Bouh ! de Cath Bardy

Kyle finissait enfin de déballer le dernier carton de ses affaires. Quelques jours plus tôt, il avait signé le bail pour son appartement étudiant, après des semaines passées à écumer les petites annonces. Quand il était tombé sur celle de son nouveau chez lui, il n’avait pas hésité une seconde : un loyer presque deux fois inférieur à tous ceux qu’il avait déjà vus, les transports en commun en bas de la rue et un supermarché à deux pas de l’immeuble. Le plan parfait.

Bien sûr, il s’était posé des questions. Une telle annonce cachait forcément quelque chose. Kyle ricana en se souvenant de la réponse de l’agent immobilier : un fantôme hanterait les lieux. Sérieusement ? Et pourquoi pas les portes de l’Enfer aussi, tant qu’on y était ? Les gens gobaient vraiment n’importe quoi de nos jours.

Épuisé, il se laissa tomber en travers du canapé vieillot et pas très confortable. Mais, pour le prix du loyer, il n’allait pas faire la fine bouche.

Une heure plus tard, le premier plat de sa nouvelle vie d’indépendant englouti, il se dirigea vers le frigo pour un dessert. Mais, avant d’arriver à destination, un bruit dans son dos le fit se retourner vivement. Posant ses yeux bleus sur la corbeille de fruits, il fronça les sourcils en constatant qu’une pomme en était tombée. Il haussa finalement les épaules : il avait peut-être donné un coup dedans en passant, sans s’en rendre compte. Il reposa le fruit dans la corbeille, puis reprit sa route.

*POF*

Kyle se retourna à nouveau et vit que la pomme était encore tombée. C’était quoi, ce délire ? Il repensa à ce que lui avait dit l’agent immobilier : « Certaines personnes racontent que cet appartement est hanté ». Non, il ne croyait pas à ces foutaises. Les histoires de fantômes, c’était bon pour faire peur aux enfants le soir d’Halloween. Le meuble ne devait tout simplement pas être à niveau et la corbeille de fruits trop pleine.

— Tu veux que je te mange ? demanda-t-il en prenant le fruit dans sa main et en l’amenant devant ses yeux.

Puis, il croqua dedans et ajouta :

— Bah, t’as gagné !

Le lendemain matin, Kyle se réveilla en pleine forme. Il avait très bien dormi. Aucun bruit étrange ne l’avait réveillé dans la nuit. Si l’appartement avait vraiment été hanté, il n’aurait pas aussi bien dormi, n’est-ce pas ?

« Tu as regardé assez de films d’horreur pour savoir que ça ne commence pas forcément la première nuit », souffla une petite voix dans sa tête.

— Rah ! C’est n’importe quoi !

Il se leva et partit dans la salle de bain. Une bonne douche lui ferait le plus grand bien. Après avoir retiré son caleçon, il entra dans la cabine et ouvrit l’arrivée d’eau.

— Ah !

Un cri un peu trop aigu sortit d’entre ses lèvres. Il était habitué à ce que ce soit chaud tout de suite. Or, là, elle était très froide. Quelques minutes plus tard, de l’eau plein les yeux, il tendit le bras à l’extérieur, tâtonnant pour trouver sa serviette. Finalement, celle-ci atterrit sur sa tête, comme si quelqu’un la lui avait lancée.

— Ah ! Merci ! fit-il par réflexe.

S’essuyant le visage, il se figea tout à coup. Merci ? Mais… Il était censé être seul. Il découvrit son visage et regarda partout autour de lui. Il ne semblait y avoir personne. C’était quoi, ce bordel ? La serviette lui serait tombée dessus ? Kyle était un peu dubitatif. Mais c’était toujours plus plausible, pour lui, qu’un fantôme.

Les jours suivants, si les nuits restèrent parfaitement calmes, il y eut de nouveaux incidents qui le laissèrent perplexe. Comme un objet qu’il était sûr d’avoir mis à un endroit et qui se retrouvait ailleurs, sans qu’il ait le souvenir de l’avoir déplacé lui-même. Ou encore, quand une porte s’ouvrait toute seule. Mais à chaque fois, il mettait cela sur le compte d’une étourderie de sa part ou d’un courant d’air.

Un soir, il s’installa devant la télévision pour regarder un film. On le lui avait conseillé plusieurs fois, mais il n’avait encore jamais pris le temps de le voir. Il en était déjà à trente minutes de visionnage quand il sursauta pour la première fois. Pensant que c’était un film fantastique, il ne s’était pas attendu à des scènes angoissantes – et une scène où une ombre passe devant la caméra était définitivement angoissante.

Lorsqu’il sursauta la deuxième fois, ce ne fut cependant pas à cause du film. Quelque chose venait de tomber dans la cuisine. Il se leva pour aller voir, mais il ne trouva rien sur le sol. Tout semblait à sa place. Qu’est-ce que c’était que ce délire ? Il avait l’impression de devenir paranoïaque, à force.

Il retourna sur le canapé et remit le film en route. Il restait néanmoins tendu, ne pouvant s’empêcher de lancer des œillades derrière lui de temps en temps. Il avait la très désagréable impression d’être observé. C’était à tel point que, par moment, il sentait tous les poils de sa nuque se hérisser.

Quand le film se termina enfin, il se sentait toujours mal à l’aise. Cette impression que quelqu’un le fixait dans l’ombre ne le quittait pas. Il soupira et se leva, déterminé.

— Bon, ça suffit, Kyle ! se morigéna-t-il. Tu vas arrêter de psychoter tout de suite. Cet appartement n’est pas hanté. Il n’y a personne d’autre que toi ici. Et surtout pas un fantôme ! Parce que les fantômes, ça n’exi…

Il s’arrêta tout à coup en plein milieu de sa phrase. Il s’était dirigé vers sa chambre en parlant. Et là, dans le couloir, devant lui, se tenait un homme qui ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans. D’une pâleur extrême, presque verdâtre, ses yeux verts cernés et ses cheveux noirs en bataille ne lui donnaient pas l’air très avenant. L’inconnu releva un sourcil, comme s’il ne comprenait pas pourquoi Kyle le regardait avec des yeux écarquillés de surprise.

— Putain, mais t’es qui, toi ? Qu’est-ce que tu fous chez moi ? Et comment t’es entré, d’abord ?!

Ce fut au tour de l’autre de regarder Kyle comme si on venait de lui dire le truc le plus improbable qui puisse exister. Ce dernier s’attendait à tout comme réponse. Du « Je suis un cambrioleur » au « Je me suis trompé d’appartement », en passant par « Je cherchais les toilettes et je me suis perdu ». Mais certainement pas à ça !

— Tu peux me voir ?

— Bien sûr que je te peux te voir, Dugland ! Je ne suis pas aveugle !

— La plupart des gens ne peuvent pas voir les esprits, même quand nous essayons de nous rendre visible.

— Les esprits ? Tu te moques de moi ? Les fantômes n’existent pas !

Cette fois, un sourire amusé étira les lèvres fines de l’inconnu.

*Pschiiiiit*

À ce son, Kyle eut l’impression qu’un ballon était en train de se dégonfler. Mais ce ne fut pas ce qui le figea d’effroi. Ce fut plutôt le fait que le type, qui était devant lui, quelques secondes plus tôt, avait disparu. Comme ça. Pouf ! Envolé !

— Ça y est, je deviens fou…

Il sentit tout à coup quelque chose de froid toucher son épaule. Dans un sursaut, il se retourna vivement pour se retrouver de nouveau face à l’inconnu.

— Bouh ! fit celui-ci avant de rire.

Kyle, lui, ne riait pas. Il venait de perdre toute couleur sur son visage. Ses yeux se révulsèrent et il tomba dans les pommes.

Il fallut plusieurs minutes avant que l’étudiant ne reprenne enfin ses esprits. Lorsqu’il souleva ses paupières, ce fut pour tomber sur le visage blafard du fantôme. Il cilla un moment, puis se frotta les yeux en se redressant brusquement. Il ne parvenait pas à croire ce qu’il avait devant lui, regardant l’intrus avec un air éberlué.

— Tu peux arrêter de me fixer comme ça ? demanda l’esprit après un long moment de silence. C’est perturbant.

— Perturbant ? dixit le mec qui apparaît de nulle part. C’est le monde à l’envers… T’es vraiment un fantôme ? l’interrogea Kyle après un autre silence.

— Oui. Je m’appelle Ethan. Je…

Kyle ne le laissa pas terminer et se leva pour se mettre à courir en direction de l’entrée.

— Hé ! Mais où tu vas ? demanda Ethan en apparaissant à côté de l’humain qui venait de prendre ses clés.

Clés qui tombèrent au sol au sursaut de leur propriétaire, alors que celui-ci poussait un cri de surprise. Le fantôme ramassa le trousseau et le remit à sa place, sur le petit meuble de l’entrée.

— S’il te plaît, ne t’enfuis pas. Tu es le premier à me voir et à m’entendre ! Tu n’imagines pas comme c’est ennuyeux ici, tout seul…

Sans l’écouter, l’étudiant récupéra ses clés et tenta de reprendre la fuite. Mais il n’eut pas le temps d’arriver à la porte, qu’Ethan s’y trouvait déjà et lui barrait le passage. Il ne se démonta pas pour autant et, fronçant les sourcils, déclara avec détermination :

— Je m’en fiche, que tu sois sur mon chemin. Puisque t’es un fantôme, je vais te passer au travers !

Il amorça donc le geste pour mettre la clé dans la serrure, y allant un peu à l’aveuglette, puisque le corps du défunt lui cachait la vue. À sa plus grande surprise, le métal de la clé s’enfonça de quelques centimètres dans le ventre d’Ethan, mais il ne le traversa pas. Ils restèrent ainsi quelques longues secondes, se regardant dans le blanc des yeux, avant que Kyle ne fasse un bond en arrière, lâchant de nouveau ses clés comme si elles l’avaient brûlé.

— Nom de Dieu ! C’est quoi, ce bordel ?

— Je peux moduler ma consistance.

— Ah ouais ? Bah tiens, alors !

L’humain se jeta sur le fantôme pour lui asséner un coup de poing au visage. Malheureusement, le fantôme avait apparemment anticipé et sa main termina sa course dans le bois de la porte avec un bruit sourd.

— Ah ! Putain ! Ça fait mal ! cria-t-il en maintenant ses doigts blessés contre son torse.

— Tu devrais arrêter de faire autant de bruit. Les voisins vont finir par se plaindre.

— C’est de ta faute ! Et puis d’abord, c’est mon appart, c’est moi qui paie. Alors, c’est à toi de partir ! Sors de chez moi !

— Je ne peux pas. J’ai déjà essayé, crois-moi.

Ethan baissa les yeux, visiblement triste. Déjà que son apparence ne lui donnait pas un air très enjoué à la base, maintenant il avait carrément l’air d’un suicidaire. Kyle commença à éprouver de la pitié. Après tout, même si c’était un fantôme, il ne lui avait fait aucun mal jusque là. Ses phalanges rougies n’étaient que le fruit de sa propre bêtise.

Des coups retentirent soudain à la porte, faisant sursauter les deux hommes.

— C’est pas bientôt fini, ce boucan ? Y en a qui aimeraient dormir ! Les jeunes, de nos jours..., râla un homme à la voix éraillée à travers la porte.

— Je te l’avais dit, fit Ethan.

Kyle lui lança un regard noir, avant de se rendre dans la cuisine pour mettre de la glace sur sa main. Il pesta quand il se rendit compte qu’il n’avait pas préparé de glaçons. En fait, il n’avait rien dans son congélateur. Et bien sûr, il n’avait pas non plus d’antalgiques – ce n’était pas comme s’il avait prévu de frapper sa porte d’entrée.

— Tu permets ? demanda tout à coup Ethan en apparaissant à côté de lui, le surprenant encore.

— Sérieux, mec, arrête d’apparaître comme ça, de n’importe où ! C’est flippant !

— Désolé. Je ne le contrôle pas vraiment. D’habitude, on ne me voit pas.

Tout en disant cela, le fantôme prit le poing blessé de l’humain entre ses mains. Si ce dernier eut pour premier réflexe de vouloir le récupérer et s’éloigner, il se laissa finalement faire. Il ne sentait pas les mains d’Ethan comme celles d’un autre être humain. La sensation était différente. Mais le froid qui s’en dégageait était assez agréable pour refouler la douleur. Kyle s’assit sur une chaise autour de la table, le fantôme sur ses talons, tenant toujours sa main et s’installant face à lui.

— Ça fait des jours que j’essaie de faire en sorte que tu me voies, sans succès. Alors, je m’étais résolu à seulement t’aider. Je n’ai jamais voulu te faire peur.

— M’aider ? En faisant tomber des pommes jusqu’à ce que je les mange ? En changeant les objets de place ?

Ethan haussa les épaules. Lui, il avait l’impression d’avoir aidé. Les pommes, c’était bon pour la santé. Et un peu de rangement ne faisait jamais de mal.

— Tu es ici depuis combien de temps ? demanda finalement l’étudiant.

— Dix ans.

— Tu es mort de quoi ?

— J’ai glissé sur ma savonnette dans la baignoire et me suis brisé la nuque.

L’étudiant laissa échapper un petit rire et regarda son colocataire forcé d’un air perplexe.

— Tu te fous de moi, là, n’est-ce pas ?

Le regard blasé qu’il reçut lui disait que, non, ce n’était pas une blague. Y avait-il façon plus stupide de mourir ? Probablement, mais il ne parvenait pas à en trouver une sur le moment.

— D’accord. Tu es donc mort ici. C’est pour ça que tu ne peux pas partir ?

— J’imagine.

— Il se passe quoi, si tu tentes de sortir ?

— C’est comme s’il y avait un mur invisible.

— D’ailleurs, tu peux passer à travers les murs ?

— Non. Enfin, je n’ai jamais essayé, en fait. Les portes, c’est bien.

Kyle resta songeur quelques instants, avant de reprendre ses questions.

— Et pourquoi tu n’as pas trouvé le repos ?

— Je ne sais pas. Dans les films, on dit souvent que c’est parce que la mort était violente.

— C’est sûr, une savonnette, c’est très violent…

Il ne put s’empêcher de rire à cette remarque. Néanmoins, cela sembla grandement déplaire au fantôme qui disparut tout à coup.

— Oh, allez, Ethan ! Te vexe pas. Tu ne peux pas me reprocher de trouver ta mort complètement stupide. N’importe qui rirait aussi, à ma place.

Il attendit un moment, mais le fantôme ne revint pas.

— Très bien. Continue de bouder. Moi, je vais me coucher.

Malgré la découverte de son colocataire appartenant au monde des esprits, Kyle dormit très bien. En fait, il se disait qu’il avait très certainement fait un rêve. Il se retourna dans son lit, profitant un peu des quelques minutes qu’il avait encore avant de devoir se lever. Puis, il ouvrit les yeux, pour tomber dans des iris verts cernés d’énormes valises. Il cligna des paupières une fois. Deux fois. Trois fois, et…

*BAM*

Kyle était tombé du lit.

Surprise, il avait reculé précipitamment et, dans sa chute, s’était cogné la tête contre la table de chevet.

— Aïe ! Putain ! C’était pas un rêve ?

Se frottant l’arrière du crâne, il se releva et regarda Ethan. Non, à l’évidence, la soirée d’hier n’avait pas été un rêve. Parce qu’il ne se souvenait pas avoir ramené quelqu’un chez lui, ni avoir été à une soirée où il aurait bu assez pour oublier un tel détail.

— D’accord, nous allons vraiment devoir instaurer quelques règles.

Les jours suivants se passèrent relativement bien. Les deux hommes apprenaient à cohabiter ensemble. Ethan faisait des efforts pour éviter de surprendre Kyle. Et celui-ci évitait au possible de parler de la mort du fantôme et de s’en moquer.

Ce jour-là, s’ennuyant ferme, ils avaient décidé de faire une partie de Scrabble. Le fantôme venait de poser ses lettres et s’exclama fièrement :

— Mot compte double !

— Attends… Rotoscoper ? C’est quoi ça ? Je suis sûr que ce n’est même pas dans le dico.

Kyle attrapa son Larousse et vérifia.

— J’ai raison : « Rotoscoper », ça n’existe pas ! T’as dû confondre avec « Rotoscopie ».

— C’est ton dictionnaire qui est trop vieux, marmonna Ethan en réponse.

— Il a été édité après ta mort, je te signale.

Pour se venger, le fantôme remplaça plusieurs lettres de son adversaire pour lui rendre la partie plus difficile.

— Hé ! Je croyais que t’étais un gentil fantôme, comme Casper…

— Les apparences sont parfois trompeuses.

Il lança un sourire narquois à l’humain, content de son petit tour.

Un matin, Kyle se réveilla avec la sensation de dormir dans un lit de glaçons. Il ouvrit les yeux, ne comprenant pas ce qu’il lui arrivait. Il était pourtant bien emmitouflé dans sa couette. Ce fut en sentant comme un courant d’air froid sur la peau de son bras qu’il comprit. Il se retourna et… Bingo !

— Ethan… On en a déjà parlé. Si tu m’approches trop, je vais finir congelé...

— Désolé, fit le fantôme en se mettant à l’autre bout du lit, le plus loin possible de l’étudiant, sans pour autant en sortir. C’est seulement que… les contacts humains me manquent.

Il était assez fréquent qu’Ethan se lamente sur sa vie de fantôme. Kyle se disait parfois qu’il ferait peut-être mieux de prendre garde à ne pas rester trop longtemps seul avec lui, histoire de ne pas finir dépressif à son tour. Cela dit, il éprouvait aussi une certaine compassion pour cet homme qui était mort bien trop tôt, dans des circonstances des plus bêtes. Mais il ne voyait vraiment pas comment l’aider. Que pouvait-il faire pour que le fantôme trouve le repos éternel ? La réponse lui vint soudain clairement à l’esprit : un médium !

— Je sais ce qu’il te faut.

Le samedi suivant, la sonnette de l’appartement retentit. Kyle alla ouvrir à Madame Charaine, la médium qu’il avait contactée quelques jours plus tôt. Il lui avait dit qu’un fantôme hantait son appartement et qu’il aimerait l’aider à passer de l’autre côté.

— Oh là là, mon garçon, s’écria-t-elle en entrant. Mais cet endroit est plein d’esprits ! Et pas tous bons. Mais n’ayez aucune inquiétude, je vais vous en débarrasser ! Je suis très douée pour ça !

Les deux hommes se regardèrent, sceptiques.

— Je suis tout seul ici, je t’assure, répondit Ethan à la question muette de Kyle.

Ce dernier invita cette dame, d’un âge assez avancée – caricature fidèle de la médium qu’on voyait souvent dans les films –, à s’asseoir à la table. Il lui fournit tout ce qu’elle demandait : des bougies, de l’encens, un verre et de l’eau. Il s’assit ensuite en face d’elle tandis qu’elle fermait les yeux.

— Hum… Je perçois quelque chose. Je crois que j’entre en contact avec l’un d’eux. Oui !

Elle ouvrit vivement les yeux.

— Je peux le voir ! Quel est ton nom, esprit ?

— Ethan, répondit celui-ci, même si la femme ne le regardait pas du tout.

— Kyle, l’esprit qui vous hante s’appelle Yvan.

— Euh… En fait, il s’appelle Ethan, répondit l’étudiant, commençant à se demander s’il avait finalement eu une bonne idée.

— Oui, c’est ce que j’ai dit ! s’énerva-t-elle en le regardant avec un froncement de sourcils. Bien, continuons.

Pendant les dix minutes qui suivirent, le même schéma se reproduisit : elle posait une question, Ethan répondait, elle donnait à Kyle la réponse qu’elle prétendait avoir entendu et ce dernier la corrigeait. Le fantôme soupira. Cette femme était un escroc.

— Elle est vraiment pitoyable, affirma-t-il.

— Je suis tout à fait d’accord, répondit Kyle.

— Plait-il ? Vous avez dit quelque chose, jeune homme ?

— Je disais que, finalement, j’allais rester avec mon fantôme. Il est très bien ici.

— Quoi ? Mais, enfin, il faut l’aider à trouver le repos ! Et vous ne pouvez pas rester avec tant de mauvaises ondes autour de vous !

— Ça ira. Je pense que j’y survivrai.

Il voulut la faire sortir, mais, malgré son apparence chétive, la veille femme ne se laissa pas faire, hurlant qu’elle devait être payée.

— Ethan, un coup de main ne serait pas de refus… avant qu’elle n’ameute tout l’immeuble.

Le fantôme disparut et revint quelques instants plus tard… avec une pile de savonnettes qu’il posa sur la table. Il en prit une et la jeta sur la soi-disant médium. Celle-ci arrêta tout à coup de se débattre et regarda d’où venait le projectile.

— Par tous les Saints ! s’exclama-t-elle avec de grands yeux écarquillés.

Ethan prit un nouveau savon dans sa main et l’envoya directement sur la tête de Charaine. Reprenant ses esprits, elle se mit à courir vers la porte, tandis qu’un autre pain de savon l’atteignait dans le dos.

— Un démon ! Vous êtes hanté par un démon ! cria-t-elle avant de disparaître dans les escaliers.

Kyle referma la porte en riant.

— L’agresser avec du savon. Sérieusement ? C’est pas très Casper, tout ça. Mais je reconnais bien là le traumatisé des savonnettes que tu es.

Ethan lui lança un regard noir tout en prenant le dernier pain de savon qu’il restait sur la table. L’humain se calma instantanément et leva les mains en l’air.

— C’est bon, je ne me moquerai plus ! On se fait un film ? proposa-t-il pour changer de sujet.

— Un film d’horreur ?

— D’accord. Mais tu as interdiction de me faire peur.

Pour toute réponse, le fantôme lui offrit un sourire en coin. Bien évidemment, durant le film, il disparut, sans que l’étudiant ne le remarque. Il attendit le moment critique, quand la musique devint pesante, et se plaça derrière Kyle. Quand il sentit l’angoisse à son comble, il souffla à l’oreille de son colocataire forcé :

— Bouh !

 

Ou à lire en PDF http://www.phenixweb.info/sites/default/files/bouh-cath-bardy.pdf

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