La chair des vivants a-t-elle meilleur goût que celle des morts ?(7)

Après avoir passé en revue, dans le courant de ces dernières semaines, diverses possibilités permettant d’expliquer l’appétit exclusif des zombies pour la chair des vivants (la valeur nutritive de cette viande ; la peur qui émane de nos semblables ; l’âme qui les anime ; l’instinct grégaire qui les lie…), il est grand temps maintenant d’énoncer ce qui constitue pour nous l’hypothèse la plus probable de leur comportement.

Ce qui transforme les vivants en un gibier de choix à leur yeux se situe du côté du sang qui irrigue leurs corps, « the sweet blood of the living ».


Au-delà du processus de manducation évoqué dans le second article de cette série, les morts-vivants sont peut-être tout simplement friands d’une chair plus délectable car encore imbibée de sang chaud. Ce sont peut-être des gastronomes (en culottes plus ou moins courtes), des gourmets d’outre-tombe – ce qui, par conséquent, les rapproche des peuplades primitives dépeintes dans la plupart des films d’anthropophages (attention : nous avons bien précisé, dans notre article relatif à l’endocannibalisme, que ces tribus ne pratiquaient en réalité l’anthropophagie que pour des raisons magiques ou religieuses, et non pour se pourlécher les babines en vue d’un festin !). Ce qui distingue les zombies de ces cannibales d’opérette, c’est que ces derniers sont attirés par l’excellence de la chair humaine, morte ou vivante, tandis que les zombies la recherchent uniquement si elle est encore imbibée de sang chaud. Pas de corps exsangues à leur menu, mais de la chair bien rouge.

Leur système sanguin étant par définition éteint (les zombies ne saignent pas), ils sont peut-être tout simplement en quête de la chaleur qui nous caractérise, nous autres, animaux à sang chaud.

Il faut dire que les vertus du sang (et de sa variété humaine en particulier) sont louées depuis la nuit des temps.



Qu’on pense aux agissements de l’aristocrate hongroise Erzsébet Báthory, dite « la comtesse sanglante » (1560-1614). Son souci primordial n’était autre que sa beauté – d’où sa peur atroce de vieillir et de s’enlaidir. Persuadée des vertus de jouvence attachées au sang humain (le sang, c’est la vie), elle prenait régulièrement des bains dans cet élixir puisé dans les veines d’un cheptel constitué des plus belles vierges (du fait de l’aura magique que confère la virginité) venues des quatre coins de la Transylvanie et de la Hongrie (cf. le segment que consacre à ce personnage Walerian Borowczick dans son film Les Contes Immoraux (1974)).


Elle fut finalement condamnée à être murée vive dans ses appartements privés du petit château de Csejthe (où elle mourut à l’âge de cinquante-quatre ans, dotée d’une beauté, dit-on… inaltérée).



On ne peut non plus manquer d’évoquer ici la personnalité du plus célèbre des vampires, grand suceur de sang s’il en est, le comte Dracula. Ce personnage mythique fut inspiré à Bram Stocker par le voïvode Vlad III Tepeş (« l’Empaleur ») (1431-1476), dit « Draculea » (« fils du diable » ou « fils du dragon »), prince de Valachie. Durant son règne sanglant, ce souverain cruel fit empaler ses ennemis par milliers (soit, selon les thèses de ses adversaires politiques (les Saxons de Transylvannie) parce qu’il était fou ; soit, selon les chroniqueurs occidentaux, parce qu’il utilisait la terreur afin de se faire respecter de ses opposants).

Signalons cependant que si le vampire se trouve privé de sa ration d’hémoglobine, il dépérit – ce qui n’est pas le cas du zombie, qui se contente lorsqu’il mange de satisfaire un impérieux désir, et non un authentique besoin.

Nous nous pencherons, lors de notre prochain article, sur la symbolique du sang qui a cours dans les films de zombies. Nous tenterons de déterminer sa provenance exacte.

D’ici là, n’abusez pas de viande rouge : c’est mauvais pour la santé !