Melancholia

Réalisateur: 


Mes coups de cœur au cinéma ont été très rares cette année (juste Incendies et Midnight in Paris jusqu’à présent), et Melancholia s’avère être le plus gros d’entre eux. Ce film a marqué ma première réelle rencontre avec Lars Von Trier (j’avais tenté - en vain - de regarder The Direktor, que j’ai abandonné après une vingtaine de minute, et ses autres films me font peur à cause de leur(s) potentielle(s) scène(s) de viol(s)), et je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit si intense.

Mais commençons par le commencement. Melancholia est un film apocalyptique construit en deux temps complétés par une introduction. Cette introduction nous donnera une sorte d’aperçu suresthétisé du reste du film (sur le mode « sommaire »), nous livrant un ensemble de tableaux (très) légèrement en mouvement d’une beauté à couper le souffle sur fond de Wagner (Tristan et Iseult). Certains pourraient trouver cette entrée en matière pédante, mais elle m’a complètement conquise. L’image de Charlotte Gainsbourg tenant désespérément son enfant dans les bras, en avançant sur un terrain de golf d’un vert terrifiant et en s’enfonçant dans le sol herbeux comme on s’enfoncerait dans une épaisse couche de neige restera à jamais gravée dans ma mémoire.


Une fois l’introduction passée, on retrouve la caméra à l’épaule qui a tant fait parler de Lars Von Trier. Il est vrai que l’image est très saccadée et à la limite du supportable (je me suis même demandée si ce n’était pas un effet voulu et recherché plus qu’une simple conséquence du port de la caméra), et ce sera le seul reproche que je pourrais faire à ce film. Mais une fois habituée à celle-ci, je me suis laissée pénétrer par l’histoire désespérée qui nous était livrée.

La première partie est consacrée à Justine (Kirsten Dunst), jeune mariée qui se rend en compagnie de son mari (Alexander « True Blood » Skarsgard que j’ai trouvé un peu fade, la seule fausse note du casting selon moi) à sa réception de mariage. On nous la montre d’emblée souriante, mais la façade se fissure vite et on sent que Justine est au bord de la dépression, sans en comprendre les raisons. Il faut dire qu’elle est affublée d’une famille affligeante et d’un patron pressant. Seule sa sœur semble saine d’esprit et arrive à la maintenir calme.

Cette réception constitue une première partie tournée vers la folie et le désespoir, les personnages qui nous sont présentés devenant peu à peu des caricatures d’eux-mêmes et sombrant dans leurs défauts pour révéler ainsi leur véritable identité. Kirsten Dunst brille dans cette partie, mais n’est à mon humble avis pas à la hauteur de Charlotte Gainsbourg qui occupe la seconde partie et qui arrive à paraître tellement naturelle que le jeu de Kirsten Dunst, pourtant incroyable, perd un peu de sa puissance.


La seconde partie est consacrée à Claire (Charlotte Gainsbourg donc) et se situe quelque temps après le mariage. Justine arrive dans le manoir du compagnon de Claire dans un état de dépression grave et sa sœur va s’occuper patiemment d’elle. Peut-être dans le but de détourner son attention d’un événement qui l’angoisse terriblement : l’approche de la planète nomade Melancholia, planète qui ne devrait pas entrer en collision avec la terre selon les scientifiques. Mais les scientifiques n’ont pas toujours raison et Claire, comme Justine, sent l’arrivée inéluctable de cette immense planète destinée à annihiler la vie sur terre. Si Claire ne peut être sûre que ses peurs les plus profondes se réaliseront, nous, par contre, nous le savons depuis le début car dans les tableaux introductifs, Lars Von Trier nous a montré cette terrifiante collision qui a complètement détruit la terre. Image sublime et angoissante à la fois, qui a fait ressortir une de mes peurs les plus profondes.

Claire est habitée par l’angoisse et a de plus en plus de mal à s’occuper de son fils et de sa sœur. Heureusement, son compagnon, très rationnel et même subjugué par l’événement, est toujours là pour la rassurer. Elle ne peut cependant s’empêcher de se préparer au pire, même si elle se trouvera complètement désemparée quand celui-ci arrivera.

Lars Von Trier arrive à faire évoluer cette histoire terrible de manière intimiste et, dès lors, beaucoup plus touchante et pétrifiante à la fois. Jamais on ne saura ce que le monde en dehors du manoir ressent, nous vivrons une sorte de huis-clos qui se limitera à l’immense terrain de la demeure de Claire et John. L’angoisse nous saisira aussi intensément qu’elle habite les personnages de cette histoire, de telle sorte que nous vivrons nous aussi un peu cette fin du monde, une apocalypse comme jamais le cinéma ne nous en avait offerte.

J’ai été complètement bouleversée par ce film, que j’ai vécu de manière intense et douloureuse. Certes, il traite de la dépression et comporte certainement beaucoup de Lars Von Trier (je n’ai pu m’empêcher de penser que la scène où Charlotte Gainsbourg essaie de faire prendre un bain à une Kirsten Dunst nue et tétanisée, incapable de faire le moindre geste, soit quelque chose qu’il a vécu). Mais il y possède également une dimension universelle qui permettra au spectateur qui s’inscrit en dehors de ce sentiment dépressif de pouvoir tout de même ressentir et vivre ce film.

Maintenant, je comprends que le sentiment d’angoisse (très fort) que le film fait naître puisse en rebuter certains sur le moment et en décourager d’autres anticipativement. Dès lors, je préfère le dire : oui, certains passages du film ont fait naître une sorte de sentiment (léger, je vous rassure) de panique chez moi. Comment ne pas ressentir cela quand on sait qu’une planète est sur le point de détruire tout ce qui est et a été sur terre ? Mais cette panique tient de ce fameux vertige que peut faire naître un bon récit de science-fiction et nous donne à vivre le film si intensément que je ne peux la considérer négativement.


En tout cas, une fois que la dernière image du film fait place à un écran noir précédant le générique (et merci mille fois au cinéma de Tournai d’avoir rallumé tout de suite les lumières, alors que nous étions tous encore un peu hébétés par ce que nous venions de voir !) (il y a des claques qui se perdent...), impossible de sortir tout de suite de ce film, film qui m’habite d’ailleurs encore. Rarement une expérience cinématographique a été aussi intense pour moi...

Au final, Melancholia est un film qui ose aller jusqu’au bout de son propos et qui est de ce fait intense, marquant et dur. Un film qui est aussi abouti esthétiquement que scénaristiquement parlant et qui dépasse pour moi, et de loin, l’expérience de The Tree of Life. Une expérience que je vous conseille d’ailleurs de vivre au cinéma parce que jamais vous ne pourrez ressentir la même chose face à un écran de télévision.

Melancholia

Réalisation : Lars Von Trier

Avec : Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland

Sortie le 10 août 2011

Durée : 130 minutes

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