La fin de l'espèce humaine

La fin de l’Humanité est-elle inexorable ?

Le titre du thème est, je le reconnais, très alarmiste. L’espèce humaine pourrait-elle vraiment disparaître ? Cela devrait constituer la suite logique du thème sur les sociétés postcataclysmiques, mais on va découvrir qu’il peut exister des variantes notoires.


Ainsi, en 1938, Jacques Spitz (1896 - 1963), dans son roman « La Guerre des mouches », voyait-il l’Humanité disparaître, mais suite à une attaque par les mouches qui étaient soudain dotées d’intelligence. C’est du moins le postulat que retient le roman. Les insecticides et autres substances chimiques n’y font rien, et la planète tombe petit à petit entre les pattes des mouches qui en deviennent les maîtresses, ne laissant vivre que quelques échantillons d’Humains.
On pourrait alors penser que dans ce cas, ce n’est pas l’Homme qui a causé sa perte en détruisant la planète, puisqu’il est agressé. Pas si simple. Dans le roman, il est fait manifestement référence à la Première Guerre mondiale, ainsi qu’à la Seconde qui commence alors à se profiler. Les mouches représentent les avions qui vont lâcher leurs tonnes de bombes sur l’Europe et dans le Pacifique, jusqu’à ce qu’un certain Enola Gay n’en lance qu’une seule, mais totalement effroyable, sur Hiroshima.
Et l’allusion aux insecticides vise clairement les premières armes chimiques (gaz moutarde et autres), utilisés dans les tranchées de 14/18.
En fait dans ce roman, le message est que, de toute façon, le feu de la destruction planétaire couve sous la cendre, compte tenu des folies guerrières qui se répètent, de l’Histoire qui bégaie dans la violence.


L’année de la mort de Jacques Spitz, Alfred Hitchcock, voyait lui aussi le danger venir du ciel, avec son film « The Birds », alias « Les Oiseaux ». Des oiseaux s’abattent sur une ville, mais ça pourrait aussi bien être sur la planète, poussant les Humains dans leurs derniers retranchements.
Certes la fin du film n’est pas apocalyptique comme dans « La Guerre des mouches » de Spitz, mais avouons que nous avons eu chaud.
Et vous, qui avez vu le film, depuis, lorsque vous vous promenez seul sur une plage, et que tournoient gracieusement au-dessus de vous de majestueux goélands, ne ressentez-vous pas une petite appréhension ?


La même année, Pierre Boulle dans son roman « La Planète des singes » utilise une symbolique ou autre parabole.
En effet, il nous emmène en 2500 sur la planète Soror, sœur de la Terre comme il se doit. Là, des explorateurs découvrent une civilisation ressemblant à la nôtre dans les années 50, mais qui a la particularité d’être mise en place par des singes, les Humains étant devenus de parfaits animaux sauvages. Il s’en suit diverses péripéties, jusqu’à ce que les singes veulent bien admettre que les Humains puissent être des individus pensants, pour en arriver à la conclusion que le singe « ne descendrait pas de l’Homme ». Comme on le voit, les théories « évolutionnistes » de 1963 étaient assez rectilignes quant à l’ancêtre de l’Homme ; mais dans le cas de la planète Soror, apprendre qu’ils seraient l’ancêtre de l’Homme et non pas le contraire, est un coup dur pour les singes. De nos jours, les chemins qui mènent à l’Homme sont plus sinueux, les explications scientifiques nous accordent un lointain cousinage avec le singe, mais d’une manière générale, sont bannies les théories « créationnistes », comme en 1963 sur la planète Soror. Et la démarche de Pierre Boulle est habile, car à leur retour sur Terre, les voyageurs de l’espace retrouvent une planète en tout point semblable à Soror, où les singes ont pris le dessus sur l’Homme. En fait c’est bien de la Terre dont il s’agit depuis le début, du moins de manière indirecte.


Vingt ans plus tôt, Clifford D. Simak, avait lui imaginé la Terre peuplée par les chiens, la présence de l’Homme étant devenue symbolique. Mais dans « Demain les chiens », tout se passe de façon plus cool. L’Homme s’en est tout bonnement allé faire du tourisme spatial, et tout naturellement les chiens prennent sa place et évoluent jusqu’à être dotés de la parole. Présenté sous forme de 8 contes, le roman évolue, tout comme les chiens, jusqu’à cette transformation et le repeuplement de la bonne vieille Terre par l’espèce canine.

Ainsi, nous avons là plusieurs possibilités de rechange à l’espèce humaine. On peut par ailleurs imaginer également l’Homme remplacé par les chats, les chevaux, les éléphants…la liste est longue.
Mais si nous succombons au désastre nucléaire, bactériologique, chimique, ou autres horreurs, que restera-t-il de nos amis à quatre pattes ? Peut-être sont-ils dotés de particularités biologiques que nous ignorons ? Peut-être aussi que ce seront les végétaux qui prendront la relève de l’Homme : des lianes pensantes, des plantes carnivores dévastatrices. Peut-être n’y aura-t-il finalement plus rien : le néant, un Big Bang à l’envers.
Les écrivains de l’imaginaire ont déjà beaucoup œuvré sur ce thème et le peuvent encore. Imaginons des solutions hybrides, des créatures mutantes, synthèses de l’Humain, de l’animal et du végétal ; imaginons les eaux de la banquise fondante, soudain dotées d’une forme de pensée…Bon, allez, il vaut mieux que l’espèce humaine prenne enfin des précautions et tâche de nous garder une bonne vieille Terre bien hospitalière.

Sur ce thème :

- « La Guerre des mouches » de Jacques Spitz - 1938 - Toutes éditions pouvant être trouvées, sachant que celle de Marabout en 1970 avait été remaniée, enfin « modernisée ».

- Le DVD du film « Les Oiseaux » d’Alfred Hitchcock - 1963.

- « La Planète des singes » de Pierre Boulle - Pocket.

- « Demain les chiens » de Clifford D. Simak -J’ai Lu.

Décembre 2006