Joyland

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Ce livre est un ticket d’entrée. Le pass pour pénétrer dans le monde fantastique d’une foire. Respirez : on y sent l’odeur de la salopette du gars qui répare les mécanismes de la grand’ roue, le graillon des cornets de frites, la barbe à papa sucrée jusqu’à l’entêtement, le fard épais empâtant les figures de clowns. Écoutez : on entend le brouhaha des allées bondées de monde, le larsen des jingles tombés en nappe des haut-parleurs, le baratin des forains à tue-tête, les cris de joie furieuse lâchés depuis le grand huit. Regardez : ça tourne et vire, ça flash en couleur, ça vous illusionne à chaque stand. Boniments de cartomancienne et envolées de manège donnent le tournis. C’est exprès. C’est du Stephen King.

Qu’est-ce qu’on veut nous faire gober ? Où est le truc ? Distance impossible d’abord : on y entre dans la peau du nouveau, une jeune recrue dans l’équipe, qui va commencer par passer le balai et faire connaissance avec les personnages cultes du parc d’attractions. En suivant le nouveau, à nous les coulisses, ça c’est le bon côté ! A nous l’espoir de dénouer toute l’affaire mystérieuse dont les rumeurs auréolent la foire. De l’intérieur, on le verra bien venir le romancier avec ses ficelles !

Si l’intrigue saute aux yeux dès le début du livre, c’est comme la poudre : qui a tué la petite Linda Gray dans le train fantômes ? Elle en cache une autre, comme les trains... Que de wagonnets pour nous embarquer sur des pistes de la frayeur ! Au royaume de l’artifice, l’enquêteur est borgne, aveuglé, on lui fait miroiter des indices qui le détournent du réel objet du livre. Il évolue dans un labyrinthe de miroirs déformants et la montée de la tension rivalise avec les pics de la grand’ roue. Mine de rien. C’est normal. C’est du Stephen King.

Mais on attend toujours de comprendre comment ça marche. Parce que ça fonctionne : en passant, c’est-à-dire pendant ce tour de passe-passe, le lecteur se prend d’amitié pour le narrateur aux amours décevantes, connaît les craintes maternelles de la discrète Annie, s’attendrit pour un petit garçon malade, Mike, aux joies rares. C’est ça le secret peut-être : on se retrouve dans le milieu fantastique de la foire face aux joies et des tribulations de... la vraie vie en somme.

Le détour par la fiction pour parler du réel, c’est l’effet magique du livre.

Comment s’en étonner ? On aurait dû le voir venir ! C’est du Stephen King.

 

Joyland de Stephen King, traduit par Nadine Gassie et Océane Bies, Albin Michel, 7,30 euros

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