Contes myalgiques I

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Nathalie Dau est l’une de ces fées merveilleuses qui illustrent le paysage de l’Imaginaire actuel. Comme ses collègues Mélanie Fazi, Sylvie Laîné, Sylvie Miller ou Claire Panier-Alix, elle hante parfois les foires et conventions du fandom.

C’est ainsi que j’ai eu le bonheur de la rencontrer à Bellaing lors de la 33ème Convention nationale française de science-fiction en 2006, après avoir fait sa connaissance virtuelle sur quelques listes. Et publié pour « Phénix » une très enthousiaste critique de son anthologie L’Esprit des bardes parue en 2003 chez Nestiveqnen, joyau thésaurisé par tous les amoureux de la Fantasy.

Nathalie Dau a fait paraître de nombreuses nouvelles dans diverses revues telles Faëries, Univers Chimères, Horrifique, Lunatique ou Géante rouge, mais le présent recueil est le tout premier ouvrage qui lui est entièrement consacré. D’où son importance. Le terme arrimé de ‘myalgiques’ évoque la souffrance, souffrance ressentie par l’auteure victime de cette douloureuse maladie musculaire qu’est la fibromyalgie, mais souffrance aussi vécue par tous les personnages de ses onze nouvelles. Et ce dès la première phrase : « Elle avançait pliée, les reins endoloris. ». Eprouvée dans son corps, Nathalie Dau projette la douleur dans ses contes, cruellement, ironiquement ou tendrement. Narratrice comme ces bardes dont elles circonscrivait l’esprit, elle parcourt les mythologies les plus diverses, bretonne bien sûr, mais également lorraine, provençale, scandinave, sibérienne ou même hindoue. Sans oublier l’époque contemporaine.

On sort ébloui de ces univers si multiples, si chatoyants. Il m’est impossible de tout citer. Mais je puis confier mes coups de cœur. Celui pour Bonne année ! par exemple, cinq pages de pure poésie épique. Ou pour Aenor, dans lequel le folklore breton se pare de toute une dimension fantasmagorique. Faux pas est probablement le texte le plus brillant, le plus drôle aussi, ressortissant d’un genre rare : l’humour chamanesque. Dans le style ‘pure fantasy’, Lucine est une manière de chef-d’œuvre. Princesse/sorcière violée par son royal père, elle assouvit, dans la forêt et à répétition, sa terrible vengeance. Autre chef-d’œuvre, totalement différend, Demain les trottoirs décrit l’aventure singulière de Rat d’pavé, pauvre enfant de la rue râlant sur son destin, qui asservit une fée pour assouvir sa soif de pouvoir. Il finira par libérer sa fée mais l’histoire conclut par une ellipse aussi tragique que saisissante.

Le recueil clôt sur Vale frater, fragment futur d’une épopée qui frappera.

Tous différends qu’ils soient, ces onze récits témoignent d’une sensibilité exceptionnelle, et d’une qualité rare en littérature, celle que connaît si bien un Robert Silverberg : la compassion. Nathalie Dau est sans doute trop discrète pour l’avouer, mais le signale, en parsemant ses textes de gemmes que le lecteur cueillera délicatement. Vraie voix fantastique, elle parlera longuement à notre subconscient au travers de ses images éblouissantes et souvent bouleversantes. Son style, en outre, parfois ô si précieux, est superbe. Signalons enfin la jolie couverture de Magali Villeneuve et la postface de Jean Milleman, qui éclaircit beaucoup de choses (mais pas tout).

Nathalie DAU, Contes myalgiques I– Les Terres qui rêvent, Illustration : Magali Villeneuve, 156 p., Griffe d’Encre, Editions, Bréchamps.

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