Valse des éphémères (la)

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Eliott et Gabrielle vivent leur vie de gosses des quartiers populaires. Petits boulots, coups tordus et rêves éphémères. Alexander Clayton, entomologiste passionné et solitaire, tente de renouer avec le monde qui l’entoure.Mais dans ce Paris surveillé par des flics enragés et une Justice prédatrice, leur monde est sur le point de se faire écraser. Dès lors, les instincts se révèlent. D’un côté, la loi. De l’autre, ceux qui n’ont plus rien à perdre.Un roman noir inspiré de faits réels, qui nous plonge dans le Paris du début du XXe siècle et qui nous pose cette question terriblement d’actualité : supporteriez-vous de vivre dans un pays où la pauvreté est un crime ? 

La valse des éphémères est le parfait exemple à opposer à ceux qui pensent que l’autoédition est réservée aux mauvais auteurs qui ne trouvent pas d’éditeur. Sujet et personnages forts, plume sensible et travaillée, magnifique couverture signée du talentueux Brian Merrant, correction perfectible mais plus qu’honnête, tout concourt à démontrer que ladite autoédition recèle des perles, j’en suis convaincue depuis longtemps.

J’ai rencontré Virginie Lloyd lors du salon T(h)ermes Noirs d’Encausse-les-Thermes en juin dernier et je remercie à nouveau mon ami Mathieu Bertrand pour son cadeau, qui m’a permis de découvrir une nouvelle auteure de talent, de surcroît fort sympathique et bienveillante.

Car plus qu’une surprise, c’est un véritable coup au cœur que j’ai encaissé à la lecture de ce roman poignant et très noir, véritable plaidoyer contre l’injustice. Le sujet ne m’était pas inconnu mais, pour ne pas m’être penchée dessus plus que ça, j’étais dans l’ignorance des « détails ». Car il faut préciser que cette histoire s’appuie sur des faits avérés. J’ai lu dans la bio de l’auteure qu’elle avait été reporter pendant vingt ans, ce qui explique son degré d’implication dans les recherches réalisées en amont, et je salue ici le travail remarquablement documenté qu’elle a fourni. Le résultat est d’un réalisme purement et simplement hallucinant, qui recrée à la perfection les atmosphères et nous permet de nous immerger dans l’enfer quotidien des titis parisiens au tout début du siècle.

La jeune mère éclate en sanglots. Au fond de son âme, comme la lave d’un volcan rageux, remonte sa vraie nature. C’est plus fort qu’elle. Elle est comme ça Victoria. À fleur de peau, incapable de résister. Amoureuse dès qu’on lui murmure qu’elle est belle. Désarmée quand une main se glisse sous son jupon. Naïve quand on lui dit qu’on l’aimera toujours. Anéantie quand on la jette dehors le ventre rond.

Un roman situé dans un contexte historique donc, qui nous fait découvrir Paris sous un nouveau jour : le pittoresque quartier de Montmartre, l’Exposition universelle de 1900 au cours de laquelle la tour Eiffel est nouvellement illuminée par la fée électricité, les débuts de la PTS (Police Technique Scientifique), mais surtout l’envers du décor, la misère crasse de nombreux Parisiens et notamment de leurs enfants.

À l’âge où l’on protège, on ne pense qu’à punir. À l’âge où l’on joue, on ne pense qu’à mourir.

Le réalisme des situations, de la (sur)vie de ces enfants, dont le seul crime est d’être nés pauvres dans les bas-fonds, sur les pavés de notre belle capitale et qui, pour certains, échouent à la prison de la Petite Roquette, surnommée la Bastille délabrée des enfants de Paris, doit beaucoup à cette somme de recherches, mais aussi à la plume sensible et délicate de l’auteure qui sait se faire dure pour nous assener des horreurs. Malgré tout, l’évocation reste toujours pleine de pudeur, sans jamais tomber dans la surenchère ni le pathos.

Dans le ventre de Paris, Eliott et ses compagnons d’infortune se font lentement digérer. (…) Le cachot des punitions. (…) Il est le tombeau des impatiences, des mots qu’on aurait dû taire et des regards de travers. Il est l’enfance condamnée qui refuse de mourir.

Elle est cependant aussi très poétique, sait se faire caresse quand elle parle d’amour ou d’amitié, et, grâce à la luminosité des jeunes Eliott et Gabrielle, l’ensemble mêlé des mots-massues et des mots-fleurs, comme des roses éclosant sur du fumier, nous pousse dans nos retranchements, nous fait valser d’un sentiment à l’autre en permanence, comme les éphémères du titre.

Leurs lèvres s’effleurent comme le vol d’un insecte sur le lit d’une rivière. Dans leur danse aérienne, ils ressemblent à deux insectes éphémères. En un coup d’ailes les voilà amoureux, fiancés, promis pour l’éternité. Leurs cheveux prennent déjà la couleur des vieillards qui ont vu plus d’une vie défiler devant eux. Gabrielle et Eliott s’embrassent comme on saisit la vie en plein vol, comme si en une minute à peine, l’on devait aimer et mourir.

J’ai terminé La valse des éphémères il y a près de trois semaines et je mesure encore aujourd’hui à quel point il m’a bouleversée. J’espère avoir pu faire passer à travers cette chronique tous les sentiments qu’il m’a inspirés et surtout vous avoir incités à le lire. Je peux dire en résumé que j’ai été tout simplement bluffée par la force de l’intrigue et des personnages qui sont dépeints avec justesse et beaucoup de tendresse, impressionnée par la somme de recherches effectuées ainsi que par le niveau d’écriture de Virginie Lloyd. Surtout, surtout, ne passez pas à côté de ce petit bijou !

 

Parue sur Beltane (lit en) secret

 

La valse des éphémères, Virginie Lloyd, autoédition, 12,99 €

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