tenu vos engagements, vos idéaux du départ ? Quels étaient-ils ?

JM : Pour ma part, mon plus grand plaisir a été de redonner une seconde jeunesse littéraire à de grands auteurs qui ont bercé mon adolescence comme André Caroff, Max-André Rayjean, Richard Bessiere, PJ Herault, Louis Thirion, Jacques Hoven, Daniel Piret, etc. Accessoirement, de publier des choses qui ne seraient jamais publiées nulle part ailleurs. Nous ne considérons JAMAIS l’aspect financier quand on choisit de publier un projet.

PW : Oui comme le signale Jean-Marc, nous avons redonné une seconde vie à des auteurs et aussi mon but était de donner une chance à de jeunes auteurs et là j’avoue que je peux dire que j’y suis arrivé, Thomas Geha, Laurent Whale, Bruno B. Bordier, Simon Sanahujas, John Lang, Sellig, Alain Blondelon, Eric Boissau, Gil Prou & Oskana (et je dois en oublier) ont publié leur premier roman ou recueil de nouvelles chez nous. Et ce n’est pas fini, je vais continuer avec des recueils de nouvelles de Lucie Chenu et Lionel Davoust, je vais publier le premier roman de David S. Khara. Et ce n’est pas fini, d’autres jeunes auteurs vont avoir leur chance.

Je suis aussi fier d’avoir lancé une collection comme « Dimension », grâce à Sylvie Miller avec Espagne et Latino, puis Patrice Lajoye avec Urss et bientôt Russie. D’autres anthologistes vont venir compléter cette série. Sans parler des compagnons de l’ombre et de quelques Hors série.

Est-ce que la fonction d’éditeur vous enthousiasme autant ?

JM : Absolument. Avec 2, 3 livres par mois, plus les albums BD de la collection HEXAGON COMICS, on arrive à 100 titres, et un catalogue qui est plus que respectable, dans une optique volontairement "nostalgique" où, en pratique, nous sommes les seuls sur le terrain.

PW : Toujours autant, s’il n’y avait pas ce plaisir et cette passion nous aurions abandonné il y a longtemps et puis nous avons eu la chance que d’abord des auteurs nous fassent confiance et ensuite que des lecteurs achètent les livres. Car sans les lecteurs et sans les auteurs, nous n’existerions pas. C’est à eux que l’on doit les 5 ans de la Rivière Blanche.

Pourquoi avoir choisi le Fleuve Noir comme « modèle » ?

JM : Pour moi c’était LA collection de ma jeunesse.

PW : Pareil, les premiers livres que j’ai lus sont des Anticipation, j’ai grandi avec cette collection jusqu’au N° 2001, c’est une collection qui a donné sa chance à de très nombreux auteurs. C’est pour moi LA collection mythique. Celle qui avait un look reconnaissable partout.

Pourquoi avoir choisi la couverture de la collection « Anticipation » et non « Lendemains retrouvés » ? Et pourquoi l’ « Anticipation » de cette période ?

JM : De fait, on a imité la maquette classique Brantonne, la maquette "bleue" première période de Sainte-Croix, la maquette blanche deuxième période de Sainte-Croix et la maquette Angoisse de Gourdon. Les autres n’ont pas vraiment d’intérêt.

PW : C’est la plus reconnaissable à mon avis. Et celle qui passe le mieux aujourd’hui. Le côté blanc et l’illustration et puis elle est reconnaissable même par les jeunes générations.

Le fait de mélanger la SF et le fantastique alors que d’autres éditeurs ont des collections bien distinctes ne pose pas de problème ?

JM : Il a toujours les exceptions, bien sûr, mais grosso modo, la SF va dans la Blanche, et le Fantastique dans la Noire. Mais je conviens que c’est parfois discutable. Ca l’était d’ailleurs au Fleuve aussi.

PW : C’est le problème des étiquettes, par exemple j’ai publié « Le rêve du mammouth » qui n’est ni SF ni fantastique, « Les cavaliers du Taurus » de Nicolas Cluzeau qui est de la fantasy historique, « Le retour du taxidermiste » de F. Darnaudet qui est plus polar/gore. Parfois j’ai des coups de coeur et même si cela ne rentre pas vraiment dans la collection, je publie quand même.

Et puis nous avons 4 collections pour l’instant

- La blanche : qui est axée Imaginaire, mais surtout SF avec comme je l’ai indiqué quelques mauvais genre différents.

- La noire : Fantastique et aventure (Bergal, Atomos, Ouknine, Ward Orloff, pour le fantastique, les compagnons pour l’aventure).

- La bleue : domaine étranger et aussi certaines anthologies soit thématiques (Dick - Guieu - Mars) soit consacées à des auteurs (Dorémieux - Hubert).

- H.S : comme son nom l’indique pour des livres qui sont un peu des ovnis dans le milieu : « Anticipation » d’Alain Douilly, « Plumes de chats » ou un très grand ancien Dr Oméga.


Quels sont les critères nécessaires pour être publié chez Rivière Blanche ? Qu’est-ce Rivière Blanche attend de nouveaux auteurs ?

JM : Je ne mêle pas de ça ; je laisserai Philippe répondre.

PW : Mon choix est totalement subjectif. Je dirais qu’il faut que j’aime. Il faut savoir que tous les ans, je reçois plus de 300 propositions de romans de "jeunes" auteurs, et que je ne peux en publier qu’un.... Je dois écrire plus de 300 lettres de refus et un seul auteur sort le champagne. Sur les 300, je ne garde qu’une vingtaine de romans que je lis entièrement et si nous étions riches, j’en publierai 15. Alors qu’aujourd’hui je n’en publie qu’un. Disons que je recherche en ce moment surtout du space-opéra, de l’aventure spatiale, des livres qui font rêver, je n’accroche pas aux ouvrages d’anticipation sur la Terre dans 50 ans. Je veux de l’aventure.

Pour le fantastique, pareil, je publie ce que j’aime, le livre coup de coeur.

Après le cycle "Madame Atomos", peut-on s’attendre à d’autres rééditions du même genre ?

JM : Au moins les 6 ANGOISES de Kurt Steiner jamais réédités depuis. Sinon rien d’autre a priori à l’horizon.

PW : Pour 2009 il y a les 3° angoisse de Kurt Steiner, pour 2010 les 3 suivants. Nous avons eu l’idée de publier les Leonox, mais plus aucun contact avec les ayant droits. Donc en 2010 il n’y a pas de rééditions de prévues dans la collection noire.

Y aura t-il un jour d’autres "Dimension" ?

JM : Bien sûr ! Je vais laisser Philippe exposer son programme.

PW : Bien sûr, en projet pour avril 2010 « Dimension Russie », un « Dimension Helvétie », un « Dimension Arabie » sont en projet bien avancé. Sylvie Miller a un projet de « Dimension Portugal/Brésil ». Pourquoi pas un « Dimension Belgique », un « Dimension Croatie » aussi et un projet fou un « Dimension Langue D’Oc ». Et si des anthologistes nous proposent d’autres « Dimension » suivant le même format pourquoi pas.

La bible est simple.

Une illustration d’un dessinateur du pays ou de la région.

Une préface présentant l’anthologie.

Les nouvelles soit historiques, soit récentes, d’auteurs du pays avec une présentation de l’auteur.

Une postface présentant l’histoire de la SF du pays ou de la région.

Avec le film « Avatar » qui nous arrive et qui fait penser à des œuvres telles que « Les marteaux de Vulcain » « Odyssée sous contrôle », etc., projetez-vous de rééditer les space operas qui ont fait la notoriété de Fleuve Noir ? Richard Beissière, Peter Randa, Stefan Wul, Jimmy Guieu pour ne citer qu’eux.

JM : Nos ressources, temps, argent sont limitées. Donc sur le principe je préfère donner priorité aux nouveautés plutôt qu’à rééditer des romans qu’on peut trouver pas cher sur ebay. Pour tout vous dire, on a même fortement poussé PJ Herault chez Bragelonne pour la réédition des CAL DE TER, et Richard Bessiere chez Eons pour celles des CONQUERANTS DE L’UNIVERS. On ne peut pas tout faire !

PW : A l’heure actuelle, j’ai trop de romans inédits pour pouvoir tous les publier, je préfère donner une chance à un roman inédit qu’à une réédition qui, comme le dit très justement Jean-Marc, on peut trouver sur internet pour 1 euro. Des auteurs me demandent de rééditer des romans, mais ma réponse ne varie pas, je préfère des inédits. Et je préfère justement des space opéras inédits.

Rivière Blanche touche aussi à la bande dessinée. Verra t-on un jour des rééditions de BD dessinées par Roul Giordan (qui a souvent adapté des Fleuve Noirs en BD) ?

JM : J’adore le travail des frères Giordan sur METEOR - j’ai d’ailleurs acheté les rééditions de Soleil - mais pas sur les adaptations des romans du Fleuve que je trouve "lourdes".

PW : La BD c’est le domaine de Jean-Marc, moi je me contente de lire.

Peut-on en savoir plus sur la BD "Phénix" qui est prévue prochainement ?

JM : C’est une espèce de Batman féminin en cuir noir qui fait régner l’ordre à Chicago. C’est une BD créée en 1978 par Luciano Bernasconi, le principal dessinateur des Editions Lug, malheureusement vers la fin de la période Marcel Navarro (co-fondateur de Lug) avant que ce dernier ne parte en retraite. C’est une série très intéressante que j’ai reprise en tant que scénariste en 2001, et dont nous allons publier l’intégrale.

Quels sont les titres/auteurs dont vous êtes le plus fier dans votre catalogue ?

JM : On est toujours fier de tout ce qu’on fait, sinon on ne le ferait pas, mais je suis, à titre personnel, content d’avoir sorti le dernier Sheckley, encore inédit aux US.

PW : Je dirais tous, pour ne pas faire de jaloux. Mais c’est vrai que publier un Sheckley inédit au monde... Je suis fier de la collection « Dimension », mais après tous les ouvrages RB ont leur histoire propre.

Publier Bessière PJ Hérault... Thomas Geha, Simon Sanahujas... et autres Ligny, Darnaudet, Tanner,... C’est que du plaisir... Je n’ai eu que de bons moments avec tous les auteurs.

Quel serait pour vous un rêve d’éditeur ?

JM : Retrouver un inédit de B. R. Bruss.

PW : Alors là, j’ai beau chercher, je ne sais pas... Je ne vois pas du tout. Je dirais être encore là dans 5 ans.

Qu’envisagez-vous pour les années futures, par rapport au support numérique ?

JM : On peut maintenant faire de la couleur et du travail BD de bonne qualité (reliure, papier, etc.). Notre catalogue est imprimable à la demande grâce à de grosses machines qui vous débitent un livre comme un distributeur de chewing-gum dans une vingtaine de points de vente spécialisés aux US. J’imagine que ça viendra en France...

PW : Je regarde ce qui se fait dans le livre numérique, je pense qu’un jour ou l’autre il y aura des RB en numérique, mais je dirais que ce n’est pas pour moi, je suis un vieux de la vieille et je suis livre papier. Mais il faut vivre avec son temps. Et si nous sommes encore là, comme je viens de l’écrire, il y aura des RB en numérique. Pour l’instant ce n’est pas ma priorité.

Quels sont vos projets ? Comment voyez-vous votre futur ?

JM : Pas de raison que ça change... Je vais laisser Philippe décrire les projets 2010.

PW : Continuer en 2010 avec des recueils de nouvelles : Lucie Chenu et Lionel Davoust, des romans des grands anciens, des inédits de Jimmy Guieu, Jacques Hoven, Piet Legay, PJ Hérault, Daniel Walther. Un roman de Thomas Geha, David S Khara comme "jeune auteur’, des Dimension Russie - Suisse - Arabie, un recueil noir de Richard D. Nolane, un autre sur les vampires de Charlotte Bousquet, et un de Dominique Rocher sans doute « Panthéra 2 » (Orloff l’écrit je ne sais où), « Dimension Dorémieux » et « Dimension Hubert » pour rendre hommage à ces deux grands auteurs disparus. Une traduction unique en France d’un roman de SF écrit en basque, ce sera sans doute une première. Le premier tome d’un nouvel héros : Xavi el valent de la fantasy catalane avec 3 novellas de François Darnaudet, Gildas Girodeau et Philippe Ward en espérant que d’autres auteurs s’emparent plus tard de ce personnage. Et pour finir une anthologie d’Eric Boissau : DE CAPES ET D’ESPRITS mais il est encore trop tôt pour parler du sommaire.

Et puis comme on s’adapte vite, il y aura peut-être des coups de coeurs que nous intercalerons alors qu’ils ne sont pas prévus. C’est aussi cela la Rivière Blanche.

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