GUNZIG Thomas 01

Auteur / Scénariste: 



Dis-nous quelque chose à ton propos ? Qui es-tu ?

Je suis Bruxellois et j’ai 37 ans et demi. Auteur de quelques romans et de nouvelles. Professeur de littérature.

Comme sport, je pratique le vélo et j’ai repris le karaté et du coup, aujourd’hui, j’ai un peu mal aux abdos et je me suis blessé à la main.

J’aspire à un peu plus de temps libre, ne rien faire du tout. J’aime regarder des films et j’apprécierais bien un bon verre de vin rouge.

Mais tout va bien, j’ai envie de raconter des histoires, toujours.

J’ai été libraire, mais j’ai arrêté il y a cinq ans. À l’heure actuelle, je donne des cours à Saint-Luc et à la Cambre. Saint-Luc pour les élèves de BD et à la Cambre littérature générale pour les première et deuxième. Les premières années, les cours sont orientés sur Philip K. Dick et pour les secondes années, la thématique de la monstruosité et de l’exclusion.

Oh là là ! Les élèves sont contents ? Comment abordent-ils Dick ?

Il y a toute la grosse charge d’a priori. La science-fiction que tu connais par cœur. Science-fiction égale littérature, sous-littérature, lecture pour les enfants, etc. J’aborde Dick en parlant d’historique. Je le replace dans l’époque. Les années 50/60, les USA, l’expérience des drogues, la guerre froide. J’approche aussi Dick au point de vue de la Seconde Guerre mondiale, les hautes figures du nazisme, le procès de Nuremberg.

Dick t’a été imposé ?

Non, non, non. C’est moi qui ai choisi Dick. Parce que c’est un personnage fascinant. Il s’intègre de façon géniale dans l’histoire de la littérature américaine. Il est tellement singulier. Tu peux le situer dans ce grand mouvement de déplacement de la science-fiction de l’Europe vers les États-Unis qui il y a eu dans les années 30/40. J’adore cette période de la guerre froide. Ces grands moments de tension, de fantasmes technologiques. C’est quelqu’un qui a marqué la fiction, la science-fiction en général de manière très intense sur le concept de l’identité et de la réalité. Je trouve cela fascinant. Et aussi parce qu’il ne mettait pas en avant l’écriture pour l’écriture. Il restait ancré sur l’histoire, la problématique des personnages et la narration. Son style ou encore ses introductions ne sont pas géniaux, tout au moins pas extraordinaires, mais ses histoires sont d’une force, d’une évocation incroyable.

Qu’est ce que tu penses des films que l’on a tiré de ses œuvres ?

Il y a eu le meilleur et le pire. Il n’y a jamais eu de films très mauvais. Même, les films un peu seconde zone comme « Planète hurlante » ou encore « Total Recall » avec Schwarzennegger j’ai bien aimé. Le Spielberg (« Minority Report » NDLR), j’ai bien aimé aussi.

Comment expliques-tu le fait que Dick, au départ de sa carrière, ne faisait pas énormément de succèsaux USA, mais plutôt en France ?

Déjà à l’époque, aux USA, le terrain était bien occupé. Notamment par des Asimov, Van Vogt enfin un paquet d’auteurs absolument incroyables. Lui, il est tellement singulier. Il ne fait pas d’histoire de vaisseaux spatiaux, il ne fait pas des histoires de science-fiction comme les autres à l’époque. Il a peut-être trouvé écho à cette espèce de folie, ce côté mystérieux, surréaliste qu’il avait en lui en France, en Europe. Dans la francophonie, en fait. C’est une bonne question. Pourquoi a-t-il eu plus d’écho en France, en Europe ?

C’est peut-être tout simplement une question d’éditeur. Une question de chance. Tu tombes sur un bon éditeur qui fait diffuser.

Revenons-en à toi. À quel âge as-tu commencé à écrire ?

J’ai commencé, on va dire, à seize ans. Plus en dilettante qu’autre chose. Et après, plus sérieusement vers dix-neuf ans. Mais de façon irrégulière. Je veux dire quatre/cinq heures par semaine. Enfin de manière professionnelle, depuis cinq ans.

Que sont devenus tes premiers textes ?

Le tout premier, c’était une espèce de roman débile que j’ai dans un cahier. J’en ai écrit un second tout aussi débile toujours dans un cahier. Puis, j’ai écrit des nouvelles qui ont été publiées dans le recueil « Situation instable penchant vers le mois d’août ». Il y a peu de chose à publier en fait.

Tu as commencé par écrire deux romans.

Enfin deux romans. Ils n’étaient pas très gros.

Donc, tu t’es fait connaître par tes nouvelles ?

Oui. Tout ce système de concours, de nouvelles, de revues publiant des nouvelles. Même si je n’avais jamais eu l’idée, j’ai commencé par ce format là pour pouvoir participer à des concours et éventuellement être publié dans des revues. Finalement, je n’ai pas réussi à le faire. Il y aussi que c’est facile à montrer rapidement. Copines, copains, etc. je voulais juste faire des histoires courtes. Je ne suis pas trop d’accord avec ceux qui disent : « Oh la la ! La nouvelle, quel art difficile ! ». Ce n’est pas plus difficile qu’un roman. C’est la même façon de travailler.

Tu en écris encore maintenant ?

Ça fait bien longtemps que je n’en ai pas écrit. Les dernières, c’était pour « Le plus petit zoo du monde » qui est paru en 2003 et depuis j’ai fait un roman jeunesse, « Kuru » et « 10000 litres ». Maintenant, je travaille sur un autre roman. C’est ce qui me prend le plus de temps. Mais j’en réécrirai.


Est-ce que tes nouvelles, qui sont des récits courts, sont-elles là pour compenser les titres longs ? (Situation instable penchant vers le mois d’août, il y avait quelque chose dans le noir qu’on n’avait pas vu, …) ce sont là des récits courts avec des titres longs.

Peut-être. Non. En fait, ce sont les titres longs qui compensaient les récits courts. J’aimais bien les titres longs. Mais c’est vraiment par pur plaisir pervers.

Ensuite les romans. Quelle est la différence au niveau de l’écriture ?

Écoute, je ne vais pas chercher midi à quatorze heures dans une réponse. Simplement, je vais te dire : je réfléchis à une histoire plus longue. C’est tout.

Premier roman. Prix Rossel. Cela a-t-il fait décoller ta carrière ?

Cela dépend ce que tu entends par carrière. Si tu entends par là le fait d’être reconnu par un petit milieu littéraire belge, oui. Je crois que depuis qu’existe le prix Rossel, c’est le Rossel qui a le moins bien marché. J’en ai très peu vendu malgré le prix. Deux ou trois mille, pas plus. Alors que d’habitude, un prix Rossel c’est dix mille. Je pense que je suis le Rossel le moins bien promotionné depuis qu’il existe.

Pourquoi ?

Parce que c’est un éditeur bizarre. Enfin, c’était tout nouveau comme éditeur. Les gens ne connaissaient pas. Ce n’est pas Gallimard comme là où souvent sont édités les Rossel. Parce qu’aussi l’éditeur ne connaissait pas les Rossel, donc il n’a pas embrayé quand j’ai reçu le prix. Parce qu’il devait y avoir de la résistance de la part des libraires qui ne connaissaient pas les éditions « Au Diable Vauvert ». Ils n’osaient pas mettre les couvertures un peu flashy à côté des belles couvertures couleur crème de chez Gallimard.

Avant que j’aie ce prix, je restais un peu l’auteur que l’on classait le jeune auteur rock’d roll, provocateur. Et ce prix m’a permis d’avoir un peu de reconnaissance du milieu académique belge. Avant cela, j’étais le petit guignol de service. Je reste fondamentalement le petit guignol de service.

Tes romans, « Kuru » notamment, n’ont jamais eu l’étiquette SF, pourtant les personnages frôlent souvent avec les archétypes du genre. Tu aimes les personnages bizarres, hors du commun ?

Non, mais en fait quand tu racontes des histoires imaginaires, tu ne peux pas t’empêcher d’imaginer des choses qui ne sont pas forcément de l’ordre de l’imaginaire. Quand tu regardes les romanciers que j’aime. Garcia Marquez, par exemple. Tout le temps, ils imaginent des trucs bizarroïdes qui arrivent. Parce que c’est ça, l’imaginaire. Tu as envie de foutre un bouc dans une chambre ou une salle de bains. C’est ça qui me fait rêver. J’ai beaucoup de mal avec ça. Les classements. La genrification des choses qui font du fantastique ou de la SF.

Je crois que la littérature, les romans s’en moquent de ça. La littérature, c’est l’histoire qui se passe et voilà. J’aimerais pas me dire, je fais un roman fantastique et j’emploie les codes du genre. Ou de la fantasy, du polar. Tous ces genres-là ont des aspects intéressants, des aspects qui font réagir. La construction d’un polar avec des images fantastiques. Avec un univers particulier. Des personnages un peu dingues. Moi, ça me plaît beaucoup de mélanger les genres.

Dans ton dernier roman « 10000 litres de terreur », tu rends hommage aux films de genre des années 80. C’est plutôt un pastiche, un hommage, es-tu un grand fan de ce cinéma ?

Ah oui, je suis un super grand fan. Donc, c’est un total hommage. Mais tu sais les fans de ces films-là, les séries b sont les premiers à s’en moquer évidemment. C’est un double jeu qui fonctionne. À la fois on adore parce qu’il y a un côté fascinant. Parce que le récit, les personnages sont puissants. Ou c’est trop ou c’est marrant. Ce cinéma-là a toujours été sur le fil du rasoir. Quand tu regardes les « Evil Dead », le premier est très sérieux. Le deuxième est une super comédie. Dans les années 80 en particulier, on était en permanence à la frontière entre le marrant et le très sérieux. En 2005/2006, on revient dans des films très durs. Pas un gramme d’humour. Il y en a qui sont bien foutus, d’autres sont ratés. « Hostel 2 » était une merde infecte. Alors que « La Colline a des yeux », le remake d’Aja était magnifique. Mais cela reste un genre qui me fascine. J’adore.

Pourquoi ?

Parce qu’il va à l’encontre des codes du bon goût habituel, qui m’énervent. Parce que ce sont des histoires où l’on se permet énormément de choses. C’est souvent politiquement incorrect. Parce que l’on est complètement dans l’imaginaire. On est dans la force du récit, l’on mise énormément sur les personnages. Je trouve que dans une histoire, ce sont les personnages qui donnent de l’intérêt, de la saveur à l’histoire en elle-même. Ce sont des personnages tout de suite très présents, très forts. Ils sont très riches. Parce que je suis peut-être fasciné par ma réaction par rapport à ce film. C’est-à-dire tout de suite, être capté par la mécanique qui se met en route. La station-service, le désert. Ça y est ! La tension et c’est parti ! Je trouve cela fantastique.

Le roman « 10000 litres » respecte presque intégralement la structure des slashers des années 80. Est-ce que tu as travaillé avec un plan précis ou ce sont des souvenirs de vieilles VHS pouraves ?

Ce sont beaucoup de souvenirs de vieilles VHS pouraves. De vieux romans gore que je lisais dans la collection « gore » de Fleuve Noir. J’ai appris beaucoup de choses. Par exemple, les scènes d’actions et les scènes doivent durer longtemps. Les cris, tout ça, doit durer longtemps. Ce n’est pas « et le monstre arriva, point ». Mais je n’ai pas fait de plan. J’ai essayé de fonctionner comme les vieux romans d’épouvante. Comme dans ces films où chaque scène finit sur une accroche. On appelle ça le « cliffhanger ». Tu accroches et tu passes à autre chose. C’est un sentiment de tension permanente. Voila. Et puis en disant un peu où je vais, mais généralement à la fin tout le monde y passe. Ou alors, il y en a une qui s’en sort à moitié amochée.

En regardes-tu encore ?

Oui. J’adore. J’ai vu un truc récemment, mais c’était un truc raté. « Alien vs Predator Requiem ». J’ai été un peu déçu. Un film qui m’a marqué, il y a deux ans, « Wolfcreek » d’un Australien. (Greg Mc Lean NDLR). Très dur. Un pur survival. Il y avait longtemps que je n’avais pas vu un film comme cela. Sinon, il y a beaucoup de choses.

Même dans les anciens ?

Est-ce que je regarde les anciens ? Oui. « Vendredi 13 ». je l’ai revu il n’y a pas longtemps. « Halloween » aussi. « Halloween » est magnifique. Le premier de John Carpenter. La musique, la première scène. J’ai vu aussi le premier que l’on appelle « Beginning » de « Massacre à la tronçonneuse ». Ça ne vaut pas le premier de Tobe Hopper, mais c’est pas mal. Ils n’arrivent pas à capter comme avant, mais c’est bien.

N’as-tu pas peur de te lancer dans ce genre de littérature qui n’est pas trop pris au sérieux ?

Je ne me suis pas posé la question, je t’avoue. Donc, tu sais à la fois il faut soigner ce que l’on fait avec tout son cœur, toute sa sueur. A la fois, il ne faut pas penser plan de carrière et de « comment je vais être reçu, perçu ». J’ai vraiment eu envie de faire ça.

Et ton éditeur a tout de suite été d’accord ?

Oui. Tout de suite. Marion (Mazauric, NDLR) a été fantastique. J’ai vraiment eu envie de me faire plaisir et je suis ravi du résultat. J’ai eu plein d’échos. Il y a plein de gens qui ont aimé. C’est exactement ce que je voulais. Je voulais faire un truc facile à lire.

Tu viens d’obtenir pour ce roman le prix Masterton. Tu connais Masterton ?

Tu peux me rappeler deux ou trois titres ? J’en ai sûrement lu un.

Manitou.

Et bien je n’ai jamais lu. Pourtant, je suis sûr d’avoir lu un Graham Masterton. C’est ça, c’est bien Graham ?

Oui, c’est bien ça. Graham Masterton.

Oui j’ai dû en lire un ou deux. C’est pas lui qui écrit « Indigo » ?

Indigo ? Non je ne pense pas.

J’ai dû en lire. J’étais libraire. Je m’occupais de la SF et du fantastique. Je n’ai pas lu de Masterton ? C’est possible. (rire)

C’est pourtant un auteur connu.

Mais je dois confondre avec cet Anglais que j’aime bien. Il avait fait « Secret Show ».

Barker ?

Oui c’est ça. Clive Barker. Il y avait aussi une suite à ça.

Il avait écrit « Livre de sang ». Clive Barker est surtout connu pour ça.

Oui, mais ça, je n’ai pas lu.

La SF par contre, je ne serais pas capable d’en écrire. C’est vraiment trop dur.

J’ai adoré Peter Hamilton. Je trouve cela génial. Sinon, j’aime aussi « L’échiquier du mal » de Dan Simmon. « Hypérion » et aussi « Ilium » et « Olympos » du même auteur. Ca, j’ai adoré. Quand il faut écrire de la SF, il faut une maîtrise. Je n’en ai pas. Je ne me sens pas capable d’écrire cela. Ce qui me fascine dans la SF ce sont les descriptions scientifiques très pointues. Il y en a un qui était pas mal. Il avait fait « Eternité », « Infinité ». Comment il s’appelait ? Il avait fait aussi « L’échelle de Darwin ». Je ne me souviens plus. (Greg Bear NDLR) Il y aussi Stephenson. Il a fait le « Samouraï virtuel », « Code Enigma ».

Tu as eu déjà plusieurs prix. Où les exposes-tu ?

Ils sont dans un coin. J’ai pensé à un moment les revendre pour acheter un nouvel ordi. Donc, je revends une sculpture en bronze qui est le prix club Med si tu veux. Et le cône de cristal de la comédie française. Un cristal Val St Lambert ! S’il y a un preneur là-dessus avec le nom du ministre de la Culture de l’époque. Et aussi mon petit truc du prix Rossel.

Quel est le prochain prix que tu vises, le Goncourt ?

Je ne vise rien, mais un prix, c’est toujours agréable. C’est une reconnaissance, un encouragement. C’est le dessert en fait. Tu as écris un bouquin. Tu as sué dessus. Tu as un prix. C’est le dessert. Quand tu n’as pas de prix, ce n’est pas grave. Quand tu en as un, c’est génial. Le prix Goncourt. Tu vois ce que c’est. Tu peux pas faire autrement que de maîtriser profondément le système. Tu te dis « si je l’aurais, je serais plein de pognon ». Mais système atroce. C’est le pire. La pire hypocrisie.

J’ai vu que tu t’intéressais à la cuisine, comptes-tu nous fournir un livre de recettes ?

Oui. J’y ai pensé et j’y pense toujours.

Quel est le plat que tu aimes préparer ?

J’aime bien préparer des plats mijotés. Poulet aux raisins avec des tomates. J’aime bien les plats méditerranéens avec une petite sauce et des légumes très verts qui croquent sous la dent.

Tu m’as dis que ce n’était pas encore une profession pour toi. Est-ce que tu comptes vivre un jour de tes écrits ?

Le rêve pour moi, c’est d’écrire un livre tous les deux, trois ans et de n’avoir aucune autre contrainte. Ne plus devoir faire des chroniques pour la radio, les journaux. Ou alors, pour me marrer un coup. Je suis ravi de ma situation actuelle qui me permet de vivre de l’écriture sous toutes ses formes. Mais c’est vrai que je dois travailler beaucoup. Je dois écrire une chronique, une critique ou un sketch, un portrait ou préparer une commande sur telle ou telle chose. J’ai une situation qui me permet de vivre de mes droits, mais cela m’empêche de travailler à la construction d’un roman. Avec le stress permanent. J’ai payé le loyer ce mois-ci. Le mois prochain, ça va, mais le suivant ? Comment je vais faire ? Il faut que je fasse rentrer du pognon. Ça m’ennuie. J’aimerais bien avoir un bon gros compte en banque et me dire « voilà, dans trois ans, je fais un bouquin ».

Tu écris comment ? Tu fais un plan longtemps à l’avance ?

Oui, je pense longtemps à l’avance.

Tu construis dans ta tête ?

Oui en gros c’est ça. Je crois que je fonctionne d’une manière hypertextuelle. Une idée de base, l’histoire, je me documenter un peu sur le contexte. Je lis pas mal. Je regarde des documentaires. Éventuellement, j’interviewe des gens qui te disent des choses et du coup, tu penses à autre chose. En te documentant, tu tombes sur des infos géniales. Il y a des phares au fin fond de la Russie qui fonctionnent avec des piles nucléaires. On les pique pour faire des armes. C’est chouette comme histoire.

Tu as un plan ?

Non. Tu sais plus ou moins où tu veux aller. Et le tout c’est de comprendre comment tes personnages vont se démerder, vont évoluer pour que l’histoire reste intéressante. Qu’il reste de l’énergie.

Pourquoi l’écriture ?

Je trouve cela luxueux comme vie. Pas de patron, pas d’horaire. Ben oui, tu as du stress parce que tu dois bosser. Mais pas de directeur. Je trouve cela génial. J’ai travaillé dix ans comme employé. J’avais un chouette boss, mais passer sa vie à être assujetti à quelqu’un. Dur, dur. Parce qu’aussi c’est l’idée que l’écriture c’est le progrès continu. Tu te dis dans cinquante ans, je ferais encore ça. J’aurais progressé. J’aurais appris. J’écrirais encore mieux. Ca me fascine pas beaucoup de faire toujours le même boulot pour gagner sa croûte à la fin du mois. J’aime bien l’idée que dans nos vies, quelqu’elle soit, qu’il y ait une passion. Qu’il y ait une astreinte qui fasse progresser. Cela peut-être un sport, de la mécanique, le tuning de ta voiture, la peinture, le jardinage n’importe quoi. Mais c’est important d’avoir ça dans sa vie.

Comment as-tu commencé ?

Presque par hasard. J’avais un ordi chez moi et un traitement de texte que mon père avait acheté. Et il fallait que je justifie l’achat.

Donc, j’ai commencé à écrire. Et puis, l’on m’a fait comprendre que c’était chouette. Parce que je suis paresseux, j’ai pas cherché à savoir ce que je pourrais faire d’autre. Je continuais à faire ce que l’on me disait de faire. Tu vois, c’est très con en fait. Je n’ai pas un goût particulier à l’écriture. C’est bizarre. Ça me fait même un peu chier parfois. Mais j’aurais aimé être cosmonaute ou des trucs de précision. Médecin. J’aurai bien aimé avoir une aptitude technique à quelque chose. Bien connaître les moteurs. Bien connaître le corps humain. Pouvoir construire des trucs, réparer. L’informatique, l’électronique tous ces domaines-là. Ingénieur, ça m’aurait plu.

Quelles sont tes autres passions ?

Là maintenant ? J’avais arrêté, mais j’ai vraiment repris sérieusement les arts martiaux. Il y a là aussi cette idée de progrès continu. Au début, tu fais ça quand tu es ado et tu te rends compte qu’il y a plein de choses à découvrir. J’aime bien regarder les combats à la télé. Et j’aime beaucoup tous ces combats qui ne passent pas à la télé en Europe. Les combats libres, le freestyle. Ça me fascine assez.

Les films bien sûr. Je vais être jury au festival du film fantastique de Bruxelles. Je vais prendre mon pied totalement. J’adore ce festival. Tu as de bonnes places tous les jours et c’est gratuit. J’aime aussi le côté retransmettre son savoir à des jeunes. C’est pour cela, j’aime bien le boulot à Saint-Luc en particulier. C’est un vrai boulot d’atelier. On bosse sur les histoires, les scénarios ou on regarde des films. On les explique, on les comprend. On essaie de savoir comment c’est construit.

Aurais-tu aimé que tes livres soient adaptés au cinéma ?

Bien sûr. Il y a peut-être une de mes histoires qui est en train de se faire. Il y a quelqu’un de très intéressant, un vrai pro. Pas connu encore, mais qui est un pro quand même. Il a lancé le projet.

Es-tu satisfait de notre monde ?

Ben non. Je l’ai en horreur. Il est affreux.

Tout est atroce dans ce monde. Non, non, non ! Rien ne fonctionne ! C’est affreux ! Un monde de cauchemar dans lequel on vit ; je trouve qu’il y a une violence terrible permanente. Il y a un niveau de connerie, de cynisme, d’égocentrisme, de méchanceté très élevé. Franchement non. Je vais pas bien. Le monde non plus. Mais tu relativises. Bon, bah on va tous crever, moi aussi dans d’atroces souffrances. Mes gosses aussi.

Quel optimisme !

Oh, mais non. Une fois que tu sais, tu le sais quoi. Mais c’est affreux et ce n’est pas près de s’arranger.

Quel est ton auteur fantastique, de SF préféré ?

C’est toujours le même. Dan Simmons. Je trouve que c’est un empereur. J’aime à la fois ses romans, le personnage. J’aime beaucoup ce qu’il raconte dans ses livres. En fantastique pur pur pur. Je connais mal le fantastique pur. J’en ai pas lu des masses. Le dernier Dan Simmons, j’ai adoré. Cette histoire de vampire, « L’échiquier du mal ». La construction, le suspense, j’ai trouvé cela un exemple.

Clive Barker m’a quand même bien fait rêver. Mais en fantastique pur. Je suis plus cinéma fantastique. Littérature fantastique, je ne connais pas bien.

Et en littérature générale ?

Peut-être des gars comme Bukowski. Il y a aussi des Japonais comme Murakami. Des BD complètement dingues avec une espèce de talk-show post-nucléaire. J’aime bien ça aussi.

Quel est ton roman de SF préféré ?

Oh et bien Dan Simmons, « Hypérion ».

Et en littérature générale ?

Je vais te dire un truc vraiment con, mais « Madame Bovary », c’est quand même quelque chose. Parce que ce sont des auteurs qui avaient vraiment un style … ouah !

Ils avaient des personnages très forts, des émotions très fortes.

Quels sont les derniers livres que tu as lus et que tu recommanderais ?

C’est un livre policier qui s’appelle « Le pic du Diable » d’un Sud-Africain. Il s’appelle… J’ai un trou de mémoire. (Deon Meyer NDLR) mais ce bouquin est magnifique. Super fort et à la fin, je te le jure, tu pleures. Une telle tension, une telle force. Noir noir, ça se passe en Afrique du Sud. C’est violent. Très très bien.

Quel est ton film de SF préféré ?

Mon film de SF préféré ? Je crois que le premier « Alien » est quand même fantastique. J’adore les monstres. C’est de la vraie SF. Très industrielle qui coule, qui fuit de partout. C’est génial. Donc, « Alien » premier du nom. Et en film fantastique, ça serait dans les classiques. « L’exorciste », un grand chef-d’œuvre. Je lisais une critique de l’époque d’un lecteur belge que tu ne connais certainement pas. Il a eu une bonne analyse. On a vu beaucoup de films fantastiques et là, à l’époque c’était quand même assez rare et d’autant plus surprenant. Il y a une résistance de la part des protagonistes du film par rapport au film. Il n’y a pas d’acceptation immédiate. Ce n’est pas « oh mon Dieu un fantôme ! » c’est « non ce n’est pas possible ». C’est très tard que l’on comprend que « oui, au fond il y a peut-être une entité ». Oui, c’est ça « l’exorciste ».

Quel est ton film hors fantastique préféré ?

Je dirais « The Big Lebowski » des frères Coen. J’adore les frères Coen. J’adore « The Big Lebowski ».

Tu as vu leur dernier ? (No country for old men. NDLR)

Non. Je veux le voir, il paraît qu’il est génial !

Quel livre d’un autre aurais-tu désiré avoir écrit, soit parce que tu es jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que tu aurais traité l’idée d’une autre manière ?

Alors, il y en a plusieurs dont je suis jaloux. J’aurais voulu écrire « Hypérion » évidemment. « L’échiquier du mal » aussi. J’aurais voulu écrire aussi Milan Kundera, genre « La vie est ailleurs ». Aussi un Franz Kafka, « La métamorphose ». C’est sûr, tu me demandes, je ne vais pas choisir un « club des cinq ».

Quoique.

Il y aussi « Alice au pays des merveilles ». Ca, j’aurais bien aimé. Il y en a plein. Hubert Selby, les « Brooklyn ».

Quel est ton principal trait de caractère ?

En bien ou en mal ?

Les deux.

Je crois que je suis assez obstiné. Quand je ne comprends pas une chose, je peux passer des jours sur les forums à essayer de comprendre. Pour l’écriture, c’est la même chose. Le sport aussi. C’est même chiant en même temps. Ça m’habite, ça me travaille. Voilà, je suis obstiné.

Qu’est-ce qui t’énerve ?

Qu’est-ce qui m’énerve ? Tout, tout m’énerve. Je m’énerve tout seul quand je ne sais pas faire un truc (bienvenu au club NDLR). Mon ordi m’énerve quand il ne fonctionne pas. Les gens que je vois à la télé m’énervent. Le monde comme il va m’énerve. Les monceaux de clichés que l’on t’envoie par seaux entiers. Hier encore, à la Foire du Livre, les discours de ministres, c’est épouvantable. Cette espèce de mauvaise foi sous-jacente. Au fond, tout le monde s’en fout des livres, des auteurs et des éditeurs. Et on est là, en train de se montrer. Tout m’énerve, tout m’énerve. Comme les gosses peut-être.

Quel est le don que tu regrettes de ne pas avoir ?

Ah. La musique. J’aurais adoré être un bon musicien. Clairement. Jouer d’un instrument. La guitare. C’est mieux pour transporter et puis pour la drague, c’est mieux évidemment.

Quel est votre rêve de bonheur ?

Rêve de bonheur. Un livre, tous les trois ans et ça suffit. Propriétaire d’une maison avec un livre tous les trois ans.

Par quoi es-tu fasciné ?

La violence me fascine. Je dois bien l’avouer. Ça, c’est un truc atroce. Les choses violentes me fascinent. Des images, comme tu peux voir sur youtube, ça me fascine. Ce n’est pas bien.

Tes héros dans la vie réelle ? Si tu en as ?

Ouh là ! Mohamed Ali. Peut-être. Des grandes figures. J’aime bien les mecs comme ça. Je dis ça, mais demain peut-être ça sera un autre.

C’est le premier qui te vient à l’esprit ?

Oui. Je trouve qu’il allie assez fort le charisme, très très puissant. Et qu’il a réussi à imposer une espèce d’image. Il était dans le show, le spectaculaire tout le temps. Et qu’il avait un sens de la formule extraordinaire. Une détermination, une conviction politique, un côté provocateur qui me plaît beaucoup. Un courage incroyable. Et je trouve qu’il a fait fonctionner l’imaginaire de gens et de beaucoup d’auteurs. Je ne sais pas si tu as le bouquin « Le combat du siècle ». Un Américain ? L’ex-petit ami de Monroe ?

Tu m’en demandes beaucoup. Miller ?

Oui c’est ça Miller qui a suivi Ali en Afrique pour le combat du siècle. Comment il raconte cela. La fascination de Miller qui était un journaliste sportif. Jack London comme héros. Des gens comme ça.

Si tu rencontrais le génie de la lampe, quels vœux formulerais-tu ?

C’est assez global. Je lui dirais de changer complètement le monde. Que tout aille mieux subitement. Que les gens se rendent compte qu’ils sont cons et qu’il faut arrêter d’être con et dire des choses. Tu vois ? Et d’une. En fait, c’est un gros vœu. Deuxième vœu. Une maison. Une chouette maison avec un jardin. Troisième vœu. Que les gosses soient heureux.

Ta vie est-elle à l’image de ce que tu espérais ?

D’un côté oui. Par d’autres, il y a des trucs inattendus évidemment. Ça pourrait être mieux, ça pourrait être pire. En gros, l’indice de satisfaction par rapport au bonheur est de soixante-cinq pour cent. Ça va. Il y a pire, mais bon je peux faire mieux.

Cite-nous 5 choses qui te plaisent ?

J’aime bien les gosses, les histoires, les voyages, ne rien a faire et manger et boire.

5 choses qui te déplaisent ?

Le sale petit fond pourrit des êtres humains. Ça me déplaît. En fait, il n’y a que ça. Sans ça, tout va bien.

Last but not least une question classique : tes projets ?

Un roman qui va s’appeler « Manuel de survie à l’usage des incapables » qui me demande pas mal de boulot. Voilà, mais je le sens bien.

Il est prévu pour quand ? Une date ?

On aurait voulu qu’il sorte en septembre, mais ça ne va pas être possible. Alors, je travaille sur d’autres choses. Je travaille sur un scénario de film qui au stade embryonnaire. J’aimerais bien faire de la BD avec une édition. Et j’ai un petit projet pour un texte théâtral. Pour une comédienne que j’aime beaucoup, Isabelle Youri. Ça c’est une date qui est arrêtée, mais ce n’est pas encore écrit. Février prochain. Voilà, ce sont mes prochains projets.

Critique de 10.000 litres d’horreur pure ici !

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