La chair des vivants a-t-elle meilleur goût que celle des morts ?(4)

Nous avons donc écarté, lors des précédentes livraisons de cette série d’articles, nos deux premières hypothèses visant à expliquer la raison pour laquelle les zombies préfèrent se nourrir de notre chair plutôt que de celle de leurs semblables. Ils n’agissent pas ainsi pour une question de valeur nutritive des entrailles qu’ils ingurgitent, ni pour se repaître de la peur qui nous saisit à leur vue. La réponse se trouve ailleurs.

Du côté de l’âme, peut-être ?

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Les morts-vivants sont-ils attirés par une quelconque force vitale qui inonderait les vivants ? Un flux d’énergie qui les animerait à leur insu ? Les zombies rechargent-ils leurs batteries en ingurgitant cette force, cette… « âme » dont les vivants seraient les seuls détenteurs ? (l’âme n’est-elle pas sensée s’extraire du corps au moment du trépas ?) La magie affirme bien que les principes vitaux, la force et les « pouvoirs » des morts peuvent être absorbés. Alors pourquoi pas l’âme ?

Cette vision trop strictement religieuse du phénomène semble peu fondée. La conception de l’univers véhiculée par les films de zombies – à la différence par exemple de celle proposée par les émules de L’Exorciste (William Friedkin – 1973) – est fondamentalement athée. Aucune âme ne semble habiter ces corps, tant avant qu’après leur mort.

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La seule différence concerne la conscience de soi : avant le trépas, les individus sont autonomes, libres de leurs faits et gestes (dans les limites établies par la biologie, bien entendu) ; après, ils ne sont plus maîtres de leurs choix. Ils sont mus par leur faim (comme d’autres le sont par le sexe - à l’instar des locataires de Frissons (David Cronenberg - 1975), qui dépeint la prise de contrôle progressive d’un immeuble par un parasite libérant la sexualité orgiaque des divers locataires, dont le comportement rappelle par certains aspects celui des zombies). Ce ne sont plus que de vulgaires pantins, des âmes en peine (sans aucune connotation religieuse), errantes, dépourvues d’intériorité, qui se contentent de réagir aux stimuli issus de leur environnement immédiat.

Ils ne se projettent plus hors de leur corps, ils ne se souviennent plus, ils ne pensent plus au lendemain. Ils n’ont pas même conscience d’exister. Ils se contentent d’être et se laissent porter de victime en victime par leur appétit, par la terrible pulsion cannibale qui les anime. Ils sont incapables de résister au plus primitif des instincts : la faim.

La religion, ou même la spiritualité, n’a pas sa place dans ce schéma. Pas de vie après la mort. Juste une interminable errance.

C’est peut-être justement du fait de l’absence d’au-delà autre que celui représenté par les zombies que ces films sont aussi désespérants. Les personnages se trouvent régulièrement confrontés à un terrible dilemme : il leur faut choisir entre le néant de la mort et la damnation de la non-mort (qui n’est plus pour autant la vie). Cruelle alternative, dont les deux termes sont tout aussi répugnants l’un que l’autre.


Il semble donc que ce ne soit pas non plus en quête d’une force vitale surnaturelle que les zombies errent.

Peut-être aurons-nous plus de succès la prochaine fois en abordant le double thème de l’ethnologie et de l’endocannibalisme ? Réponse au prochain épisode !