Amour, la mort (L')

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Entre vieilles légendes sioux, bas-fonds de Bangkok, futur dystopique et passé recomposé, Éros et Thanatos dansent ensemble pour mieux révéler les fêlures humaines. Quand l'horreur se pare de douceur, que le fantasme se fait fantastique et cruel, que la drogue du passé tue pour oublier le présent... Cinq nouvelles qui montrent toute la palette d'écriture de l'auteur d'Hyperion, de Terreur et de L'Échiquier du mal.

 

L’amour, La Mort…Mon premier waouuuuh wiiiiz de l’année 2021, ça se fête !

Je n’avais pas rencontré Dan Simmons dans l’amour, loin s’en faut. Mais je ne suis pas du genre à renoncer quand la plume est belle et cet auteur possède l’un de plus belles de sa génération…

Je suis une immense amoureuse des nouvelles, je l’ai souvent dit je ne reviendrai pas dessus, cet art compliqué représente pour moi quand il est maîtrisé l’exercice littéraire le plus exigeant tous genres confondus. J’avais hâte de lire si cet auteur que je n’avais approché que par ses romans très denses saurait me séduire avec un recueil de récits plus courts.

Je suis ressortie de cet ouvrage comblée par 5 histoires différentes, tantôt bouleversantes, tantôt choquantes, parfois très crues mais jamais sans saveur.

Le lit de l’entropie à minuit :

Un sacré beau titre au passage ! Je me suis demandée où ce diable de Simmons voulait nous emmener avec cette intrigue familiale dont le héros, un agent d’assurance, nous livre de nombreuses anecdotes sur ses clients, des bribes de sa jeunesse, nous demande de l’accompagner à la montagne avec sa fille… Et pourtant entre les lignes un malaise apparaît, une tension se fait palpable et on se prend à redouter le dénouement. Il y a des auteurs qui ne savent pas terminer une nouvelle, Simmons n’est pas du lot.

Mourir à Bangkok :

Ici, deux amis, deux soldats, prennent du bon temps dans un Bangkok, sordide synonyme de sexe monnayé, de drogue et de jeu. L’un des deux décide de rejoindre un club d’initiés où il est possible de vivre une expérience charnelle ultime. Ici Eros et Thanatos se croisent, s’entremêlent, s’embrassent dans une danse brûlante et fatale. J’ai eu la chanson de Murray Head One night in Bangkok dans la tête tout au long de ma lecture pour la partie d’échec bien sûr (comprendront ceux qui liront la nouvelle) mais surtout pour cette phrase : I can feel the devil walking next to me (je peux sentir le démon marcher près de moi). Ce texte envoûtant, parfois très cru, connaît en outre une conclusion particulièrement surprenante.

Coucher avec les femmes dentues :

Le mythe de la Vagina dentata qui laisse entendre que le vagin de certaines femmes serait pourvu de dents aiguisées, a été souvent visité en littérature. Dan Simmons en donne dans cette nouvelle sa propre version. Un jeune Amérindien va découvrir les joies, les dangers du sexe et l’aspect psychanalytique de cette légende. L’angoisse de la castration y est particulièrement mise en lumière. Au-delà du récit émaillé de nombreuses anecdotes, le grand intérêt de cette nouvelle est l’exactitude des connaissances du monde des Sioux Lakotas, un vrai régal que l’on soit amateur ou spécialiste. Au passage l’approche de l’auteur du célèbre film de Kevin Costner Danse avec les loups m’a ravie car je partage entièrement son point de vue.

Flash-back :

Très éloignée du roman éponyme dont elle est annoncée comme un condensé, cette nouvelle m’a profondément bouleversée. Ses thèmes émergeants : une société bouffée par la consommation d’une drogue, le Flash-back, qui permet de se replonger durant quelques minutes ou quelques heures dans nos meilleurs souvenirs et l’obsession d’un vieillard de vouloir, sous l’emprise de cette substance, sauver JFK (ne criez pas au scandale la nouvelle de Dan Simmons a été publiée en 1993, le roman 22/11/63 de Stephen King en 2011) ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Il est réellement question d’amour ici, de l’amour le plus pur qu’il soit et la mort viendra bien entendu mettre son grain de sel.

Le grand amant :

Alors là chapeau bas l’artiste ! Cette nouvelle est en tous points magistrale. Le cadre de cette histoire emprunte d’une immense poésie est la Première Guerre mondiale, ses tranchées, son horreur, ses poilus pauvres bougres rendus à l’état de chair à canon qui doivent tout affronter en attendant la balle qui les sortira de cet enfer. La mort est là, omniprésente, tant et si bien qu’elle est le personnage principal de ce récit. Froide, glaciale, crue, elle rôde prête à faucher tout ce qui se présente, simples trouffions comme hauts gradés. Certains passage sont difficiles car Dan Simmons a choisi de décrire sans détour ces corps qui éclatent, qui sont transpercés, déchirés, fendus et éviscérés. Au milieu de ce maelström de chairs broyées rayonne l’amour… Je ne dirai rien de plus, de peur de trop en dévoiler, mais quelle leçon d’écriture que ce grand amant.

Merci infiniment Monsieur Dan Simmons pour ces 500 pages incroyables où l’Amour toujours côtoie la Mort dans des combats harmonieux qui nous laissent sans voix.

 

L’Amour, la Mort par Dan Simmons aux éditions Pocket, ISBN 978-2-266-29806-3, prix 8,70 € 

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