Vieille Anglaise et le continent (La)

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C’est en me rendant à Trolls & Légendes que j’ai pu enfin rencontrer Jeanne-A Debats que je connais mieux sous le pseudonyme de Dracosolis. Après un grand nombre de discussions passionnées sur les forums SF et fantasy, j’étais content de la retrouver à Mons. C’était aussi pour moi l’occasion de la lire à travers ses propres textes, en l’occurrence La vieille Anglaise et le continent édité chez Griffe d’encre. Par définition, les livres qui parlent de la mer et de ce qui s’y trouve ne m’ont jamais emballé. Il y quelques exceptions, comme Aquatica de Corinne Guitteaud (que je venais de racheter à Trolls & Légendes justement après avoir longuement parlé avec Corinne qui était aussi présente). J’ai lu cette novella entre deux grosses briques SF. D’habitude ce sont les livres d’ActuSF qui jouent ce rôle. Pour une fois, c’est un livre édité par Griffe d’encre.

La vieille anglaise s’appelle Lady Ann Kelvin, docteur, biologiste et écologiste qui arrive au terme de son existence. Un jour, Marc Sénac lui propose de transférer son esprit dans celui d’un cachalot plutôt que dans celui d’un clone, ce qui prolongera légèrement son existence. Ann Kelvin saute sur cette opportunité, et la novella va nous raconter comment elle va prendre le contrôle de ce cétacé. Un chapitre sur deux est lui est consacré dans son corps de baleine mâle, tandis que l’autre chapitre est raconté à la première personne par Marc Sénac.

Jeanne ne se contente pas de raconter une histoire de baleine. Elle nous décrit aussi ces cétacés d’un point de vue biologique et comportemental, dans un écosystème de plus en plus en danger. On apprend qu’il ne suffit pas de transposer un esprit dans un autre corps pour que ce dernier arrive à le maîtriser, mais qu’il y a aussi une adaptation nécessaire à faire. Il y a des sens qui sont plus ou moins développés, voire absents chez l’un des deux (le sens de l’orientation par exemple), et qu’il y a l’inné et l’acquis qui sont totalement différents.

Jeanne a manifestement étudié le sujet en profondeur avant de l’écrire sur son ordinateur. La disparition des cétacés est sous-jacente dans cette novella. On le remarque avec la traque faite par les baleiniers ou les déchets toxiques que notre civilisation dépose dans les océans. Sans complaisance, sans larmoiement, sans moraliser le lecteur, Jeanne écrit dans un style fluide, parfois amusé, parfois désabusé. Les personnages principaux sont attachants. Ann Kelvin semble aigrie par une longue existence. On dirait un vieux dragon. J’espère qu’il n’y a pas de parallèle à faire avec son auteur !

La vieille anglaise a raflé plusieurs prix (le grand prix de l’Imaginaire 2009 et le Julia Verlanger 2008). Ce n’est pas anodin car Jeanne connait très bien la science-fiction (je m’en suis rendu compte depuis longtemps dans nos discussions sur la toile). Il y a certaines choses qui m’ont échappées car la mer n’a jamais été ma tasse de thé. L’allusion à Susan Calvin m’a également échappé car j’ai lu le cycle de Fondation d’Isaac Asimov, et pas le cycle des robots.

Mais dans l’ensemble, je dirai que la vieille anglaise et le continent est une novella qui se laisse lire et qui m’incite à être attentif aux prochains textes écrits par Jeanne-A Debats.

La vieille Anglaise et le continent, Jeanne-A Debats, Griffe d’Encre, 2008, 77 pages

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