Visage pour l'éternité (Un)

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Les amateurs de science-fiction connaissent parfois la trilogie de « SF chrétienne » (Le Silence de la Terre, Voyage à Vénus, Cette hideuse puissance) ; ceux de fantasy, ou les jeunes, ou ceux de cinéma, ont découvert plus ou moins récemment les Chroniques de Narnia ; certains, amateurs de fantastique ou d’humour, connaissent aussi les deux volumes de Tactique du diable et Diaboliquement vôtre qui content avec beaucoup d’humour les mésaventures d’un démon venu tenter les humains. Faut-il aussi citer ses livres de réflexion philosophique ou religieuse, comme L’abolition de l’homme ?

Bref, le caractère profondément chrétien de Clive Staple Lewis ne fait pas le moindre doute ; et pourtant… dans ce livre où il réinterprète un mythe grec, celui de Psyché et d’Eros (ou plutôt de Cupidon, puisque le premier auteur à avoir raconté l’histoire est le latin Apulée), il s’intéresse presque exclusivement à l’aspect humain et, en particulier, à réfléchir sur les motifs et les pensées de sa narratrice, l’une des sœurs de Psyché ; en déplaçant un peu le mythe dans l’espace pour faire des personnages des « barbares », c.a.d. des habitants d’un pays autre que la Grèce, néanmoins en contact avec les Grecs, en imaginant des dieux locaux qui correspondent aux dieux grecs concernés, en cherchant des motifs autres que la simple jalousie à l’action de cette narratrice, à aucun moment il ne fait intervenir une vision « chrétienne » dans l’histoire. S’il prête à ses personnages des alternances de croyances païennes et de rationalisme athée, il ne fait à aucun moment intervenir une volonté de réinterprétation chrétienne du mythe (si tant est que cela fût possible).

On suit l’évolution des pensées et des sentiments de la narratrice, à laquelle il prête une vie bien remplie et un caractère bien plus complexe qu’à Psyché, sa révolte contre les dieux qui l’ont abusée et contre lesquels elle va aller porter plainte devant un tribunal non précisé, plainte qui aboutira à lui faire prendre pleinement conscience de ses propres motivations et de ses erreurs.

Bref un livre tellement plus passionnant que le conte original d’Apulée ou celui de La Fontaine sur le même sujet. Un livre que les amateurs de mythologie réinterprétée ne sauraient manquer maintenant qu’il va être aisément disponible en Livre de poche, et qui tranche avec les sempiternelles sagas « héroïques » en dix-huit volumes…

Clive Staple Lewis, Une visage pour l’éternité, traduction : M. et D Le Pichoux, Livre de poche fantasy

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