Outsider (L')

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Parfois, le mal prend le visage du bien.

Le corps martyrisé d’un garçon de onze ans est retrouvé dans le parc de Flint City. Témoins et empreintes digitales désignent aussitôt le coupable : Terry Maitland, l’un des habitants les plus respectés de la ville, entraîneur de l’équipe locale de baseball, professeur d’anglais, marié et père de deux fillettes. Et les résultats des analyses ADN ne laissent aucune place au doute.

Pourtant, malgré l’évidence, Terry Maitland affirme qu’il est innocent.

Et si c’était vrai ?

 

Dans Anatomie de l'horreur (ou est-ce dans Ecriture ? Moi je vous le dis, je perds la boule les amis), Stephen King explique toute la difficulté d'écrire un récit de terreur. La peur augmente, augmente, lors d'une longue montée en pression puis atteint un palier qui précède la découverte de l'objet attendu de toute cette angoisse et, immanquablement, lorsque le lecteur se retrouve face à ce qui se cachait derrière la porte de l'horreur, il est toujours un peu déçu. Quoi ? C'est juste ça ? Ce n'est finalement pas si terrible !

 

Dans les romans de Stephen King ce n'est finalement pas le récit horrifique qui effraie, c'est tout ce que l'auteur dénonce sur la société américaine, sur l'humanité, sur les travers de chacun...

J'ai vu récemment un reportage sur des femmes incarcérées dans le couloir de la mort et en attente de leur exécution depuis des années. L'important n'était pas de savoir si oui ou non elles étaient coupables, l'important est de se dire que ces personnes guettent le coup de fil qui va annoncer leur mise à mort dans la journée, enfermées dans 4 m², 23 heures par jour, sans avoir l'autorisation de posséder des photos accrochées sur leurs murs, sans détenir aucun objet personnel, sans contact aucun avec les autres détenus. Et ce, durant des années, presque 15 pour les femmes qui étaient présentes dans ce reportage. Un matin, ce coup de fil retentira et le dernier acte de la machine judiciaire se mettra en route. Nombre de ces personnes sont innocentes et clameront leur innocence jusqu'au dernier moment.

Terry Maitland est de ceux-là. Il ne cesse de crier son innocence depuis le jour où la police est venu l'interpeller en plein match de baseball avec des enfants de Flint City. Là, devant tous les habitants de sa petite ville, devant les parents de tous les jeunes qu'il entraîne depuis des années, devant sa femme et ses 2 filles, il est appréhendé sans ménagement.

Stephen King a choisi comme théâtre de cette terrifiante histoire l'état de l'Oklahoma. Un état terriblement conservateur qui pratique la peine de mort. Avec le Texas c'est très certainement l'état le plus rigoriste (il appartient à ce que l'on nomme la Bible belt = la ceinture de la Bible) et là-bas on ne rigole pas avec l'injection létale, à l'heure actuelle 47 détenus attendent leur fin dans le couloir de la mort.

 

Le plus effrayant dans L'outsider n'est pas le monstre qui sévit et tue des enfants de manière absolument insoutenable, le plus effrayant est que lorsque vous êtes pris dans les mâchoires de fer d'une justice aveugle et sourde, tout autour de vous est dévasté. Votre vie bien sûr mais aussi celle de vos proches. Jamais vous ne serez totalement lavé des soupçons qui ont pesé sur vous et jamais vous et votre famille ne vous en relèverez. Terry Maitland est déclaré coupable dès les premières minutes de son incarcération et rien, même les preuves contraires qu'il apporte, ne pourront changer le cours des choses. Le roman pose la question d'une justice qui, fière de reposer sur la science,  en oublie que même cette dernière peut se tromper, que les analyses peuvent être corrompues et que des éléments peuvent être cachés quand ils ne vont pas dans le sens d'un procureur en mal de réélection.

Alors bien sûr, Stephen King a choisi pour mon plus grand plaisir le fantastique pour expliquer les faits dans son récit (cela rappellera à certains le fabuleux La ligne verte qui déjà abordait les thèmes dénoncés ici), mais à travers cette histoire c'est bien de l'erreur judiciaire et de la peine de mort que l'auteur fait la critique. 

 

Alors Stephen King disait dans Anatomie de l'horreur ou dans Ecriture (je perds toujours la boule  aucune amélioration en vue depuis le début de cette chronique) qu'écrire un récit de terreur est une sacrée gageure. Eh bien ce satané Outsider m'a collé de sacrées sueurs froides. Nous sommes tous des Terry Maitland en puissance et même si oui, lorsque j'ai ouvert la porte de la terreur je me suis dit "Quoi ? C'est juste ça ?" tout le long du roman mon sang s'est glacé et pour ça je veux dire un grand merci à Stephen King pour ces précieux instants.

 

P.S : Merci aussi tous pour les clins d'oeil du livre à d'autres romans de l'auteur mais aussi à de nombreux films dont je taierai les titres afin de ne rien spoiler, et merci pour la très belle traduction de Jean Esch.

 L'outsider par Stephen King aux éditions Albin Michel , ISBN 978-2-226-43589-7, prix 24,90 €

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