Couleur tombée du ciel (La)

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« La ferme tout entière baignait dans cette couleur mêlée, inconnue et hideuse : les arbres, les bâtiments, et même la verdure et l’herbage qui n’avaient pas complètement tourné à la fatale désintégration dans la grisaille. Les branches se tendaient toutes vers le ciel, coiffées de langues d’un feu immonde, et des ruissellements chatoyants de ce même feu monstrueux se glissaient autour des poutres de faîtage de la maison, de la grange, des appentis. C’était une scène inspirée d’une vision de Füssli, et sur tout le reste régnait cette débauche de lumineuse inconsistance, cet arc-en-ciel hors du monde et hors mesure de secret poison, qui naissait du puits - bouillonnant, palpant, enveloppant, s’étendant, scintillant, étreignant et faisant malignement des bulles dans son cosmique et non identifiable chromatisme. »

La couleur tombée du ciel est le premier recueil de nouvelles de Lovecraft à me convaincre complètement du génie de son auteur. C’est qu’il comporte deux des histoires que j’ai préférées jusqu’à présent, et deux autres qui, sans m’avoir complètement emportée, m’ont bien plu.

La couleur tombée du ciel, qui donne donc son titre au recueil, est une histoire « typique » de l’auteur mais comportant un élément atypique : une météorite étrange, qui rétrécit au fur et à mesure du temps passé sur terre, et qui semble contaminer d’une étrange (et abominable) manière ce qui l’entoure. L’évolution est celle de la plupart des histoires de Lovecraft, et pourtant ce côté « élément extra-terrestre qui vient hanter la terre » ajoute un petit plus qui rend l’histoire vraiment intéressante.

L’abomination du Dunwich se démarque des autres nouvelles que j’ai lues de Lovecraft par le fait que je suis tout de suite entrée dedans alors qu’il me faut d’habitude un petit temps d’accommodation pour me laisser prendre par la prose de l’auteur. Cette histoire de village habité par des êtres issus majoritairement de la consanguinité dont l’un des membres les plus étranges accouche d’un enfant qui semble être surhumain et, surtout, angoissant est très prenante. Elle m’a paru tellement plus fluide et mieux construite que les autres nouvelles de l’auteur que j’ai eu l’impression d’être devant un récit beaucoup plus travaillé que d’habitude (mais je peux bien évidemment me tromper, et si ça se trouve, il a écrit cette histoire plus vite que les autres !).

Celui qui chuchotait dans les ténèbres est, encore plus clairement que La Couleur tombée du ciel, une histoire de science-fiction aux êtres extraterrestres très intéressants, aussi étranges qu’intrigants. Lovecraft joue sur leur ambivalence et fait naître efficacement de légers frissons. Agréable, même si parfois un peu confus.

Le Cauchemar d’Innsmouth reste ma nouvelle préférée de Lovecraft. Cette histoire d’un jeune homme qui va enquêter sur l’étrange ville et découvrir la vérité à son sujet est vraiment angoissante, très bien construite et comporte les meilleurs éléments de la « mythologie » lovecraftienne. Un vrai petit délice.

Au final, La couleur tombée du ciel m’a fait éprouver un réel plaisir à lire Lovecraft, ce sans cette impression de me retrouver tout le temps face à la même histoire que j’ai pour retrouver dans d’autres recueils. Ses nouvelles me semblent mieux construites et développées que la plupart des autres que j’ai déjà eu l’occasion de lire. Dès lors, il constitue pour moi un excellent moyen de découvrir cet auteur.

La couleur tombée du ciel de H. P. Lovecraft, traduction de Louis Lamblin et Jacques Papy, Folio SF, 336 pages

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