Le navire étoilé
Excellente initiative de l’INA de proposer à un prix somme toute modique des dvd de productions SF et Fantastique de la télévision publique française des années 50, 60, 70. C’est un véritable régal, même si je n’ai pas l’argent pour tout acheter. Faites donc comme moi, incitez vos bibliothèques à les commander…
Nous commencerons par un inédit surprenant, Le navire étoilé, une pièce télévisuelle d’Alain Boudet, réalisée en 1962, d’après le roman d’Edwin Charles Tubb. C’est vous dire que la narration est dès le départ d’un bon niveau.
1962, c’est la France de De Gaulle, l’indépendance de l’Algérie et la télé en noir et blanc… Aucun rapport direct toutefois avec le thème SF pur et dur de l’émission Le navire étoilé, qui nous propose de suivre les habitants d’une nef spatiale, le navire étoilé, voyageant vers une planète qui accueillera l’équipage du grand vaisseau spatial.
À bord règne une discipline de fer, où l’individu n’a guère de liberté. Pourtant, dans cette société très hiérarchisée, un individu va commencer à sortir du droit chemin. Il ne serait d’ailleurs pas le seul. Des anciens habitants de la nef vivraient dans ses parois, libres…
Émission de télévision donc, puisqu’il ne s’agit pas d’un téléfilm, mais d’un roman adapté en pièce de théâtre, filmée en direct, ou quasi direct. C’est sans doute d’ailleurs un excellent choix, car ainsi le spectateur accepte beaucoup plus facilement les décors très simplistes représentant l’intérieur de la nef. L’extérieur du vaisseau est absent, n’ayant de tout manière aucun intérêt pour l’histoire.
Vêtements, objets, ameublement sont très stricts, à peine futuristes finalement, sinon par leur dépouillement extrême. Le manque d’argent sert très bien le propos, puisque ces gens sont censés vivre en vase clos où chaque chose compte, où la frugalité à tous niveaux est l’unique mode de vie possible pour survivre.
Car passées les premières minutes qui pourraient faire sourire les plus sarcastiques, Le navire étoilé prend son envol. Tout devient crédible, le jeu des acteurs, l’histoire racontée, le lieu simulé.
Par son principe même d’enferment en un décor réduit à sa plus simple expression, la pièce prend son sens, développe une angoisse bien réelle. L’individu contre le groupe, l’intérêt individuel contre l’intérêt collectif, le libre-arbitre contre un pouvoir arbitraire, l’enfermement en un lieu clos contre l’envie d’un ailleurs ici idéalisé par la coque creuse du navire où des rebelles au système survivent ; tous ces thèmes sont parfaitement exprimés tant par le décorum que par les acteurs.
Je ne vous révèlerai pas la fin, mais la morale qui se dégage de l’histoire est que finalement le type de pouvoir dépend des circonstances… Le pouvoir autoritaire avait un sens pendant la traversée du navire dans l’immensité sidérale. Un pouvoir démocratique prend un sens une fois le voyage approchant de sa fin.
Un tel discours est assez rare, finalement, loin de tout moralisme à la petite semaine. Avec Le navire étoilé, nous sommes bien dans une profonde analyse des rapports entre un pouvoir et une population, des mécanismes d’acceptation d’un pouvoir autoritaire par ceux-là mêmes qui en subissent la domination.
Malgré l’image datée, ce Navire étoilé réalisé par Alain Boudet rappelle donc utilement par sa qualité que la SF est totalement légitime à la télévision à une heure de grande écoute, avec un programme original, peu onéreux et conçu pour ce média de masse.
Je ne puis donc que vous conseiller de vous plonger dans ces archives INA, qui font là œuvre utile de vulgarisation du passé, en espérant voir très vite revenir la SF à la télévision publique…
Autres dvd sortis, concernant la SF et le Fantastique.
La brigade des maléfices, série de 8 épisodes, 1971
Fantômas, série de 4 épisodes, réalisés par Claude Chabrol et Juan Luis Bunuel, 1979
Coffret Jules Verne, avec trois films
La poupée sanglante, série de Marcel Cravenne d’après Gaston Leroux, 1976
Tout smouales étaient les Borogoves, d’après Lewis Padgett, 1970