Usual Victims

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À Tarbes, quatre femmes sont retrouvées mortes dans les locaux de Titania, géant du commerce en ligne. Loi des séries ? Pressions professionnelles ? Vies intimes livrées au chaos ?Le capitaine Delbard, la lieutenante Rucher et Stéphane Brindille, jeune stagiaire, sont sur l’enquête. C’est un déchaînement qui les attend. Une tempête qui broie les vies et fait sombrer les existences ; celles des hommes comme celles des bêtes… 

De Gilles Vincent, je n’avais lu que Si je cessais de vous écrire, le choix de l'intranquillitéun court roman épistolaire qui se rapproche de la poésie et que j’avais beaucoup apprécié, notamment pour la qualité de sa plume. J’ai cependant encore dans ma pal Noir Vézère et Les poupées de Nijar, achetés au cours des deux salons où je l’ai rencontré.

Usual Victims se situe complètement à l’opposé de ce roman épistolaire et je découvre là une tout autre facette de l’auteur, non moins remarquable cependant. Il s’agit ici d’un polar/thriller extrêmement noir, doublé d’une réflexion sociétale très actuelle. Le titre est, comme vous vous en doutez, emprunté à l’excellent film de Bryan Singer où le non moins excellent Kevin Spacey nous avait offert une interprétation époustouflante dans son rôle de Keyser Söze. D’autres références cinématographiques jalonnent le roman, mais je vous laisse la joie de les découvrir.

L’épigraphe donne  le ton : « Tout le talent d’un grand menteur est de faire croire qu’il n’a aucun talent pour le mensonge. » Comme l’est le diable selon la Bible : « menteur et père du mensonge ». C’est ce que va nous offrir Gilles Vincent tout au long de son roman : des mensonges, des demi-vérités, des faux-semblants, afin d’induire son équipe de policiers en erreur et d’égarer ses lecteurs.

L’intrigue est ancrée dans une immense entreprise nommée Titania — qui en rappelle une autre existant bel et bien — et qui expose un monde professionnel sans pitié et à la déshumanisation portée à son comble : conditions de travail très dures, règles strictes, objectifs de rentabilité imposant une pression permanente et des cadences infernales, tout cela bien sûr pour un salaire minimum.

Les personnages sont crédibles, tout comme les pensées qui les agitent, ainsi que les dialogues. Celui nommé Brindille vaut à lui seul le détour. Ce jeune flic atypique permet à l’auteur d’inscrire une vision et des interventions sans filtre, différentes des approches classiques. Sa psyché est fouillée, détaillée, même si elle n’est dévoilée qu’à petites touches, tout au long du roman, et ce, jusqu’à la fin.

L’enquête est passionnante, voire haletante. Tout y est : des rebondissements, du suspense, un épilogue inattendu et des passages relevant du thriller pur. La noirceur qui baigne l’ensemble est présente du début à la fin, où elle explose littéralement.

Quant au style, je le salue une fois de plus. Moins littéraire que dans Si je cessais de vous écrire, tout simplement parce que le genre s’y prête peu, il n’en est pas moins riche et travaillé.

Une réussite totale que ce Usual Victims avec lequel je me suis régalée d’un bout à l’autre !

Extraits :

« De son côté, Brindille envisage le poids de la vanité. Il se demande si une haute idée de sa propre personne pèse plus lourd qu’une juste estimation de soi. »

« Le coup le plus rusé que le diable ait réussi, ça a été de faire croire à tout le monde qu’il n’existe pas. » (Keyser Söze dans Usual Suspects)

Je remercie chaudement les éditions Au Diable Vauvert pour cet envoi.

Parue sur Beltane (lit en) secret

Usual Victimes, Gilles Vincent, Au Diable Vauvert, 19,00 €

 

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