Une année de lecture ! Partie 1

Ah, les best of ! Les meilleurs de l’année ! La sélection, souvent prise de tête, des romans qui nous ont accroché l’œil, l’esprit, les tripes, durant l’année écoulée ! Un exercice toujours un peu difficile... Cette année, je me suis dis « Tiens, je vais garder, précieusement, trace de toutes mes lectures », histoire de pouvoir revenir, non pas sur cinq, dix ou vingt romans, mais de les évoquer tous ! Sans discernement. Bon, pour celles et ceux qui trouvent l’exercice casse-noisettes, ce que je peux totalement comprendre, je leur propose de sauter directement à la fin de cet article, où j’ai tout de même compilé les titres qui m’ont vraiment secoué, en tant que lecteur/chroniqueur, durant toute cette année 2016.

Et voilà ! Nous sommes entre gens de bonne compagnie, les pressés se sont déjà envolés vers d’autres cieux, d’autres sites, d’autres lectures. Attachez vos petites ceintures, on va partir en voyage.

 

Janvier

Je débute l’année avec un roman pour adolescent. La sentence de verre, premier volume des Cartographes, une histoire aux prémices intéressants : imaginez qu’à la suite d’un événement particulier, diverses zones géographiques de la planète se retrouvent coincées à des époques différentes. De l’Europe évoluant au Moyen-âge, en passant par une Angleterre steampunk, ou encore une Chine préhistorique. Ajoutez à cela une petite dose de magie, des personnages hauts en couleurs et vous obtenez une chouette lecture, dont la narration n’est cependant jamais à la hauteur des décors et des éléments épiques que laisse deviner l’auteur. N’est pas J.K. Rowling qui veut. Si tous les dieux nous abandonnent ? se demande Patrick Delperdange en ce début d’année, ce qui ne manque pas de faire un peu de bruit dans le petit monde du polar belge. Patrick est le premier « cousin du Nord » à placer un roman dans la prestigieuse collection « Série Noire », depuis des lustres. Pourquoi celui-là ? Allez savoir ! Le talent de Delperdange est là depuis longtemps. Et cette histoire sombre, pluvieuse, froide, qui vous secoue les trippes par sa modernité, n’est qu’une confirmation de la palette du bonhomme.

Des auteurs anglo-saxons dont les romans ne voient jamais la lumière du jour francophone, j’en dévore chaque année. Black Sun de James Twining est de ceux là. Enfin presque. D’après mes recherches, les aventures concoctées par Twining ont tout de même été chichement proposées par les éditions « City ». Dommage. Dans le genre action/archéologie moderne/société secrète, des choses bien pires ont été publiées ces dernières années.

Laurent Chalumeau est un dieu. De l’écriture. Du rire. Du polar. De la critique sociale. Je relis cette année Maurice de Siffleur, dont l’adaptation cinématographique reste une agréable surprise. Mais on garde le livre, hein, surtout le livre.

Fin janvier… Et premier livre de « copain ». Les « copains », ce sont ces auteurs que j’ai eu la chance de rencontrer à plusieurs reprises et avec lesquels je garde un contact privilégié. Recevoir un de leurs livres, c’est toujours un plaisir. Avec Lever de rideau sur Terezin, Christophe Lambert aborde une nouvelle fois la Seconde Guerre mondiale et ses horreurs, par le biais de l’art. Dans Swing à Berlin, il s’agissait de musique, ici, c’est une pièce de théâtre qui va permettre à des juifs prisonniers du régime nazi de retrouver la liberté. Finesse de l’écriture, connaissance historique, sens du suspense… Ce n’est pas pour rien sur Christophe est lu et relu dans des tas de collèges de France.

 

Février

Ah… Encore un copain ! Cette fois, c’est Luc Baba qui publie, chez Belfond, Elephant Island, une histoire elle aussi teintée aux couleurs de la guerre, mais aussi de la solitude, de la peur et des rêves d’enfants. Un petit bijou d’émotions, par un GRAND auteur belge. Par le talent. Et la taille aussi d’ailleurs.

Pourquoi Dean Koontz est-il le grand oublié de la vague horrifique des années quatre-vingt dans nos contrées ? Mystère. Ou pas. Koontz écrit aujourd’hui dans un style qui lui est propre, qui flirte parfois avec le mystico-gazeux et les livres de développement personnel. Et puis, sans crier gare, il débarque avec un roman comme Ashley Bell, qui vous arrache à votre quotidien, vous emmène à l’aventure… et se paie le luxe d’un « twist » vraiment surprenant… Dans un monde où tout semble avoir déjà été fait et refait.

Je vous le disais plus haut, pourquoi Si tous les dieux nous abandonnent ? Est-il paru à la « Série Noire » plutôt qu’un autre ? Dans la foulée, je lis Comme des chiens, paru chez OnLit et je le trouve plus fort, plus extrême, plus définitif que celui choisi par la grande maison française. Les goûts et les couleurs…

Le livre de poche me permet ensuite de rattraper mon retard dans la série d’Alder Olsen consacré à l’inspecteur Carl Morck et son Département V. Avec Dossier 64, c’est tout de même un peu la même mayonnaise qui prend… Ou pas. Enquête retorse, encadrée par des scènes de vie humoristiques, entre Morck, son assistant improbable, sa famille, ses collègues. Avec la nette impression que chaque roman est plus long que le précédent. Trop long peut-être ?

Je vous ai déjà dit que chaque année, je tente de lire le Marc Levy ? Parfois ça marche. Parfois pas. Cette année, c’est une année sans. Déjà, le pitch me fait penser à une resucée de L’expérience interdite, film avec Julia Roberts et Kieffer Sutherland, mais les premières pages mettent en scène des personnages détestables, qui s’aboient dessus comme des handicapés sociaux et prennent leur méchanceté chronique pour de l’humour de haut vol. Puisque Daniel Pennac autorise le lecteur à cesser de lire un livre… Je ne vais pas m’en priver.

 

Mars

Paf ! Le coup de sang ! Avec un autre livre de « copain ». Surtensions d’Olivier Norek. Je n’ai que du bien à dire de cette bombe. Franchement ? Ne perdez pas de temps. Si vous ne l’avez pas lu, foncez. De plus, je pense qu’il est moins cher que le Marc Levy !

Un roman venu de nulle part ? Pourquoi pas ? Une comédie sympa, enjouée, légère comme une bulle de champagne ? Allez-y ! En plus c’est le printemps et c’est donc avec plaisir que je découvre En attendant Dogo de Mark Mills. Une sucrerie un rien acide, qui se déroule dans le milieu de la publicité.

J’ai souri avec Dogo, je vais m’éclater avec Elvis Cadillac ! Le sosie carolo du King, que Nadine Monfils met en scène dans le roman du même nom. Là, c’est plutôt une bonne bière bien fraîche que l’on siffle, plutôt que du champagne, mais on rigole tout de même à s’en tenir les côtes. Ah, si Nadine Monfils n’existait pas, il faudrait l’inventer.

Pierre Lemaître, auteur de polar sombre, décroche le Goncourt, en 2015, avec un roman sur la Première Guerre et ses horreurs… Le voilà de retour, sur ses terres presque, avec Trois jours et une vie, une histoire sombre, humide, pluvieuse, celle d’un crime accidentel et de ses conséquences sur la vie d’une petite communauté. C’est dur, c’est âpre et c’est teinté d’une certaine forme d’amoralité, qui interpelle dans un monde littéraire où la tendance est plutôt au politiquement correct, aux faux scandales calibrés pour créer le buzz.

Paris prend l’eau ! Mais heureusement pas le roman Austerlitz 10.5. Enfin, si, un peu quand même… Ce qui aurait pu être un survival en zone catastrophique, s’avère davantage être une sorte d’enquête sur les traces d’œuvres d’arts disparues, dans un Paris bouleversé par une grande inondation. Les auteurs font donc le pari du polar d’anticipation, plutôt que du roman catastrophe. Une fois que cette réalité est acquise, on passe un excellent moment…

Merci monsieur Pennac. Bis. Oui, La proie du papillon est un autre roman de l’année que je me suis donné le droit de laisser choir. Trop de clichés, trop de scènes convenues, trop de pseudo cul sans poil et sans sueur. Trop quoi.

Chaque année, je lis deux, voire trois romans de mon ami Graham Masterton. La plupart de ses nouveaux romans ne trouvent plus le chemin de nos contrées francophones (mais ça va changer…) et je les découvre donc, avec toujours autant de plaisir, dans la langue de Shakespeare. Le premier de la série ? The 5th Witch, un « classique » dans la veine de Manitou, ou du Démon des morts. Des mafieux qui s’offrent les services de quatre sorcières pour asseoir leur domination sur Los Angeles. Un enquêteur déterminé à les arrêter avec une cinquième sorcière… Tous les ingrédients sont réunis pour un feu d’artifice « d’horreur à l’ancienne ». Et dans cette catégorie, Masterton reste invaincu ! Cette année également a vu la publication de deux nouvelles enquêtes de Katie McGuire, l’héroïne irlandaise : Living Dead et Dead Girl Dancing.

Le mois se termine avec deux autres incontournables de mon année de lecture. La fille de Brooklyn, de Guillaume Musso et Fool Me Once, d’Harlan Coben en anglais. Amusant que ces deux poids lourds de l’édition occupent le même paragraphe. Parce que Musso, après une orientation clairement « romantique » de ces aventures littéraires, tente, depuis quelques romans, d’injecter une solide dose de thriller, voire de violence, dans ses romans, tout en ne s’éloignant pas trop de la formule attendue par ses lecteurs (et sans doute surtout ses lectrices…). Coben lui, en vieux briscard, n’a plus rien à prouver et ronronne un peu… À  tel point qu’en septembre est paru Home, un second roman de sa plume, qui met en scène son personnage fétiche, le détective privé Myron Bolitar. Un tel rythme peut-il nuire à la qualité de l’écriture ? Peut-on écrire plus qu’un roman par an ? C’est un débat sans fin. Tout dépend du genre de roman. Dans la case « divertissement bien troussé, mais sans surprise », Coben reste une valeur sûre. Et il n’est écrit nulle part que chaque roman doit révolutionner la littérature. Heureusement d’ailleurs.

Ah ! Puisqu’on parle d’efficacité et de rythme… Scott Mariani est un grand malade. Avec les aventures de Ben Hope, il mitraille les internets, en version originale, d’aventures rocambolesques et violentes, à un rythme de malade. Difficile d’imaginer que The Expendables pourrait devenir une série de romans ? Et pourtant… Avec les aventures de Ben Hope, c’est un peu cela… Avec The Cassandra Sanction, Marinai trace sa route. Ce qui était, au départ, une décalque un peu facile du Da Vinci Code est peu à peu devenu une série bondissante, gonflée à la testostérone. À  prendre au second degré (voire au trois-cent-vingt-quatrième ?) au risque de souffrir d’aigreur d’estomac.

 

Le mystère Mitchelli. On dirait le titre d’un roman ? C’est pourtant le nom d’un auteur qui a déboulé en 2015. Avec La compassion du diable, avant de confirmer sa présence, en 2016, avec Une forêt obscure. Et je reste… circonspect. L’homme a du style. Tant avec sa plume que sa personnalité, il attire les chroniques positives et sait mener une intrigue. Reste cette impression encore, pour l’instant, d’un auteur qui enfile les « best-of » des meilleures scènes/personnages qu’il a découverts au fil de ses lectures… Et qui attend pour frapper un grand coup avec « son » roman. En 2017 ?

 

Avril

Le mois des découvertes en V.O. ! Deux auteurs, à la suite l’un de l’autre, déboulent dans ma liseuse sans crier gare, ou presque. En polar, Alex Segura s’inscrit dans la lignée des « hard-boiled », avec un privé alcoolo, doté d’un solide sens de l’humour, qui se retrouve plongé, malgré lui, jusqu’au cou dans des histoires tordue à souhait. Avec Silent City et Darkest Street, Segura nous fait découvrir Miami sous un jour nouveau. Au rayon « techno-thriller », un peu en berne depuis la disparition de Michael Crichton, je débusque Jon McGoran et Drift, une histoire à la croisée du polar, de la prospective scientifique, de l’action et de l’humour. Je ne serais pas surpris de voir le roman apparaître sur nos étagères, in French, dans le courant 2017.

Un autre « copain » joue avec le feu et ses lecteurs. Maxime Chattam, qui publie Le coma des mortels, un roman qui divise. Certains adorent. D’autres détestent. Logique. Ce n’est pas un thriller. Ce n’est même pas un « divertissement » dans le sens classique du terme. C’est plutôt un exercice de style, un jeu de l’esprit, au second degré, un roman-compagnon de Que ta volonté soit faite, sorti en 2015. Personnellement ? J’ai beaucoup aimé. Même si je trouve l’exercice inabouti.

Je termine le mois en lisant L’évangile des ténèbres de Jean Luc Bizien. Tant de gens me disaient du bien de Bizien (oh, c’est beau, on dirait de la poésie…) et j’ai attendu un certain temps avant de le lire. Je n’aurais pas dû ! Les deux autres volumes des Ténèbres sont sur ma pile de 2017. Ensuite, il faudra lire tout le reste !

 

Mai

Que faut-il penser des « phénomènes » internet ? Des auteurs qui se forgent une belle réputation et surtout une chouette base de fans à partir des blogs, des chroniqueurs en ligne, des booktubeurs ? La démarche la plus logique est bien entendu de les découvrir soi-même, afin de se forger un avis. Un avis. Donc, quelque chose de personne. Je n’écris d’ailleurs jamais d’un livre « Ouille, c’est mauvais ». J’écris « Je n’aime pas ». Parce que d’une part, je sais quel travail se trouve derrière l’écriture d’un roman (c’est l’avantage d’être des deux côtés de la barrière…) et d’autre part, un roman trouvera toujours/souvent son public. Pourquoi tous ces préliminaires ? Parce qu’Arnaud Codeville, que j’ai découvert avec le joli mois de mai, fait partie de ces auteurs d’une nouvelle vague, qui a pris les risques de l’auto-publication… Avec succès. Et je n’ai pas aimé son premier roman La tour de Sélénite. Je l’ai trouvé trop convenu, trop rapide, trop… télévisuel. Comme si un auteur de Joséphine Ange Gardien s’était soudain piqué d’adapter une nouvelle de Stephen King pour les ménagères de moins de cinquante ans. Mais tant mieux si La tour… a plu à plein de lecteurs. Ce qui a poussé Arnaud Codeville à écrire un second roman. 1974. Que j’ai apprécié davantage. Je continue à penser que l’auteur, que je me réjouis de rencontrer un jour dans un salon, écrit trop à l’ombre de ceux qu’il adore et que nous adorons tous… Et qu’il se retient. Mais cela devrait changer. Je l’espère.

 

Juin

Deux Marilyn pour le prix d’une ? Ou presque… Philip Le Roy et Philippe Laguerre s’emparent du personnage mythique de la blonde platine pour bâtir des romans différents, mais tout aussi fascinants et passionnants l’un que l’autre. Là où Le Roy (Marilyn X) nous propose de découvrir une Norma Jean Baker en creux, à travers des carnets, des impressions, des atmosphères, Laguerre (Manhattan Marilyn) choisit d’emprunter les sentiers du thriller d’action, où conspirations et réécriture de l’histoire se conjuguent pour retenir le lecteur. Dans les deux cas, la figure de l’actrice se trouve transformée, augmentée, magnifiée par ces deux auteurs amoureux de leur sujet.

Un autre amoureux de ses sujets, c’est Franck Thilliez. Avec Rêvez, il tricote un thriller dont il a le secret, en nous emmenant dans les tréfonds de la psyché d’une femme qui souffre de narcolepsie. Entre rêve éveillé et cauchemar, entre réalité et souvenirs fabriqués, Thilliez joue avec le temps, la structure et les nerfs du lecteur pendant plus de quatre cents pages. On regrette simplement, comme souvent avec ce genre de roman particulièrement bien construit, que le voyage est toujours plus fascinant que la destination.

Champion toute catégorie des ventes, au rayon « polar ésotérique », Éric Giacometti et Jacques Ravenne changent d’éditeur et reviennent plus en forme que jamais avec L’empire du Graal. Fini la formule d’un roman scindé en deux lignes temporelles, cette fois, leur commissaire de police franc-maçon, Antoine Marcas, occupe toute la scène. Et c’est tant mieux ! Cela oblige les deux auteurs à offrir plus de chair à l’intrigue et à multiplier les rebondissements. On ne s’ennuie pas une seconde !

 

Juillet

Avec l’été arrive le troisième volume des aventures de Bill Hodges, le premier personnage récurent, de polar proposé par Stephen King. Après Mr Mercedes et Carnets noirs, c’est donc End of Watch, autrement dit La fin de carrière. Un troisième volet qui clôt avec brio une histoire aux limites du fantastique et de la fiction scientifique, dans laquelle Stephen King continue d’explorer avec plaisir et malice des détours les plus sombres de l’âme humaine. Les âmes sombres, Frédéric Livyns les connait par cœur, lui aussi. Avec L’obscur il braconne avec talent sur les terres de Graham Masterton, avec une maison hantée, un démon, une famille envoûtée et quelques scènes pas piquées des vers. Je regrette simplement que l’auteur, bien conscient de s’adresser, au travers des éditions Académia, à un public « novice » en termes d’horreur, retient un peu sa plume, pour lisser son style.

(À suivre)

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