Kabu Kabu

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Précédemment paru aux éditions de l’Instant, Kabu Kabu est un recueil de nouvelles de Nnedi Okorafor qui, comme ses romans, dont Qui a peur de la mort, appartient à cette nouvelle branche d’afrofuturisme, qui retrouve la saveur de la SF « de l’âge d’or » pour y ajouter les sources que celle-ci avait ignorées, les légendes et mythes africains et, plus généralement, les modes de perception et d’action de certains Africains, les Nigérians dans le cas présent.

 

La plupart des récits de ce livre se passent au Nigeria, ce pays particulièrement victime d’un post-colonialisme bien pire que la colonisation d’autrefois, tout en présentant avec un regard plus occidental, du fait que l’auteur a connu une éducation et utilise la langue américaine. Intervient aussi un pays imaginaire, parfois présenté comme une autre planète, Giner. Certains récits, comme celui qui donne son titre au livre (un kabu kabu est un taxi illégal au Nigéria), pourraient être classés fantastiques pour l’irruption d’une autre réalité, de la magie, dans notre monde. D’autres sont des anticipations à court terme ou des caricatures de la réalité présente et de l’exploitation des richesses du Nigéria par les étrangers, une forme locale de cyberpunk. Mais tous sont des interrogations sur les réalités présentes de deux mondes différents entre lesquels Nnedi Okorafor partage ses racines, Nigéria et États-Unis, et des appels à la compréhension mutuelle, à l’amour, toujours menacé par la haine et la colère si présentes dans l’Afrique actuelle, non sans raisons hélas.

Et, bien entendu, à tous les problèmes liés à la condition féminine.

Les héroïnes des nouvelles et romans de Nnedi Okorafor doivent se battre pour exister et savent le faire sans renvoyer cette haine et cette brutalité à leurs oppresseurs, brutes masculines, prêtres de religions ou de traditions misogynes voire gynophobes. L’une saura même apprivoiser un droïde tueur, un « Zombie Nné » chargé par les accapareurs blancs d’assurer la surveillance des pipelines qui pompent le pétrole nigérian sans en laisser une goutte aux habitants, comme aujourd’hui certaines multinationales pompent l’eau en Afrique, Amérique du Sud ou Australie. Et comme d’autres remplacent les cultures et élevages nécessaires aux habitants par des cultures utiles aux seuls riches Occidentaux ou Chinois. Il y a cette réalité derrière presque tous les récits du livre. Présente et future. Mais les héroïnes de ces récits se battent pour l’espoir d’un monde meilleur.

 

N’oublions pas l’introduction de Whoopi Goldberg qui montre comment, après Olivia Butler et avec Nnedi Okorafor et d’autres auteurs, la SF afrofuturiste est devenue une des branches les plus vivaces de la SF actuelle.

 

Kabu Kabu, de Nnedi Okorafor, traduction de Patrick Dechesne et Robin Rémy, Actu SF, coll. Perles d’épice, 2020, 441 p., 18€90

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