Loar

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Quand un livre nouveau s’attaque à un thème déjà traité, quand de plus il se réfère implicitement à une série hélas incomplète en français et non rééditée d’un de mes auteurs préférés, quand enfin il s’approche de la réussite à quelques petits détails près, je devrais être furieux. Et ce n’est pas le cas : j’ai apprécié ce roman, au point d’espérer qu’il reste à Loïc Henry des choses à écrire sur cet univers.

Je dis toujours que je suis plus sévère avec les livres qui s’approchent de la perfection qu’avec ceux qui ne prétendent pas sortir de la moyenne ; je ferai une exception à cette règle.

Le thème classique, c’est celui de la reconstitution d’une certaine unité entre des colonies humaines dispersées dans la galaxie et disposant de cultures différentes. Depuis Asimov, on ne dénombre plus tous ces empires ou diasporas humain(e)s dans une galaxie où n’existe, en apparence, aucune autre espèce intelligente que l’espèce humaine. Mais, particulièrement proche de la situation proposée par Loïc Henry, je repense à la série dite de « Dorsai » écrite par Gordon R. Dickson, dont n’a été traduit que le début. Il est évident que les Latars sont, d’une certaine façon, comparables aux Dorsai ; je me garderai bien pousser trop loin le parallèle. Toutefois, loin de rivaliser et de poser une situation de type plagiat ou la situation opposée que donnerait une reprise qui améliorerait la série ancienne et la rendrait obsolète, je crois que les deux séries se répondent et que leur existence simultanée dans les librairies les rendrait toutes deux plus intéressantes. Les manières de traiter le thème comportent un certain nombre de différences, proposent des oppositions de cultures assez distinctes, traitent de manière différentes les questions religieuses et certaines questions philosophiques, pour que cette confrontation entre les deux univers les enrichisse tous les deux.

Dans le cas de Loar, il y a une culture nouvelle, celle créée par les spols qui sont, à la fois, des sortes de « mentats » capables d’analyses inégalables et des individualistes qui ne s’associent aux pouvoirs que de façon volontaire. Et, pourtant, sauf dans le cas de l’Eglise Unifiée qui les pourchasse et les extermine sur ses planètes, tous les régimes accueillent les spols qui viennent les aider. De même que tous, même l’Eglise, font appel aux Latars, meilleurs soldats et tacticiens hors pairs.

En fait, il y a trois régimes importants connus : les « Neuf Royaumes », au nombre desquels Loar, pour résister à Melen, dont le Régent veut dominer l’univers connu ; Melen qui, après une première guerre avec les Royaumes qu’elle a perdue, se prépare à une nouvelle offensive grâce à une arme nouvelle. Et Kreis, la planète de l’Eglise, qui semble soutenir Melen. En dehors de ces trois puissances, existent des mondes indépendants comme les mondes ardents, et surtout les « mondes périphériques », dont nul ne connait le nombre et les positions. Et ceux-ci, qui refusent la loi de l’Eglise et la « Convention Humaine » qui interdit toute recherche génétique, vont intervenir dans le conflit.

Enfin, et là encore je suis tenté de comparer ce roman aux œuvres de Gordon R. Dickson, mais cette fois-ci aux œuvres non traduites, hors du cycle de Dorsai, il y a sur Loar une espèce animale, les daofined, cétacés chanteurs dont nul ne sait rien, ni ne connait le statut d’êtres intelligents mais les daofined vont, eux aussi, intervenir dans les conflits, d’une façon inattendue...

Une œuvre ambitieuse, condensée en un seul roman là où Dickson poursuivait une série, même si ce seul roman qui raconte une crise de moins d’une année ne fait, peut-être, que nous présenter un univers que nous reverrons plus tard. Et, malgré quelques-uns de ces détails qui peuvent me gâcher la lecture, comme la confusion entre les verbes égayer et (s’)égailler, j’ai pris plaisir jusqu’au bout du livre à voir se préciser cet univers, se mettre en place les différents points de vue.

Les chapitres qui nous présentent en alternance les réactions des différents groupes de participants à l’action, ne sont jamais manichéens : il n’y a pas de présentation tranchée des personnages, de héros opposés à des monstres qu’il faudrait exterminer mais une volonté au contraire de valoriser la diversité des cultures et des opinions. Le seul mal dénoncé, c’est la volonté de certains d’uniformiser, d’imposer leur point de vue comme le seul valable. Et, heureusement, aucune des multiples tentatives dans ce sens ne réussira.

Bien sûr, cela se passe dans un avenir lointain, où la Terre a été oubliée (ou détruite ? Certains penchent pour cette idée, mais un chapitre accidentel laisse entendre qu’il en va autrement). Mais telle est la base des sagas du futur galactique...

Loar de Loïc Henry, Folio SF n°446, 2013, 633p., couverture de Benjamin Carré, 978-2-07-044667-4

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