Mes vrais enfants

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Il s’agit d’une « uchronie individuelle », l’histoire d’une femme qui a vécu deux vies différentes à cause d’un choix qui s’est présenté à elle : épouser ou non son amoureux épistolaire. Que, au-delà de cette divergence sur la vie ultérieure de Patricia - Tricia dans sa vie conjugale, Pat dans sa vie de célibatair-, les mondes où vivent nos deux héroïnes aient des histoires divergentes, progrès scientifique et astronautique dans un monde dominé par les USA et le capitalisme dans l’autre, guerres allant jusqu’aux frappes nucléaires dans l’autre, uchronies qui, il faut bien le dire, ne sont pas vraiment développées et cohérentes puisque le but du roman est seulement d’envisager la vie, amoureuse, sexuelle et intellectuelle de l’héroïne et que, dans ces domaines, il n’y a pas de différence réelle entre ces lignes temporelles et la nôtre. Le roman est avant tout une profonde étude politique, psychologique et morale, des possibilités de vie d’une femme dans des mondes qui, pas plus que le nôtre, ne tolèrent la féminité et la différence.

 

Ceci étant, si je n’ai pas lu Le choix de Sophie de William Styron, auquel fait référence la 4° de couv’, je n’ai pu m’empêcher de repenser à L’ironie du sort de Paul Guimard, et à Comme un frère de Vercors, qui envisagent eux aussi deux possibilités de dédoublement de l’histoire de certains, ou même d’une personne, suite à un accident, un hasard ou un choix. Et si Guimard s’amuse avant tout à montrer comment un « si cette catastrophe n’était pas arrivée » peut aboutir à un résultat final globalement pire que l’accident évité, Vercors nous montre comment les deux avatars du personnage dédoublé se retrouveront dans le même combat pour sauver la République...

De même, après ces deux vies différentes, avec des enfants différents, Patricia se retrouvera avec ses deux mémoires dans une maison de retraite qui change d’un jour à l’autre, où viennent la voir tantôt les enfants de Tricia, tantôt ceux de Pat...

 

Dans l’épilogue, Patricia, qui cumule les souvenirs de ses deux existences, se demande dans lequel des deux mondes elle choisirait de finir ses jours, et lesquels de ses enfants elle va perdre. C’est, d’une certaine façon, l’épilogue de Pavane comparant le monde de cette uchronie au nôtre, pour nous monter que le pire n’est peut-être pas là où le lecteur l’attendait. Je sais lequel des deux mondes de ce roman je choisirais, mais je n’aurais pas à renoncer à un passé et à certains de mes enfants... et c’est bien là qu’est la question de Patricia...

 

Le talent de Jo Walton, et la finesse de ses réflexions psychologiques, l’exactitude (hélas) de toutes ses remarques féministes sur les aberrations d’une certaine pseudo-morale religieuse tissée d’hypocrisie et d’inégalités font de ce livre un nouveau chef-d’œuvre, dont je ne saurais trop recommander la lecture.

 

Mes vrais enfants, de Jo Walton, traduction de Florence Dolisi, Folio SF n° 631, 2019, 426 p., couverture d’Aurélien Police, F8, ISBN 978-2-072-83815-6

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