Tous malades

Auteur / Scénariste: 

Distribution de sacs vomitoires

Je ne suis pas un fana du gore and porc ; les yeux qui sortent des orbites ne me ravissent point ; je goûte peu les mares de sang ; quant à la notion d’élégance, je n’en trouve guère aux viscères s’échappant d’une robe en dentelles, fût-elle de Calais. C’est dire si, A PRIORI, je suis un mauvais lecteur de ces poèmes sanguinolents, à l’usage des halloween-agers.

 

Il faut reconnaître, a posteriori, que l’expérience est intéressante. Neil Gaiman et Stephen Jones ont concocté une compilation de textes inhabituels, de vers sadiques traités façon asticots libres, plutôt fleurs du mal et charogne, que bouquet printanier. Se sont relayés à cet exercice de style les plus grands noms du genre affreux, dont le mythique Robert Bloch. L’objet est d’une facture soignée et ne laisse pas imaginer un contenu aussi peu ragoûtant. Tous malades nécessite en effet un cœur bien accroché. On apprend tout sur les cadavres et la manière de les mitonner (T’aimes ta grand-mère ? Hé bien, reprends un morceau), on est enseigné des escaliers et des placards, dont les trous noirs sont rarement innocents, on regarde désormais ses proches avec une inquiétude frisant la paranoïa. Oui, c’est vraiment le genre de recueil que l’on offrirait à son oncle serial killer.

Certes, côté style, on ne monte pas au niveau de Baudelaire, mais est-ce vraiment le but d’un tel ouvrage, essentiellement conçu pour être lu par petits bouts, comme des textes en décomposition, et dans un usage ludique. Encore que… Je me pose malgré moi la question du lectorat. Si ces textes, souvent plus crus que nature morte, sont réellement destinés à des enfants d’une dizaine d’années, j’ai peut-être intérêt à éviter la sortie des collèges. Bon, les éditeurs savent certainement ce qu’ils font. Pour ma part, hormis les illustrations follement drôles et la mise en page qui est très plaisante, je ne peux toucher cet ouvrage qu’une fois toutes les lumières allumées.

Dans mon cercueil, bien sûr.

PS : on va dire que je ne suis jamais content, mais je trouve juste un petit défaut. Je le dis à voix basse, comme ça, je ne serai pas transformé en presse-purée. Oui, je trouve juste que les poèmes ne se distinguent pas assez. Ils traitent des mêmes thèmes, je veux bien, mais quasiment toujours avec la même voix. Alors, l’horreur est répétitive, certes, mais est-ce que M. Cadbury ne pourrait pas faire quelque chose, hein ?

Neil Gaiman Stephen Jones, Tous malades, couverture : Boulet Clive Barker, traduction : Alain Nevant et Gudule, 138 p., Bragelonne

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