Ami de toujours (L')

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Illustrateur / Dessinateur: 


« – Vous êtes en train de me dire que j’ai inventé Richard ?

Mesic a hoché la tête :

– Quelque part, c’est vous.

– Attendez, professeur, il n’y a aucune raison d’insinuer que je sois parano ou schizo...

– La folie est ordinaire. Bien souvent, nous pouvons la soigner. Mais si Richard est réel, personne ne peut rien pour vous. »

David pensait s’être débarrassé de Richard, son ami d’enfance. Il avait tort. Richard revient et ne le lâche plus. Son emprise est trop forte, David doit mettre un terme à cette relation malsaine. Nous voilà plongés dans un monde où la réalité n’a plus de sens. L’enfer ne fait que commencer...

L’ami de toujours est une histoire troublante tournant autour de la question des amis imaginaires. N’ayant moi-même jamais eu ce genre d’ami(s) (tout du moins pas dans mes souvenirs), c’est une chose qui m’a toujours intriguée : jusqu’à quel point l’enfant croit en son existence ? Lui crée-t-il un passé, une vie quand il n’est pas avec lui ? Quand et comment cesse-t-il d’exister à ses yeux ? Le livre de Mauméjean ne répond pas vraiment à ces questions mais en pose d’autres, plus perturbantes encore.

David a eu un ami imaginaire quand il était petit. Un ami quelque peu dangereux et assez possessif. Il avait créé tout un monde imaginaire avec lui, celui d’Avelion. Puis il l’a oublié. Des années après, alors qu’il va se présenter pour un emploi dans une grosse boîte de création de jeux vidéos, il tombe dessus à nouveau. Et maintenant, les gens semblent le voir...

L’ami de toujours est agréable à lire, bien que je n’ai pas apprécié la forme choisie par l’auteur : le journal. Je n’ai pas réussi à croire que le narrateur, un jeune homme de vingt ans, pouvait confier sa vie à un ordinateur, et surtout pas dans cette narration quasiment continue, alors qu’un journal sert souvent à recueillir des impressions et des sentiments bien plus que la description de nos actions. De plus, les différentes entrées du journal coupent inutilement le récit en créant de fausses ellipses. En effet, l’action est en fait le plus souvent continue et ne justifie pas de passer à un nouveau chapitre. Dès lors, pourquoi ne pas avoir opté pour une narration à la première personne « traditionnelle » ? C’est dommage, parce que ce choix m’a beaucoup freinée dans ma lecture.

Heureusement, L’ami de toujours possède une résolution finale originale et bien pensée que je n’avais pas vue venir. Xavier Mauméjean a eu l’intelligence de nous surprendre au lieu de disséminer dans son récit des indices qui sont malheureusement souvent trop évidents pour le lecteur quelque peu aguerri. Cette fin colore l’histoire et la rend intéressante. Cependant, je n’ai pas réussi à l’« acheter » complètement (même si l’idée m’a énormément séduite) à cause de quelques incohérences qui la rendent un peu douteuse (pour ceux qui l’ont lu, je pense notamment à la « réflexion » sur les Pixars... ainsi qu’à certains films et groupes cités d’ailleurs). Je suppose que certains jeunes lecteurs passeront dessus sans problème, mais ça m’a quand même gâché le plaisir de cette fin plutôt adroite sans cela...

Au final, L’ami de toujours est un livre divertissant mais qui, à cause de certaines incohérences narratives, risque de frustrer le lecteur adulte. Mais je pense que ça reste toutefois une lecture on ne peut plus recommandable pour les jeunes adolescents qui en plus se retrouveront quelque peu dans les références (actuelles ou pas) que Xavier Mauméjean a semées dans son récit (merci d’ailleurs de m’avoir remis le live de Portishead à Roseland en tête, j’ai réécouté ce CD avec beaucoup de plaisir).

L’ami de toujours de Xavier Mauméjean, illustration de Matthieu Spohn, Flammarion, coll. Tribal, 281 p.

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