Planète d'exil

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L’histoire


L’action se situe sur une planète au nom inconnu (même si la quatrième de couverture nous clame qu’elle se nome Eltanin...), peuplée de tribus primitives organisés en villages. Côté technologie, ces tribus en sont à peu près au niveau des Indiens d’Amérique, à ceci près qu’elles construisent des abris d’hiver en pierre et qu’elles n’ont pas encore découvert la roue (un chariot est décrit comme une « caisse à pattes rondes », p. 158).

Près du village de Tévar, vivent les Hors Venus. Descendants de colons posés sur cette terre 28 générations plus tôt, ils observent la loi de leur Ligue de Tous les Mondes qui leur oblige à ne pas user de technologie supérieure à celle des êtres qui vivent sur les terres où ils se posent. Mais Années après Années (une Année locale vaut environ 60 ans), ils ont perdu le savoir qui faisaient de leurs ancêtres des navigateurs stellaires et se sont rapprochés du mode de vie des locaux.

Jacob Agat Autreterre est l’un deux. Comme certains Hors Venus, il possède le pouvoir de télépathie. Sans le vouloir, il communique de la sorte avec une primitive (nommés les Hilfes). La liaison qui naîtra de cet incident aura des conséquences sur leur destinée individuelle et sur la survie de leurs peuplades respectives.

Car un ennemi commun s’annonce : les Gaal, habitants du Nord qui migrent vers le sud en dévastant tout sur leur passage. Les Hors Venus comme les Tévariens vont devoir se serrer les coudes s’ils veulent survivre à ce fléau.


Choc des cultures

Dans ce roman, les humains du futur, conquérant des étoiles, chantres du Space Opera, ont régressé jusqu’au niveau des peuplades primitives de la Fantasy. Cette confrontation ne se fait pas sans difficultés : moeurs différentes, subtilités de langage, pouvoir des uns qui les font passer pour des sorciers, peurs diverses. Ici, l’opposition est psychologique, sociologique, mais aussi physique (peau noire contre peau blanche).

Seul un personnage, Rolerie, faisant elle-même figure de paria dans le clan des Tévariens, peut faire le lien entre les deux peuplades, qui se nomment toutes deux des Hommes. C’est grâce à sa désobéissance à sa famille que s’enclenchera le dialogue entre les deux peuples.

Planète d’exil est un roman atypique. Troisième volet d’une saga, (après Le Monde de Rocannon et La main gauche de la nuit) elle montre la lisière ultime de cette Ligue de Tous les Mondes. Elle l’évoque, par la bouche nostalgique de ceux qui peuvent encore en parler, mais résiste à la tentation de faire l’étalage de la puissance des humains du futur. Ainsi, c’est une humanité délaissée, oubliée, exilée, qui tente de se survivre avec les moyens dont elle dispose encore, face à un ennemi supérieur en nombre.

La majorité du roman relate la bataille contre les Gaal. Ici, peu de haches sanguinolentes plantées dans le dos des ennemis ou de têtes coupées. L’auteur est une femme, et on voit davantage les dessous des batailles : les problèmes logistiques, les stratégies de siège, les nuits d’angoisse, les réflexions d’un meneur. Les descriptions des combats sont courtes, précises et réalistes.

Le style du roman fleure bon les années 60. Des phrases longues, denses, non dénuées de poésie par moments. Chaque chapitre montre le point de vue d’un personnage et se cantonne à une unité de temps et d’espace, comme le révèlent les titres (Dans la cité des étrangers, Le vieux chef, Le siège de la Grand place...). La progression du récit apporte son lot de suspense et de révélation, mais ce n’est pas l’intérêt de l’ouvrage. Ici, le rythme est assez lent. On prend son temps, on observe, on apprend, et au passage on peut s’attarder sur la rigueur de la construction de l’intrigue, le réalisme des personnalités et la force des descriptions.


Planète d’exil est une petite perle surannée, qui sent le souffre et la poussière, la terre noire et la sueur. Elle permet une réflexion sur l’homme et les différences, sur les difficultés de communication, sur l’art du commandement, tout en offrant d’épiques scènes de batailles. C’est aussi un livre d’une rare sensibilité qui donne envie de découvrir le reste de l’oeuvre de l’auteur.

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