Oeuvres complètes II

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Dans une précédente livraison, je vous ai longuement parlé de Francis Bordes, le préhistorien/auteur de romans et de nouvelles de science-fiction sous le nom de Francis Carsac. Voici le second et dernier tome de ses œuvres complètes, que les Éditions Lefrancq ont eu l’excellente idée de rééditer.

Il comprend tout d’abord deux romans jadis célèbres. Le premier "Terre en fuite" (1960) nous conte, narrée par un de nos lointains descendants, l’épopée prodigieuse de notre planète, accompagnée de Vénus, fuyant l’explosion du Soleil. Mise sur orbite, elle entame un voyage fantastique, à la recherche d’un asile… E.R. Burroughs (pour le sens haletant de l’aventure) et O. Stapledon (pour la vision cosmique), l’ouvrage se lit avec plaisir.

Le second, plus connu, "Pour patrie, l’Espace !" (1962), est très différent, quoique tout aussi original. Tinkar, officier de l’Empire, est perdu et va mourir. Il sera récupéré in extremis par "le peuple des étoiles", sortes de nomades de l’univers, ayant érigé une civilisation autonome, vaguement utopique, en guerre avec les Mpfifis, aussi cruels que les Misliks de "Ceux de nulle part". Amours et duels agrémentent sa nouvelle vie. Amoureux d’Anaena, la fille de Teknor, il aimera également Iolia, fille des "Pèlerins", clergé présent sur le vaisseau, et les relations entre les deux femmes ne sont pas sans évoquer celles entretenues par les héroïnes d’Abraham Merritt… Tinkar reviendra sur Terre, mais pour repartir définitivement avec son nouveau peuple. Fin très philosophique et légèrement didactique.

"La Vermine du Lion" (1967) est son dernier roman, précédé par deux nouvelles : "Dans les montagnes du destin" et "Les Mains propres". L’ensemble décrit, de manière très brillante, le conflit entre un héros "pur et dur", Teraï Laprade, accompagné de Léo, un "superlion" génétiquement amélioré, et le BIM, multinationale tentaculaire. Si les deux nouvelles préliminaires nous montrent un Teraï doux et intéressé par la découverte d’autres êtres avec qui vite il fraternisera, le roman, étrangement, fera du héros un baroudeur ayant presque des allures de forban. Son combat sera celui de la préservation de la planète Eldorado contre l’emprise du BIM, la sauvegarde de la pureté menacée… Guerres de religion, fanatisme, violence, tortures, tout y est ! Il perdra la fascinante Stella, tuée par un fanatique et tout se terminera dans une ambiance douce-amère, à nouveau philosophique.

Les nouvelles sont tout aussi passionnantes, quoique Carsac ait dit se sentir moins à l’aise dans ce genre. Je retiendrai surtout leur climat mélancolique ("Taches de rouilles", "Sables morts" "Une fenêtre sur le Passé"), sarcastique (le très célèbre et ultracourt "Genèse", mais aussi "Le Baisier de la Vie" ou "La Voix du Loup"). Plusieurs sont bien évidemment marqués du sceau de la Préhistoire, domaine d’élection du professeur Bordes, et il n’est pas étonnant qu’il ait traduit la superbe nouvelle de Poul Anderson "The Long Remembering", incluse ici. Les deux meilleures nouvelles, à mon avis, sont "Tant on s’ennuie en Utopie", méditation sur la liberté vraie ou subie, à méditer longuement, et "Celui qui vint de la grande eau", récit de l’arrivée du dernier Atlante en pleine Préhistoire, évoquant tant C.S. Lewis que C.A. Smith.

Ce second "Volume", tout aussi joliment illustré que le premier, se termine par quelques textes non fictionnels de Carsac : une préface à "La Guerre du Feu" de Rosny aîné, une conférence sur les rapports entre SF et Préhistoire, et une interview recueillie en 1967. Remarquable achèvement.

Francis CARSAC, Œuvres complètes II, Claude Lefrancq, collection " Volumes "

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