Enfin la nuit

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« Le ciel était embrasé. On avait bien donné des explications à la télévision, histoires de guerres, de catastrophes, d’ennemis, d’alliés. Des noms, d’autres, beaucoup de noms qui se croisaient sans grande cohérence entre eux. Alors, du coup, les gens étaient dans la rue, le regard plongé dans le feu du ciel. Le grand embrasement. Ravage. La nuit était plus claire que le plein jour. Les lampadaires devenaient inutiles. Le ciel s’était allumé le 23 janvier, sur le coup de 22h30. Et si, sur le moment, personne ne comprenait vraiment ce qu’il se passait, il faudrait bien admettre, une semaine plus tard, que la nuit ne retomberait plus jamais. »

Un flic, Thomas, et une adolescente, Sophie, se mettent en route vers le sud. Pour aller où ? Peu importe, ils sont vivants, ils avancent, dans ce monde aveuglant où la nuit a disparu et où le jour continuel rend fou. Peu à peu, Thomas laisse derrière lui une tombe sur un rond-point et une maison en cendres, passe la frontière… Dans ce roman envoûtant, à la fois road movie et expérience post-apocalyptique, la violence le dispute à l’humour noir.

Quand je lis un premier roman, j’ai souvent tendance à me montrer un peu plus indulgente, ne serait-ce que parce que j’admire l’auteur débutant d’avoir eu le courage et la patience de construire un récit de si longue haleine pour la première fois. Cependant, je dois bien l’avouer, j’ai eu du mal à être compréhensive dans ce cas-ci. Ce n’est pas qu’Enfin la nuit soit entièrement et complètement mauvais à mes yeux. Mais ses défauts m’ont souvent empêchée de voir ses qualités.

Camille Leboulanger nous offre une histoire comme je les aime pourtant : un roman post-apocalyptique sis dans une société ravagée, où les règles habituelles de vie en communauté n’existent plus, remplacées par celles plus sauvages des survivants. Cependant, mon esprit parfois un peu trop rationnel a besoin d’une apocalypse digne de ce nom pour me permettre d’accepter ces nouvelles règles. A la limite, je peux me contenter des conséquences (désastreuses) de l’Incident sans connaître sa nature, comme dans La Route, roman qui me semble d’ailleurs avoir quelque peu inspiré celui-ci (en « négatif » - dans le sens d’à l’« opposé »), mais c’est peut-être involontaire, donc je ne m’étendrai pas sur le sujet. Or, ici, l’apocalypse se réduit... à une journée perpétuelle. Oui, voilà, il n’y a plus de nuit. Et... ? Et c’est tout. Bon, mettons. A long terme, peut-être que ça pourrait devenir cause de folie, de réchauffement planétaire, etc. Mais ici, le personnage que nous allons suivre part de chez lui peu de temps après l’Événement (celui-ci a eu lieu de le 23 janvier ; un peu plus tard dans le récit, alors que ce personnage rencontre une jeune fille qui porte un fort joli prénom, nous apprendrons que février n’est même pas encore fini...) et traverse un monde sans électricité (en quoi le fait de ne plus avoir de nuit a-t-il une incidence sur la production d’électricité ?) et, surtout, sans vie (mais comment autant de monde peut mourir en si peu de temps ? Et des suites d’une journée perpétuelle ? Ou alors qu’on m’explique pourquoi il y a encore des personnes vivantes et saines d’esprit en Alaska...). Du coup, voilà, je n’ai pas pu acheter cette apocalypse et j’ai dû sacrément mordre sur ma chique pour réussir à accepter la situation afin de profiter du reste du livre.

Cependant, cet effort a été balayé par un autre problème, plus personnel. Si j’ai du mal quand un texte manque de ponctuation, je peux être autant dérangée par une écriture qui en comporte trop. Ça ne gênera peut-être pas d’autres lecteurs, mais j’avoue avoir buté sur de nombreuses phrases à cause de virgules surnuméraires (et inutiles) et, de manière plus générale, à cause d’une écriture qui copie un peu trop une respiration plus « anglo-saxonne » et « à la mode » ces temps-ci (phrases courtes, hachées et comportant de nombreuses répétitions). Chez certains auteurs, ça passe comme une lettre à la poste, mais ici, je n’ai juste pas pu et j’ai eu un mal fou à passer les quatre-vingt premières pages à cause de ça. Heureusement, la chose s’améliore quelque peu au fil du récit (ou alors j’ai juste fini par m’y faire), mais ne disparaît pas complètement.

Restent quelques passages intéressants, une vision étonnante d’un paysage français comme rarement on a l’occasion de l’imaginer, et surtout une histoire dans l’histoire qui est la seule chose à m’avoir profondément séduite dans ce récit (celle d’une BD sur une autre apocalypse, aquatique cette fois, qui évolue de manière plutôt poétique, et beaucoup plus à mon goût).

Au final, Enfin la nuit plaira peut-être, mais ce livre n’est pas pour moi. Et c’est bien dommage, il avait pourtant tout pour me plaire au départ.

Enfin la nuit, Camille Leboulanger, L’Atalante, coll. La Dentelle du Cygne 187 p.

PS : illustrateur non précisé

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