Avant que le monde ne se ferme

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Anton Torvath est tzigane et dresseur de chevaux. Né au coeur de la steppe kirghize peu après la Première Guerre mondiale, il grandit au sein d'un cirque, entouré d'un clan bigarré de jongleurs, de trapézistes et de dompteurs. Ce "fils du vent" traverse la première moitié du "siècle des génocides", devenant à la fois témoin de la folie des hommes et mémoire d'un peuple sans mémoire. Accompagné de Jag, l'homme au violon, de Simon, le médecin philosophe, et de la mystérieuse Yadia, ex-officier de l'Armée rouge, Anton voyage dans une Europe où le bruit des bottes écrase tout. Sauf le souffle du vent.

 

Comment rendre justice à ce roman magnifique ? Un gros coup de coeur pour moi, lu en quelques heures.

Alain Mascaro nous fait découvrir le peuple tzigane, tant décrié et tant honni, et tellement méconnu finalement.

Au début de l'histoire, il nous dépeint en quelques touches d'impressionniste la famille et la vie d'Anton, jeune garçon puis jeune homme. Dès la première page, l'écriture nous happe dans les méandres d'une poésie à la fois tendre et sauvage : "Dès qu'une âme s'envolait, une autre se posait dans le creuset d'une mère, sous l'orbe d'un ventre rond comme un monde". Le ton est donné...

Le choix de la période historique n'est pas anodin, puisqu'avec l'irruption violente de la Seconde Guerre mondiale dans la vie de ces nomades peu attachés à une terre ou à une nation, l'auteur nous rappelle que le peuple tzigane a tout autant été persécuté, traqué, emprisonné et assassiné que les juifs ou les malades mentaux. Cette partie du roman est d'une douloureuse âpreté, d'un réalisme parfois cru qui n'est pas sans rappeler le Primo Levi de Si c'est un homme. Anton erre dans les campagnes, les ghettos, les camps de la mort, se raccrochant à ce qu'il peut pour garder vivante une minuscule étincelle d'humanité, pour ne pas sombrer. Sa route est parsemée de rencontres aussi lumineuses que tragiques. Avec entêtement, le jeune homme navigue entre folie et désespoir et utilise son passé pour supporter son présent, sans toutefois envisager un quelconque futur.

Puis vient la fin de la guerre et la douloureuse tâche de la reconstruction. Le roman prend alors un tournant à la poésie plus fantasque à la manière d'André Dhôtel, peuplé de personnages lunaires qui m'ont rappelé ceux des romans de John Irving. L'écriture reste superbe du début à la fin, provoquant frissons et émotions fortes.

À la fois conte comme ceux de la tradition orale des tziganes, récit initiatique, fable historique, conte philosophique voltairien, Avant que le monde ne se ferme ne peut laisser indifférent. C'est également une dénonciation salutaire des crimes nazis et un appel à la liberté, d'un humanisme bouleversant. Roman de dualité où ténèbres alternent avec soleil.

Lisez-le, je vous garantis que vous en sortirez sonnés, mais tellement meilleurs !

 

Avant que le monde ne se ferme d'Alain Mascaro, J'ai Lu, ISBN 978-2-290-37476-4, Prix 7,60 €

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