Monde de la fin (Le)

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Le monde de la fin d’Ofir Touché Gafla est le dernier titre paru dans la collection Exofictions d’Actes Sud. Il a reçu le prix Geffen du meilleur roman dans la catégorie Fantasy/Science-fiction et le prix Kugel de littérature hébraïque en 2006.

Attirée par la quatrième de couverture qui le décrit comme un roman relevant tout à la fois de la Fantasy, du polar métaphysique et du mélodrame, je me suis plongée dans ma lecture avec curiosité. Le style, vif et brillant, nous entraîne d’emblée dans un chassé-croisé de personnages hauts en couleur qui culmine sur un coup de théâtre aux allures de dénouement. Mais ce qui pourrait signer la fin d’un traditionnel récit tragique n’est ici que le début, car comme le titre ce chapitre d’ouverture, « Au commencement était la fin ». Cette question revient comme un leitmotiv tout au long de l’histoire, dans un jeu de miroir incessant entre la réalité, ses représentations et la fiction narrative.

Le personnage principal, Ben, est donc un « noteur », un épiloguiste de génie qui se suicide dans l’espoir de retrouver l’amour de sa vie. Il se retrouve dans un « monde de la fin » régi par des us et coutumes étranges, une sorte d’utopie à la fois farfelue et onirique où les morts se voient attribuer une seconde chance. L’occasion, pourquoi pas, de réécrire la grande scène de sa vie.

Dans la première moitié du roman, les chapitres alternent les personnages sans que le fil conducteur soit très apparent. L’auteur, en bon démiurge, joue au chat et à la souris pour nous présenter plusieurs facettes de l’énigme en passant d’un monde à l’autre sans que l’on comprenne très bien de quoi il retourne vraiment. Le pari est risqué, mais sa virtuosité fait qu’il réussit à capter notre intérêt pour chacune de ces tranches de vie, plus drôles et émouvantes les unes que les autres. On fait ainsi la connaissance d’Anne, l’infirmière euthanasiste qui se découvre, à quelques patients de la retraite, une sensualité obsédante. On retrouve le couple d’amis quarantenaires amateurs de parties de jambes en l’air dans les lieux d’aisance. Il y a aussi Mad Hop, le détective nain qui ne peut réfréner son fou rire lorsqu’on lui raconte des bobards ; l’oncle homosexuel victime d’une seule et unique nuit avec une pute finlandaise vengeresse ; les alias, enfants mort-nés qui régissent en coulisses ce monde de l’autre côté du trépas ; les prétendants à la prochaine représentation théâtrale de Shakespeare qui se rendent en transport express jusqu’en 1616 ; on suit aussi avec émotion ces deux fans de Salman Rushdie qui s’éprennent l’un de l’autre via des échanges sur internet… Sans parler des péripéties de cette photographie, qui nous raconte avec humour comment elle a échoué entre les mains d’une mystérieuse inconnue dont on ne découvrira l’identité, bien entendu, qu’à la fin.

Ce roman relève-t-il bien de la « Fantasy » ou de la « Science-fiction » comme le laisse suggérer le prix qu’il reçu ? Il est possible que les amateurs du genre soient dépaysés, car le voyage que nous propose Omir Touché Gafla est plutôt un voyage à l’intérieur de soi, même si l’imagination et la fantaisie sont bien au rendez-vous. À travers cette fresque à la fois rocambolesque et profondément humaniste, on est forcément amené à s’interroger sur la vraie nature de l’amour qui pousse Ben dans sa quête. Finira-t-il par retrouver Marianne ? Le suspense est maintenu jusqu’à la dernière ligne, pour le plus grand plaisir du lecteur.

 

Le monde de la fin d’Ofir Touché Gafla , Actes Sud

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