Aiguilles d'or (Les)

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Dans le New York de la fin du XIXe siècle coexistent deux mondes que tout oppose. D’un côté, l’opulence et le faste. De l’autre, le vice monnayé et l’alcool frelaté. C’est à leur frontière, au coeur de l’infâme Triangle Noir, qu’une famille fortunée va chercher à asseoir sa notoriété en faisant mine de débarrasser la ville de sa corruption. Les Stallworth, dirigés d’une main de fer par leur patriarche, l’influent et implacable juge James Stallworth, assisté de son fils Edward, pasteur aux sermons incendiaires, et de son gendre Duncan Phair, jeune avocat à la carrière prometteuse, ont un plan impeccable : déraciner le mal en éradiquant une lignée corrompue de criminelles : les Shanks.

J'ai adoré la saga Blackwater du même auteur et j'étais très curieuse de le découvrir dans un autre genre, tout en craignant d'être déçue.

Ça n'a pas été le cas, loin de là !

Les aiguilles d'or est un roman difficile à décrire et à classer, tant il contient de choses. Imaginez l'époque du film Gangs of New York, mêlée à l'ambiance de Il était une fois en Amérique. Ajoutez le burlesque de Chaplin et vous commencerez à avoir une idée de ce qui vous attend.

Michael McDowell brosse un tableau sombre et dur du New York de la fin du XIXe siècle. Une ville cosmopolite, âpre, où le raffinement le plus financièrement imaginable côtoie le sordide, où l'hypocrisie règne en maîtresse incontestée d'une société injuste et discriminante. Les putains tapageuses fréquentent les bourgeois, n'ayant d'autres moyens de subsistance que de vendre leur corps pour quelques pièces. À chaque coin de rue, la misère et les estomacs vides poussent à ce que les bien-pensants qualifient de vice naturel : arnaques, vols, drogues, alcoolisme... La débrouille des indigents.

Par petites touches, l'auteur nous amène à prendre conscience de la force inouïe du patriarcat et de l'iniquité des systèmes mis en place, notamment pour les femmes. Comme dans Blackwater, ce sont les femmes qui l'intéressent. Leurs vies, leurs réactions, les mécanismes de survie qu'elles ont mis en place.

Qu'il s'agisse de Marian, la bourgeoise oisive très snob, d'Helen, la fille de révérend cherchant un sens à son existence, de Lena, la receleuse pour qui le mot famille a un vrai sens, ou encore de Daisy, l'avorteuse désirant protéger ses patientes des médecins bouchers, toutes sont des facettes du même joyau : la femme. On pourrait reprocher un côté un peu cliché des personnages. Pour ma part, je vois plutôt des figures archétypales, chacune jouant son rôle à la perfection, fidèle à son époque.

Pas besoin d'aller très loin dans le roman pour savoir dans quel camp se place l'auteur : celui des laissés pour compte, des gens qu'un simple hasard de naissance a placé du mauvais côté de la barrière sociale. Il exulte à chaque page de leur restituer une humanité intacte, malgré les actes souvent atroces auxquels ils se livrent. Il se moque des nantis, dans des passages d'un burlesque pince-sans-rire qui se savourent, mot après mot.

Comme dans Blackwater, cette capacité à entremêler humour très noir et évènements glauques fait la valeur de l'écriture de Michael McDowell. On glousse, avant de réaliser que la scène qu'on vient de lire est franchement sinistre. D'une simple répétition d'un mot, il parvient à communiquer tout l'absurde d'une convention sociale ou à dénoncer les tartuferies d'hommes se targuant d'être au sommet. Du grand art !

J'ai dégusté chaque page, savouré chaque phrase, de ce roman résolument féministe et prônant presque en filigrane le renversement de la société de classes. Car, finalement, les choses n'ont pas tant changé que cela : on trouve toujours des puissants pour exploiter les pauvres et les faibles, tout en les noyant de leur mépris. Sachant que le roman a été écrit dans les années 80, Michael McDowell était un sacré précurseur !

 

Parution le 6 octobre 2023

Les aiguilles d'or de Michael McDowell, chez Monsieur Toussaint Louverture, ISBN 978-2381961361, 12,90€

 

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